Le constat du Contrôle fédéral des finances (CDF) est sévère. Il relève que tout est certes légal - les autorisations sont délivrées dans le respect des règles par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) -, mais qu'il y a une marge d'interprétation. Or, depuis vingt ans, la loi est appliquée en faveur de l'économie, selon l'audit qui souligne un problème de gouvernance.
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La double casquette du Département de l'économie
Il faudrait davantage "de distance critique à l'égard des entreprises d'armement et de leurs lobbyistes", écrivent ses auteurs. Car l'autorité délivrant les autorisations est rattachée au Département fédéral de l'économie, qui a pour mission première de favoriser les entreprises.
Et l'industrie elle-même sait tirer profit de la marge de manoeuvre de la législation suisse. Si elle peut prouver que son produit est également utilisé à des fins civiles, elle échappe à la loi sur le matériel de guerre. On a pu le voir par exemple avec des lunettes de visée exportées en Iran via l'Italie.
Cet audit sans équivoque prend des accents politiques, à l'heure où le Conseil fédéral veut assouplir l'interdiction d'exporter du matériel de guerre dans des pays en conflit interne.
Le CDF "donne des leçons au législateur"
C'est précisément ce qui dérange le PLR Olivier Français, qui plaide pour laisser le Conseil fédéral jouer son rôle. "La principale remarque du Contrôle fédéral des finances, c'est de se dire que le SECO travaille bien et qu'il respecte les exigences légales", relève le conseiller aux Etats vaudois. "Les autres thèmes, c'est de la politique, il donne des leçons au législateur. Je suis un petit peu surpris de la forme."
Réagissant à ces propos dans La Matinale, la socialiste Géraldine Savary s'étonne que ses collègues s'indignent du rapport du CDF. "Car, lorsqu’il s’agit de discuter du nombre abondant de fonctionnaires ou des prestations sociales, ils sont moins critiques", souligne la sénatrice vaudoise. "Ces critiques confirment le fait que ce dossier s’inscrit bel et bien dans un contexte politique, mais cela ne veut pas dire que ses conclusions le sont."
Aucune décision jusque ici sur une modification de l'ordonnance
Egalement interrogé sur cet audit mardi dans La Matinale, le président de la Confédération Alain Berset estime que le fait qu'un tel rapport puisse être publié rappelle que les institutions fonctionnent. Il constate aussi qu'il s'agit d'une "critique aux institutions assez vive" et qu'il faudra se pencher de manière sereine sur ces éléments.
Le socialiste souligne encore l'équilibre qu'il faut constamment trouver entre les nécessités et besoins de l'industrie suisse d'exportation et de l'innovation face à la longue tradition humanitaire helvétique. "Quant à la question de savoir si l'ordonnance qui fixe les règles pour l’exportation du matériel de guerre doit être modifiée ou pas. Il y a une discussion qui se déroule à ce sujet, mais il n'y a pas de décisions qui ont été prises jusque ici", conclut Alain Berset.
Le Contrôle fédéral des finances, lui, n'a pas souhaité commenter son audit à la RTS, pour ne pas s'immiscer davantage dans le débat politique.
Alexandra Richard/oang