Une fois l'Aquarius de retour au port de Marseille la semaine prochaine, il ne pourra plus repartir en Méditerranée pour sauver des vies, ayant perdu son pavillon panaméen. A moins donc que la Suisse ne lui accorde le sien.
Cette démarche n'a toutefois rien de simple. Tout d'abord au niveau juridique: selon la loi fédérale sur la navigation maritime, le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) pourrait, à titre exceptionnel, autoriser l'enregistrement de l'Aquarius dans le registre des navires suisses, à certaines conditions. Premièrement, que la société qui possède le bateau ait son domicile ou son siège en Suisse et deuxièmement, que ladite société exploite le bateau à des fins humanitaires.
Des élus au front
Si cette dernière condition paraît remplie, la première ne l'est pas: l'Aquarius appartient à Jasmund Shipping, société établie en Allemagne. Son propriétaire devrait donc décider de la délocaliser en Suisse ou d'ouvrir éventuellement une filiale helvétique.
L'autre défi est politique. Avec cette question: est-ce que le DFAE, et donc le Conseil fédéral, veut accorder le pavillon suisse à l'Aquarius? La décision lui appartient entièrement, nonobstant le front interpartis - Les Verts, PS, PDC et PLR - favorable à cette idée au Parlement.
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Les élus de ces partis auront fort à faire pour convaincre les conseillers fédéraux, tiraillés entre faire un geste humanitaire et une éventuelle responsabilité morale à l'égard des migrants secourus.
Accueillir les rescapés?
Cette même responsabilité morale pourrait de fait contraindre la Suisse à accueillir des migrants sauvés par l'Aquarius. Si, du point de vue juridique, rien n'oblige la Suisse à le faire, elle pourrait se voir contrainte, par responsabilité morale, d'accueillir les rescapés recueillis par un navire arborant son pavillon, si aucun pays européen n'est prêt à la faire. Tel est du moins l'avis de Benoît Le Goaziou, avocat français spécialiste du droit maritime, invité de La Matinale vendredi.
Son opinion n'est évidemment pas partagée notamment par les partisans de l’octroi d’un pavillon suisse à l'Aquarius. Selon eux, la Confédération n'aurait pas à s'inquiéter du sort des personnes sauvées. Mais avant de se prononcer, le Conseil fédéral voudra en avoir le coeur net, ce qui pourrait prendre plusieurs semaines.
Le temps presse
Or, l'Aquarius de dispose pas de ce temps. Plus le navire reste à quai, moins il sauve de vies, selon l'association SOS Méditerranée, qui affrète le bateau. La direction de SOS Méditerranée, tout en saluant la démarche des parlementaires suisses - la qualifiant même de piste sérieuse - explore aussi d'autres solutions pour que l'Aquarius obtienne un nouveau pavillon rapidement et puisse ainsi repartir en mer.
Marc Menichini/kkub