L'étude, réalisée par le centre interdisciplinaire pour la recherche sur le genre IZFG de l’Université de Berne à la demande du syndicat Unia, a été présentée jeudi devant la presse à Berne.
Après des entretiens avec une dizaine d'employés de vente de Coop et Migros, les chercheurs affirment que l'automatisation a non seulement profondément modifié leur métier, mais aussi la perception qu'ils en ont.
Il ressort de leur enquête que le personnel de vente est soumis à un stress accru, lié à l'exigence d'accomplir toujours plus de tâches dans un minimum de temps -notamment de contrôle et de surveillance-, sur fond de précarisation du métier et de recherche d'efficience maximale.
"Mon stress a explosé"
Une caissière interrogée par la RTS, souhaitant rester anonyme*, se reconnaît dans les conclusions de l'étude. Employée par la Coop depuis 15 ans, toujours postée à une caisse "traditionnelle", elle a désormais en plus la responsabilité de quatre caisses automatiques, simultanément. "Les caisses en libre-service ne m'ont pas enlevé du travail, au contraire, elles m'ont doublé mon travail", constate-t-elle.
Les caisses en libre-service ne m'ont pas enlevé du travail, au contraire, elles m'ont doublé mon travail.
Entre la gestion de sa propre caisse, la surveillance des caisses automatiques dites "SCO" (de l'anglais "self check-out") et les fréquentes interruptions pour débloquer les achats de cigarettes et d'alcool de ces clients... La multiplication des tâches nécessite pour elle une "concentration maximale" et, en période de pointe, elle assure que "le stress explose".
Surveiller qu'il n'y ait pas de vols fait aussi partie de ses attributions, mais elle reconnaît accomplir de mauvaise grâce cette tâche pour laquelle elle estime ne pas avoir été formée. Et, glisse-t-elle, "plus il y a de vols aux caisses automatiques plus, quelque part, je suis contente; à l'employeur de prendre ses responsabilités".
Dégradation des contacts avec les clients
Comme la plupart des employés interrogés dans l'étude de l'Université de Berne, elle déplore une dégradation des relations avec la clientèle, l'aspect du métier qu'elle préfère. "Mes clients, je ne les soigne plus comme avant, la relation humaine est devenue froide (...). Je ne peux plus faire un travail consciencieux", regrette-t-elle.
La relation humaine est devenue froide.
Les clients des caisses en libre-service seraient aussi moins respectueux, et n'hésiteraient pas à hausser le ton. "Le manque de respect vient autant des plus jeunes que des plus âgés... Quel que soit l'âge, quand on passe à la caisse automatique c'est parce que l'on veut que cela aille vite".
L'employée dit ne pas être opposée, en soi, à ces caisses en libre-service mais "en renfort, pas en remplacement" des caisses traditionnelles.
Pauline Turuban
*identité connue de la rédaction
Pour Unia, "la numérisation doit être au service des employés"
Anne Rubin, responsable du commerce de détail pour Unia, a appelé jeudi à ce que les innovations techniques se traduisent par "une revalorisation des conditions de travail et des salaires", en particulier pour les femmes qui sont les principales concernées par le temps partiel et la précarité.
Le syndicat estime que des remplacements fréquents sont nécessaires pour le personnel posté aux caisses automatiques, afin d'éviter une trop longue station debout.
Unia réclame par ailleurs pour les employés de la formation adaptée, une meilleure protection contre les agressions et exhorte les employeurs de la grande distribution à s'engager en faveur d'une meilleure organisation du travail.
Près de 70% des consommateurs utilisent ces caisses
La numérisation est en progression constante dans le commerce de détail. Selon une étude du cabinet Deloitte parue l'an passé, près de 70% des consommateurs en Suisse utilisent déjà, au moins ponctuellement, les caisses en self-service ou le "self-scanning" pour leurs courses alimentaires.
Coop et Migros seraient équipés, à eux deux, de plus de 4000 caisses automatiques en Suisse, qui génèreraient entre 20 et 40% de leur chiffre d'affaires.