40 ans d'évolution de l'agriculture suisse

Grand Format

keystone - Martin Ruetschi

Introduction

Depuis 1975, la surface agricole utile en Suisse n'a que peu évolué et vacille autour de 1,05 million d'hectares. Mais les paysans sont deux fois moins nombreux, alors que la taille moyenne des fermes a doublé.

Chapitres 1
L'évolution de la surface agricole utile

Keystone - Martin Ruetschi

La Suisse est divisée grossièrement en quatre parts quasiment égales: un quart de forêts (en vert sur la carte ci-dessous), un quart de pâturages d'estivage (jaune), sur lesquels les animaux restent quelques mois par année, un quart de surface agricole utile (SAU, en beige). Le dernier quart est composé du reste, soit les surfaces bâties (rouge), les zones rocheuses et les lacs (bleu).

La surface agricole utile (1'046'000 ha en 2017) occupe donc environ 25% de la superficie totale de la Suisse, selon les chiffres de 2017 de l'Office fédérale de la statistique. Soit au même niveau qu'en 1975 (1'046'855 ha).

La surface avait légèrement augmenté dans les années 80 et 90, avant de diminuer de manière quasi constante depuis 1996.

Depuis 1996, ce sont en moyenne 33 mètres carré de surface agricole utile qui disparaissent chaque minute.

De moins en moins de surface agricole utile par habitant

Cette tendance est encore plus marquée si l'on considère la surface agricole utile par habitant. En 1975, chaque habitant disposait de plus de 1656 m2 pour le nourrir. Une surface qui a diminué de 423 m2 par habitant.

Comparé à ses voisins, la Suisse se situe plutôt en bas de l'échelle. La Roumanie et la Bulgarie forment le duo de tête avec plus de 6000 m2 de SAU par habitant. Seuls les Belges et les Hollandais disposent de moins de surface agricole que les Helvètes.

Chapitres 2
La baisse de la surface agricole utile par habitant

Pour voir l'évolution de la surface agricole utile par habitant dans chaque commune, déplacez la jauge de gauche (1980) à droite (2017). Zoomez sur la zone qui vous intéresse et cliquez sur votre commune pour lire les détails:

>> Carte de la surface agricole utile par habitant:

1980                                                     -                                                        2017

Les frontières communales ayant beaucoup changé durant ce laps de temps, certaines données n'ont pas pu être représentées sur cette carte.

Chapitres 3
Fermes et emplois ont diminué de plus de moitié

keystone - Anthony Anex

En 42 ans, le nombre d'exploitations a chuté dans les mêmes proportions que le nombre d'emplois (-54%).

Ce sont donc près de quatre exploitations et 12 agriculteurs qui disparaissent en moyenne chaque jour.

Chaque fois qu'une exploitation disparaît, c'est une part importante du patrimoine et un savoir-faire régional qui s'en va avec

Francis Egger, responsable du département Economie, formation et relations internationales au sein de l'Union suisse des paysans (USP)

La carte du nombre d'agriculteurs par surface agricole utile dans chaque commune, en 1975 et en 2017:

1975                                                     -                                                        2017

La carte des exploitations par commune, en 1975 et en 2017:

1975                                                     -                                                        2017

Chapitres 4
Des exploitations deux fois plus grandes

Keystone - Alessandro Della Bella

En 1975, un agriculteur moyen oeuvrait dans une ferme de 9,4 hectares. Il était épaulé par deux travailleurs agricoles, généralement des membres de sa famille. Seuls 14% des agriculteurs en Suisse étaient alors employés hors du cadre familial (contre 22% aujourd'hui).

L'agriculteur de 2017 travaille désormais dans une ferme de 20,3 hectares en moyenne, soit un peu plus du double que son ancêtre - ce sont surtout les petites exploitations qui disparaissent, au profit des plus grandes.

Si la taille moyenne des exploitations a plus que doublé, le nombre d'emplois par exploitation n'a pas suivi cette tendance. Au contraire. En 42 ans, le nombre d'emplois par ferme a en moyenne très légèrement baissé, de 3,03 à 2,98.

Chapitres 5
Trois fois plus d'animaux à charge

Keystone - Peter Schneider

Aujourd'hui, chaque paysan élève en moyenne 99 têtes de bétail, toutes espèces confondues. Soit trois fois plus qu'en 1975 (avec 31 bêtes par agriculteur).

Il faut toutefois relativiser cette hausse, car ce sont surtout les poules qui tirent la croissance vers le haut (de 6,3 à 11,2 millions entre 1975 et 2017), tandis que le nombre de bovins a diminué de 1,8 à 1,5 million durant le même laps de temps.

La carte du nombre d'animaux par agriculteur:

1975                                                     -                                                        2017

Chapitres 6
La vache, ce symbole suisse en voie de diminution

keystone - Gian Ehrenzeller

Depuis 1975, le nombre de vaches élevées en Suisse est tombé de près de 870'000 à plus de 690'000.

