Premier constat: le voyage tout frais payé par le pays hôte n'existe plus depuis une dizaine d'années, en tout cas officiellement. A Berne, personne n'admet en avoir accepté. Le cadeau empoisonné, c'est plutôt le voyage privé - financé complètement ou en grande partie par le parlementaire - mais pendant lequel ce dernier fait malgré tout de la représentation.
Une prise d'otage, estime le conseiller national UDC fribourgeois Pierre-André Page: "On a la possibilité de participer à certains voyages, à nos frais bien sûr. Ensuite, on est rapidement pris en otage par le système, puisqu'une fois sur place, comme nous sommes parlementaires, on nous demande de rencontrer les autorités supérieures du pays, ce qui est très intéressant, mais on est pris en otage par le système." Un mélange des genres aux limites floues que les parlementaires eux-mêmes devraient clarifier, selon Pierre-André Page.
L'ancienne conseillère d'Etat et conseillère nationale PLR genevoise Martine Brunschwig Graf souligne dans La Matinale de la RTS que des "mécanismes de décision transparents" peuvent servir de "garantie". "Ce n'est pas de savoir si quelqu'un connaît quelqu'un d'autre (...). Le problème, c'est de savoir comment on décide, avec qui on décide et quel est le contrôle qu'il y a sur les décisions qui évitent ce genre de dérapages", explique Martine Brunschwig Graf.
Un climat durci
Le climat et certaines pratiques se sont bien durcis à Berne. Mais aujourd'hui, certains parlementaires aussi bien de droite que de gauche souligne que ce durcissement va trop loin, à l'exemple du conseiller aux Etats socialiste neuchâtelois Didier Berberat. Celui-ci indique avoir "vu une évolution qui n'est pas forcément très favorable" depuis qu'il est parlementaire.
"Bientôt, lorsqu'on se fera offrir un café par un lobbyiste à la buvette du Palais fédéral, il faudra le déclarer à la presse et au Parlement...", déclare-t-il avant d'ajouter: "Il est bien clair qu'il n'est pas possible d'accepter un voyage de valeur quand on est parlementaire, mais le bon usage veut que généralement, quand on rencontre quelqu'un, on boive quelque chose, on aille même manger ensemble, ça me paraît encore être dans les limites du tolérable."
Mais pour un dîner, y a-t-il une contrepartie? Car les élus reçoivent bien des demandes et subissent des pressions. A chacun de mettre ses limites.
Muriel Ballaman/ebz