L'emploi fait face au plus grand défi de son histoire selon Johan Rochel, co-fondateur d'Ethix, un laboratoire qui tente de répondre aux défis éthiques liés à l'innovation.
"C'est peut-être la différence avec le mouvement de robotisation dans l'industrie automobile dans les années 50, qui touchait une branche économique spécifique. Maintenant, on a quelque chose de beaucoup plus transversal, (...) qui va toucher une multitude, si ce n'est pas toutes les branches économiques. Cela va avoir des changements assez profonds sur le développement des emplois tels qu'on les connaît actuellement."
Une loi inadaptée à la réalité
La loi n'est pas adaptée à cette situation, puisqu'il n'existe aujourd'hui qu'un seul instrument en cas de restructuration, le plan social.
Mais celui-ci ne prévoit pas la reconversion professionnelle des employés même si l'entreprise licencie dans un secteur sans avenir. Pour le conseiller national socialiste Samuel Bendahan, c'est donc à l'employeur de se responsabiliser.
"Quand vous avez employé quelqu'un pendant dix ans, vous avez décidé et choisi pendant dix ans les compétences que cette personne allait acquérir et des formations qu'elle pouvait suivre ou pas. (...) L'employé n'a pas pu décider quelles compétences il allait acquérir, ça se fait toujours avec un choix de l'employeur."
Employés inadaptés au marché de l'emploi
Le conseiller national souligne la responsabilité de l'entreprise envers l'employé remis sur le marché de l'emploi en cas de licenciement: "Beaucoup de gens arrivent au chômage sans avoir été adaptés au marché de l'emploi."
Un constat partagé par des spécialistes de la transformation numérique. Bien souvent les entreprises réalisent trop tard qu'elles n'ont pas formé correctement leurs collaborateurs.
Pour faire face à ce défi, Johan Rochel imagine, par exemple, un modèle dans lequel les entreprises devraient s'assurer contre les risques liés à la digitalisation. En cas de gain de productivité, les employeurs devraient participer financièrement à préparer la reconversion de leurs employés.
Ce système existe déjà en Suisse pour les apprentis. Les entreprises qui n'en forment pas doivent contribuer à un fonds de solidarité qui est ensuite redistribué aux entreprises formatrices.
Responsabilité partagée
Pourtant, l'employeur n'est pas le seul à porter la responsabilité de la reconversion. De l'avis des professionnels, chacun doit se préoccuper -et épargner- pour sa future reconversion. Isabelle Flouck, consultante spécialiste en transition de carrière chez ifcarrière, parle ainsi d'un "quatrième pilier, qui serait celui de la formation".
Mais dans les couloirs du Palais fédéral, ces considérations paraissent encore éloignées. Le débat porte plutôt sur la nécessité de rendre le plan social, tel qu'il existe aujourd'hui, plus largement obligatoire. Les discussions auront lieu avant la fin de l'année.
Cynthia Racine/ebz