La carte du nombre de bovins par hectare:

1975                                                     -                                                        2017

Trop de vaches laitières, manque de vaches à viande

En 1975, il y avait 13,8 vaches pour nourrir 100 habitant. Il n'y en a désormais plus que 8,2%.

L'écrasante majorité d'entre elles (82%) sont des vaches laitières. Une domination qui était encore plus grande (94%) en 1999, date à laquelle la distinction a commencé à être enregistrée.

Ce sont donc les vaches laitières qui tirent l'évolution globale vers le bas. Mais nul besoin de s'inquiéter, selon Stephan Hagenbuch, directeur de la Fédération des producteurs suisses de lait Swissmilk.

Le marché stagne, mais la productivité par vache augmente en moyenne de 1 à 1,5% par an. Par conséquent, le nombre de vaches diminue

Stephan Hagenbuch, directeur de Swissmilk

En 1989, au pic de lactation, une vache pouvait produire en moyenne 20 litres de lait par jour. Ce chiffre a doublé à 40 litres aujourd'hui.

>> Voir sur ce sujet l'analyse de Fernand Cuche, ancien secrétaire générale d'Uniterre :

"Il y a un revers de la médaille avec les "superlaitières"" relève l'ancien conseiller d'Etat NE Fernand Cuche.
19h30 - Publié le 10 janvier 2019

Le nombre de vaches de la filière viande augmente légèrement, mais il en faudrait bien davantage pour combler les besoins de la population, obligée d'importer du boeuf de l'étranger.

Pourquoi dès lors les producteurs de lait, confrontés à des excédents de production, ne se reconvertiraient-ils pas dans la filière viande? "Cela demanderait un investissement important en argent et en temps. C'est un tout autre métier", répond le directeur de Swissmilk.

Conséquence sur le paysage suisse

Si la baisse du nombre de vaches n'a pas de conséquence sur la production, elle en a en revanche sur le paysage suisse et le tourisme. Car le manque d'herbivores sur les surfaces fourragères est l'une des causes de la diminution de la surface agricole utile (SAU).

Depuis les années 1990, la surface agricole diminue en Suisse au profit des terrains à bâtir, mais aussi des forêts, affirme Michel Amaudruz, ingénieur agronome à l'association agricole AGRIDEA.

"Les deux tiers de la SAU sont des prairies. Mais si l'on compte les surfaces d'estivage et les surfaces d'altitude, les herbages représentent pas loin de 50% du territoire. Si ces prairies ne sont plus exploitées par les herbivores, elles vont s'embuissonner et devenir des forêts", explique-t-il.

Chapitres 7
Le nombre de poules a presque doublé

Keystone - Gaetan Bally

En 42 ans, le nombre de poules a presque doublé, de 6,3 à 11,2 millions de têtes. Mais cette croissance a été amorcée depuis une vingtaine d'années seulement.

Près des deux tiers de la volaille sont des poulets d'engraissement. Rien que depuis 2010, la consommation annuelle a bondi d'un kilo par personne à 12 kilos (état en 2015).

La viande de poulet est même passée en tête des préférences des Romands, selon l'OFS. Et pour preuve, ce sont trois cantons romands qui en élèvent le plus: Berne (1,8 million), Fribourg (1,7 million) et Vaud (1,2 million).

La carte du nombre de volailles par commune, en 1975 et en 2017:

1975                                                     -                                                        2017

Plus rentable

Les quelques 2,7 millions de poules pondeuses en Suisse produisent environ 900 millions d'oeufs chaque année. Soit une moyenne de 175 oeufs par année et par habitant.

Quant aux poulets d'engraissement, leur multiplication s'explique notamment par les nouvelles habitudes de consommation, un phénomène amorcé au milieu des années 90 avec la maladie de la vache folle. Les consommateurs se tournent dès lors vers le poulet et d'origine suisse.

En parallèle, la fin des quotas laitiers en 2009 a fait chuter le prix du lait. "De nombreux producteurs de lait se sont tournés vers d'autres productions. Et on a vu un peu partout en suisse des poulaillers qui se sont construits parce que cette filière est quasi assurée d'un revenu", explique Fernand Cuche, ancien secrétaire générale d'Uniterre.

>> Le nombre de poules élevées en Suisse a doublé ces 20 dernières années :

Consommation: le poulet a la cote. Le nombre de poules élevées en Suisse a doublé ces 20 dernières années.
19h30 - Publié le 16 janvier 2019

La production de poulet affiche par ailleurs une très bonne rentabilité. Dans une production industrielle, il suffit de 35 semaines pour qu'un poussin passe de 40 grammes à un poulet de 2 kg. Pour grossir de 1 kg, le poulet doit consommer 1,8 kg d'aliment. "Cette valorisation du fourrage est la meilleure parmi les animaux domestiques", souligne le site agriculture.ch.

