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Colombie/ Gontard: les courriels de la discorde

Le ministre colombien de la défense, Juan Manuel Santos.
Le ministre colombien de la défense, Juan Manuel Santos.
Avant même la libération d'Ingrid Betancourt et de quatorze autres otages, la Colombie avait entrepris de jeter le discrédit sur la médiation suisse, à l'aide de courriels que la RSR s'est entre-temps procurés.

Les échanges de courriels entre le commandant des FARC Raoul
Reyes et l'émissaire suisse Jean-Pierre Gontard, dont
l'authenticité reste d'ailleurs à prouver, ont été échangés entre
août et décembre 2001, soit après la libération des deux
otages.



Selon nos informations, une fois ses hommes libérés, Novartis a
tardé à régler les 500'000 dollars promis au FARC. C'est sur
intervention du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE),
que la compagnie bâloise s'est finalement exécutée, en envoyant
l'un de ses cadres à Panama-City.

Contrairement à ce qu'affirmait dimanche le ministre colombien
de la Défense, Juan Manuel Santos, l'argent n'a été ni transporté,
ni remis aux FARC par Jean-Pierre Gontard, mais par un cadre de
Novartis, qui l'a chargé dans des sacs de sport.



Des sacs avec lesquels il est resté 3 semaines à Panama-City, le
temps qu'il a fallu à un représentant des rebelles pour venir les
chercher.

Le contenu des courriels

Les courriels ne contiennent aucune affirmation probante. Ils
mettent en évidence le dispositif adopté par les FARC pour la
remise de la rançon. Ils montrent également qu'à la mi-septembre
2001, les FARC attendent l'émissaire suisse avec des mallettes
dotées de serrures à numéros, mais, selon le courriel suivant, daté
à fin octobre, aucun transfert n'a été effectué, tandis
qu'intervient à cette époque un personnage basé au Mexique, où les
FARC disposent d'appartements.



Lundi soir au téléphone, Daniel Vasella nous a d'ailleurs
mentionné le rôle "instrumental", dans cette affaire, de
l'ambassadeur du Mexique, pays où les FARC disposaient d'un
représentant.



Enfin, la confirmation du paiement intervient dans un courriel,
daté du 21 décembre, où il n'est pas précisé qui a transporté et
remis l'argent aux FARC.



Ni Jean-Pierre Gontard, ni le DFAE, ni Novartis n'ont souhaité
répondre à nos questions ce mercredi.

Fuite organisée en Suisse

La fuite organisée de ces courriels est intervenue à la veille
de la libération d'Ingrid Betancourt. Une fuite organisée en
Suisse, à l'intention de l'hebdomadaire alémanique proche du
courant dur de l'UDC, la «Weltwoche».



Si l'on tient compte des délais de fabrication, pour pouvoir
rédiger son article du 3 juillet dernier contre la politique des
bons offices de la Suisse en Colombie, le journal devait disposer
de ces documents au plus tard le 1er juillet, c'est à dire à la
veille de la libération d'Ingrid Betancourt.



En clair, cela veut dire que la décision politique, à Bogota, de
discréditer la médiation suisse, était déjà tombée avant même que
l'on soit certain de récupérer les otages sains et saufs et alors
que 25 autres otages, dont cette médiation est aussi chargée, ne
faisaient même pas partie du plan de sauvetage. Aujourd'hui, ils
sont toujours dans la jungle.



RSR/Fbla/Vbour/Mber

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Les faits

En l'an 2000, deux cadres de Novartis, l'un Argentin, l'autre Mexicain, débarquent à l'aéroport de Bogota, où ils sont pris en charge par une escorte armée. Une escorte qui, au lieu de les protéger, les vend aux rebelles de FARC, pour 480'000 dollars.

Dans un premier temps, Novartis s'efforce de négocier seule la libération de ses employés.

De leur coté, les FARC veulent certes rentrer dans leurs frais, mais, à l'époque, ils sont surtout en quête de contreparties politiques, contreparties que Novartis ne peut évidemment pas leur donner.

Le géant de la pharma se tourne alors vers le DFAE, que dirigeait Joseph Deiss.

Le DFAE envoie alors Jean-Pierre Gontard dans la jungle colombienne, négocier avec les FARC.

Il obtient la libération des otages, sans même avoir à débourser un sou, mais en échange d'une promesse de rançon, de 500'000 dollars pour les deux otages.

Après quatorze mois de détention, ils sont transférés depuis un aéroport secondaire, dans un avion de type Falcon, jusqu'en Floride, où les attendent leurs familles et Daniel Vasella, en personne, comme il nous l'a confirmé.

Suisse/Colombie: la situation se détend

Mardi tous les signes en provenance de Bogota montraient que la facilitation menée par la Suisse, la France et l'Espagne vivait ses dernières heures, mais ce soir un certain espoir demeure à Berne.

Le climat semble avoir changé à Bogota. La RSR a appris que mardi soir, le président colombien Álvaro Uribe a en effet partagé un repas avec les ambassadeurs de l'Union européenne en poste dans la capitale colombienne.

À cette occasion, Álvaro Uribe aurait déclaré vouloir revoir les modalités de la facilitation menée par la Suisse, la France et l'Espagne. Il n'a pas du tout parlé de mettre fin à cette médiation, ni même de la suspendre.

Ces propos sont pris avec prudence au département des affaires étrangères, mais un certain optimisme règne. En tout cas pour l'heure, Berne n'a reçu aucune communication de Bogota annonçant la fin de la facilitation.