Dans les années 80, le parti unique au pouvoir en ex-Allemagne de l'Est, le SED, et son bras policier, la Stasi, possédaient un véritable empire financier: des biens immobiliers évalués à 20 milliards d'ostmarks et au moins 6 milliards supplémentaires en liquide, ainsi que de nombreux actifs et sociétés.
Mais avant la chute du mur de Berlin en 1989, les autorités est-allemandes ont voulu cacher ce trésor et en ont transféré une partie vers l'Autriche et la Suisse grâce à divers détournements, des montages financiers astucieux et des firmes écrans.
Un long jeu de piste pour débusquer le magot
Les autorités de l'Allemagne réunifiée ont ensuite voulu récupérer ce magot communiste caché, mais il leur a fallu près de trente ans pour remonter sa piste. Hubertus Knabbe, directeur du mémorial de la prison de la Stasi, explique au micro du 19h30 de la RTS que le parti unique en RDA était "très doué pour faire disparaître son argent. Il a fallu très très longtemps et cela a coûté beaucoup d'argent pour récupérer une partie de cette cagnotte".
Le journaliste Ricardo Tarli a aussi suivi ce jeu de piste depuis de nombreuses années, sur les pas d'enquêteurs qui ne savaient pas où chercher: "Nombre de ces comptes en Suisse ont été ouverts par des individus sous des noms d'emprunt. Il fallait ainsi d'abord tenter d'identifier ces personnes et ensuite prouver leurs liens avec la RDA, avant de retrouver l'argent", détaille celui qui a publié le livre "Operationsgebiet Schweiz: Die dunklen Geschäfte der Stasi" (qui peut être traduit par "Zone d'opération en Suisse: les affaires sombres de la Stasi", Orell Füssli, 2015).
Une somme utilisée pour des projets culturels ou historiques
En 2006 enfin, l'Allemagne annonce avoir localisé une partie du butin. Mais il faudra encore de longues batailles judiciaires avant que plusieurs banques suisses ne soient condamnées à restituer l'argent.
Ce sont aujourd'hui 199 millions d'euros provenant du trésor caché par les communistes qui ont été récupérés et rendus à l'Allemagne. Cette somme est utilisée pour financer des projets culturels et historiques, pour exercer le travail de mémoire. L'argent est ainsi redistribué à des centaines d'institutions ou de monuments, comme l'ancienne prison de la police secrète est-allemande.
Des millions de la Stasi dormiraient encore en Suisse
Mais pour le conseiller aux Etats Hans Stöckli (PS/BE), qui a déposé une interpellation à ce sujet au Parlement en 2015, toute la lumière n'est pas encore faite sur ce magot communiste: "Je suis persuadé qu'on ne connaît pas encore la vérité, que les documents sont disponibles depuis un certain temps et pas encore dans leur totalité."
Selon le Conseil fédéral toutefois, un intense travail de recherche a d'ores et déjà été fourni sur demande de l'Allemagne et le résultat de ces recherches a été transmis à Berlin en 2010. Les spécialistes du dossier jugent eux qu'entre 150 et 200 millions d'euros de l'ex-RDA dorment toujours sur des comptes en Suisse.
Anne Mailliet/Léo Pierrard/boi