Tout comme pour les vaches, les progrès de la génétiques ont poussé de nombreux agriculteurs a choisir les poules les plus performantes, soit pour leurs oeufs, soit pour leur chair. "Il y a 40 ans, quand vous passiez d'un poulailler à l'autre, vous aviez de la peine à retrouver les même poules. Aujourd'hui, on assiste à une diminution de la diversité des espèces", confirme Fernand Cuche.

Chapitres 8
Plus de la moitié des colonies d'abeilles ont disparu

keystone - Alessandro della Valle

Le nombre de colonies d'abeilles en Suisse a chuté de manière drastique depuis le milieu des années 1980 de plus de 94'000 colonies jusqu'à moins de 17'000 en 2010. L'élevage a toutefois repris quelques couleurs. On en compte aujourd'hui un peu plus de 45'000.

En 2017, un total de 1208 communes n'avaient aucune colonie d'abeilles sur leur territoire. Inversement, la commune qui en élève le plus est Mendrisio, au Tessin, avec 1319 colonies.

Au niveau des canton, c'est Berne qui tient la palme, avec 7986 colonies, soit 18% du total en Suisse, suivie par le Tessin et ses 5594 colonies (12%). Vaud (4506), Fribourg (2849) et Genève (1574) suivent derrière. Neuchâtel et ses 431 colonies est le canton romand qui en possède le moins, derrière le Jura (721) et le Valais (972).

1975                                                     -                                                        2017

Chapitres 9
L'arrivée du bio

keystone - Christian Beutler

Depuis 1990, année à partir de laquelle les cultures bio ont été répertoriées, le nombre d'exploitations qui renoncent aux produits chimiques augmente de manière assez constante.

>> La carte du bio par commune en pourcent de la surface agricole utile :

1975                                                     -                                                        2017

Si la consommation de bio a particulièrement progressé en Suisse romande, côté producteurs, les Suisses allemands restent devant, à l'exception du Valais et du Jura, qui se situent au-dessus de la moyenne suisse de 14,5% de la surface agricole utile (SAU) consacrée au bio. Le canton des Grisons est - loin devant les autres cantons - le champion suisse du bio, avec 63,6% de sa SAU et plus de 56% de ses exploitations.

La grande majorité des éleveurs de brebis laitières (73%) s'est convertie au bio. Mais leur nombre est toutefois restreint puisque l'on dénombre (en 2016) 9478 brebis bio, sur un total de 12'909. Soit bien moins que les 845'374 poules bio qui ne représentent, elles, que 7,8% des poules en Suisse.

Chapitres 10
Le salaire des agriculteurs augmente, mais reste bas

keystone - Gaetan Bally

Le salaire des agriculteurs a augmenté en 40 ans, mais reste toujours au bas de l'échelle. Selon l'Union suisse des paysans (USP), le revenu médian d'un agriculteur est aujourd'hui de 4000 francs, contre 2100 francs en 1993 - les études sur les salaires des agriculteurs n'existent pas au-delà de cette date.

L'émission TTC a comparé les premiers salaires qu'ont touchés deux producteurs de lait en 1979 et en 2017. Il est passé de 1200 à 3500 francs. Converti en francs d'aujourd'hui, le salaire d'un employé de ferme aurait donc augmenté de 37%.

>> Revoir le sujet de l'émission TTC sur le métier d'agriculteur (durée 2:33) :

C'est mon métier: agriculteur
T.T.C. (Toutes taxes comprises) - Publié le 23 avril 2018

Chapitres 11
Une pénibilité du travail remplacée par deux autres

keystone - Gaetan Bally

Dans les années 70, l'agriculture est en plein boom de la mécanisation. Les progrès technologiques permettent parfois de remplacer l'activité de plusieurs personnes par un tracteur et un chauffeur, diminuant la durée et la pénibilité du travail de manière importante.

Mais cette pénibilité du travail aurait été remplacée par deux autres: "la surcharge administrative et la solitude", affirme Francis Egger, responsable du département Economie, formation et relations internationales au sein de l'Union suisse des paysans (USP):

Avant, on était content d'aller à la laiterie et d'y rencontrer des collègues. Maintenant c'est un camion qui vient chercher le lait

Francis Egger, responsable du département Economie, formation et relations internationales au sein de l'Union suisse des paysans (USP)

La nouvelle révolution de l'agriculture 4.0.

Selon Francis Egger, la baisse du nombre d'exploitations n'est pas prête de s'arrêter. Car depuis le boom de la mécanisation, l'agriculture suisse est déjà passée à la digitalisation. Mais on n'a pas encore connecté les robots entre eux. Ce sera la révolution agricole 4.0.

"Il y a déjà des pionniers en Suisse romande", souligne le responsable à l'USP. Selon lui, cette transition sera aussi importante que le passage du cheval au tracteur. Et pourrait de ce fait accélérer la disparition des exploitations. "Il ne s'agit pas d'être pour ou contre, c'est un fait. Maintenant, il faut réfléchir comment l'accompagner au mieux".