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La presse souligne le "Röstigraben" alimentaire après le vote de dimanche

Un tracteur dans un champ allemand. [Keystone - DPA/Jens Büttner]
Un tracteur dans un champ allemand. - [Keystone - DPA/Jens Büttner]
La presse romande de lundi évoque à l'unanimité le "Röstigraben" entre les Romands et le reste de la Suisse après le sec rejet des deux initiatives alimentaires dimanche. Mais le débat sur l'agriculture ne fait que commencer, prévient-elle.

"Le verdict est sans appel", constate Le Courrier. Avec 6,1,3% de "non" à l'initiative des Verts pour des aliments équitables et 68,4% de rejet pour celle sur la souveraineté agricole, "l'avis des Romands a été écrasé par la majorité alémanique", renchérit Le Quotidien Jurassien.

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Cette barrière de rösti, indique La Liberté, s'explique par le fait que "les Alémaniques refusent que quiconque leur dicte leur menu". Ils ont préféré une liberté de choix à "une intervention accrue de l'Etat dans l'agriculture".

A l'instar d'autres quotidiens, le journal fribourgeois relève également une sensibilité différente de la Suisse romande face à l'agriculture. "La majorité des appellations d'origine protégée proviennent d'ailleurs du terroir romand", note le Quotidien Jurassien.

L'argument du prix a joué

L'argument d'une hausse des prix en cas d'acceptation des initiatives, répété par les opposants, a été décisif, estiment tous les journaux. "Les Suisses, Alémaniques en tête, ont voté comme ils font leurs courses: en regardant le prix plutôt que la qualité de l'aliment", poursuit le journal jurassien.

"C'est comme au marché, devant l'étal du petit producteur 'bio' qui vend ses tomates deux francs plus cher au kilogramme que l'importateur d'à côté. Silencieusement, on soutient le premier, mais on fait ses achats chez le second", précise ArcInfo.

Le Temps y voit l'"ébauche d'un Röstigraben" entre consommateurs, "les uns (étant, ndlr) motivés par le prix, les autres par la recherche de qualité". Evoquant aussi l'argument du rejet d'une nouvelle intervention de l'Etat, il estime encore que "les Suisses n'ont pas voulu ajouter à la complexe machine de la politique agricole et à ses 4000 pages de prescriptions un surcroît de contraintes".

Face à la peur d'une hausse des prix, "le rapport d'Avenir Suisse tombé comme par hasard il y a quelques jours et chiffrant à 20 milliards de francs le coût annuel de l'agriculture, a définitivement sonné le glas de ces deux textes", juge Le Journal du Jura.

Une division du monde agricole

Le quotidien rappelle que l'initiative pour les aliments équitables recueillait encore 78% d'intentions de votes à la fin août et celle intitulée "pour la souveraineté alimentaire" 75%. "La désillusion est douloureuse", note-t-il.

Mais, relèvent la Tribune de Genève et 24 Heures, ce Röstigraben "reste sur l'estomac". "Ce scrutin ne fait que des perdants", car la branche se trouve à la croisée des chemins. "Il n'est pas question de statu quo, mais de choix d'avenir". "En votant non, le consommateur décide de ne rien décider", expliquent les journaux lémaniques.

Ce vote est aussi une "division qui gangrène le monde agricole entre l'Union suisse des paysans, plutôt de centre droit, et le syndicat Uniterre, plutôt écologiste de gauche", selon les deux journaux lémaniques. Or, le second est "présent surtout dans la partie francophone de la Suisse", région qui a dit "oui" aux deux objets, remarque Le Courrier.

Si les citoyens ont opté pour une liberté de choix, le résultat des votations n'est pas non plus "un soutien massif à l'ouverture des marchés et au démantèlement des protections douanières visées par la droite économique", constate à l'instar du reste de la presse Le Temps. La Tribune de Genève et 24 Heures préviennent d'ailleurs le ministre de l'économie, Johann Schneider-Ammann, de se garder "de toute euphorie" dans la conclusion d'accords de libre-échange.

>> La revue de presse de La Matinale :

La revue de presse. [RTS]RTS
La revue de presse - Par Valérie Droux / La revue de presse / 7 min. / le 24 septembre 2018

ats/boi

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Les commentaires de la presse alémanique

Le Röstigraben se retrouve également dans les commentaires des journaux alémaniques. "Il y a exactement un an, les Suisses ont clairement dit 'oui' à l'article sur la sécurité alimentaire", rappelle la Berner Zeitung. "La protection des terres cultivées et la promotion d'une production agricole durable ont été ancrées dans la constitution fédérale. Les initiants des deux initiatives de dimanche n'ont pas réussi à démontrer (...) que des règles supplémentaires étaient nécessaires pour l'agriculture et pour l'importation de produits agricoles".

Allant dans le même sens, la Nordwestschweiz, la Luzerner Zeitung et le St. Galler Tagblatt affirment que les résultats peuvent être considérés comme une confirmation de la politique agricole actuelle. "L'écologie est devenue plus importante ces dernières années, tout comme l'ouverture des marchés et l'intensification de la concurrence (...) Le 'non' catégorique aux deux initiatives est un net rejet à toutes les forces qui veulent isoler l'agriculture suisse".

Pour le Blick, les Suisses ont dit "non" à la "tutelle" de l'Etat. "Quiconque attache de l'importance à la production équitable et durable de ses aliments a toutes les chances de réussir", remarque-t-il, soulignant que, malgré des coûts plus élevés, beaucoup d'agriculteurs se lancent dans la production biologique.

Le TagesAnzeiger estime, lui, que le citoyen veut avoir le choix du type d'aliments qu'il veut acheter, biologique ou non. "Il préfère prendre cette décision individuellement devant les étals du magasin, plutôt que de l'inscrire comme obligatoire dans un article de la constitution".
La Neue Zuercher Zeitung relève de son côté le faible taux de participation. "Bien que le sujet sur l'alimentation nous concerne tous", seuls 37% des Suisses ont voté.