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La politique des drogues aux urnes

S.Rossini annonce la nouvelle proposition du PS.
Le conseiller national valaisan veut des réponses pragmatiques.
Le 30 novembre prochain, les Suisses devront dire s'ils acceptent de dépénaliser la consommation du cannabis et s'ils sont d'accord d'ancrer dans la loi la politique des quatre piliers. Entretien avec Stéphane Rossini, un pragmatique en matière de politique des drogues.

Le conseiller national socialiste valaisan Stéphane Rossini est
une des rares voix romandes à défendre les deux objets.



TXT: Avec les interdictions de la fumée qui se
généralisent dans les cantons, la tendance est plutôt à un retour
de l'autorité. Votre initiative tombe plutôt mal...

Stéphane Rossini: S'il y a un décalage, il se
trouve plutôt dans le discours des politiques: un discours
moralisateur et dogmatique, en totale dissonance avec la réalité du
terrain et ce que peuvent vivre les professionnels de
l'intervention socio-sanitaire par exemple. Le populisme doit être
dépassé pour que nous entrions dans une dynamique pragmatique de
prise en charge des personnes qui ont besoin d'aide. Ce n'est pas
en mettant un couvercle sur la marmite, ni en devenant plus
autoritaires, qu'on réglera les problèmes. Ils existent et il faut
trouver des solutions.



Si la Suisse dépénalise la consommation du cannabis,
doit-on craindre qu'elle devienne une plaque tournante en
Europe?




Non, l'objectif de l'initiative est justement de réglementer et de
contrôler le marché. Aujourd'hui les gens consomment malgré
l'interdiction en vigueur et le marché noir existe. La Suisse est
déjà un grand producteur de cannabis et en exporte: la situation
est insatisfaisante, mais elle ne va pas s'aggraver avec une
dépénalisation. Au contraire, l'initiative permettra enfin une
traçabilité de la production. Nous pourrons la contrôler, vérifier
la qualité des substances et leur teneur en THC.

La dépénalisation du
cannabis permettra de contrôler le marché et la qualité des
substances.

Stéphane
Rossini

Les taux de THC ont
considérablement augmenté. Peut-on encore considérer le cannabis
comme une drogue douce
?



Personne ne nie les troubles liés à la consommation du cannabis.
Cependant, les scientifiques ont montré que les consommateurs
s'étaient adaptés à l'évolution des taux de THC. Les effets se
produisent plus vite et ils fument moins. La très grande majorité
des fumeurs de joints - plusieurs centaines de milliers de
personnes en Suisse - ont une consommation de loisir et de
bien-être. Ils ne se shootent pas au cannabis. Pour les personnes
qui cherchent d'autres sensations, ce n'est d'ailleurs pas le taux
de THC qui pose problème, mais le mélange avec d'autres substances,
que ce soit les drogues ou l'alcool.



Vous êtes un des rares Romands à prendre la parole pour
défendre ce texte..
.



Parce que ce n'est pas un sujet porteur. Interdire le cannabis
purement et simplement est bien plus facile que d'empoigner le
problème comme il existe. Mais ce débat sur l'initiative du chanvre
ne peut être dissocié de la loi sur les stupéfiants (en votation
aussi le 30 novembre, ndlr). Il faut remettre l'initiative dans son
contexte: elle existe parce qu'il y avait des résistances fortes au
conseil National, qui a refusé par deux fois la loi sur les
stupéfiants. Il s'agissait d'ancrer la politique des 4 piliers dans
une base légale. Et pour nous aujourd'hui c'est cela l'essentiel:
asseoir la politique des 4 piliers (répression, prévention,
traitement et réduction des risques, ndlr).



Selon un sondage SSR, l'initiative sur le chanvre est
soutenue par 50% des sondés outre-Sarine, alors qu'en Suisse
romande, ils sont 53% à la rejeter. Comment
l'expliquez-vous
?



Le parti libéral et le PDC, qui ont des positions très dures et
conservatrices, restent extrêmement forts en Suisse romande. Ils
considèrent l'abstinence et la répression comme les seuls remèdes.
Dans le milieu professionnel également, plusieurs institutions
romandes, qui ont fait beaucoup de publicité autour de leurs
activités, ont axé, dès les années 90, tout leur travail sur la
répression pure et dure.



Craignez-vous que l'initiative fasse capoter la révision
de la loi
?



Je fais confiance au peuple suisse, qui en général se montre
lucide et intelligent. La portée de l'initiative est peut-être
difficile à saisir. Son avantage, ou son désavantage, c'est qu'elle
a 15 ans d'avance par rapport à la problématique du contrôle des
marchés.



Vous faites déjà votre deuil?





Non, l'initiative est un instrument fondamental, qui a permis
d'avancer avec la loi sur les stupéfiants. Il faut cependant rester
lucide et réaliste à propos des processus politiques. Le but
fondamental est que la loi sur les stupéfiants passe la rampe. Je
sais que l'initiative est ambitieuse, mais je suis convaincu
qu'elle va dans le bon sens pour régler les problèmes à long terme.
Si on obtient une majorité le 30 novembre on pourra aller beaucoup
plus vite. Sinon, le sujet reviendra sur la table dans quelques
années.



Propos recueillis par Rachel Antille

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La votation en clair

Les Suisses voteront deux fois sur la politique des drogues le 30 novembre: une fois pour dire s'ils sont prêts à dépénaliser la consommation de cannabis, une autre pour accepter ou refuser la révision de la loi sur les stupéfiants.

L'initiative populaire "pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse" veut autoriser la fumette, ainsi que la possession, l'acquisition et la culture de haschisch pour l'usage personnel.

Berne devrait réglementer la production ainsi que le commerce et veiller à protéger les mineurs.

Le texte a été lancé après l'échec, en 2004 au National, d'un projet de dépénalisation similaire élaboré par le gouvernement.

Le comité d'initiative pour la dépénalisation du cannabis regroupe des personnalités de tous bords, pour la plupart des voix roses-vertes et radicales.

Leur constat: des centaines de milliers de personnes fument des joints en Suisse. Il faut mettre fin au décalage entre la loi et la réalité et résoudre aussi la question de l'application très divergente de la loi entre cantons permissifs et adeptes de la répression.

La dépénalisation déchargerait en outre la police des cas de bagatelle et priverait les trafiquants d'un marché juteux Les opposants (PDC, UDC) s'inquiètent de la banalisation du chanvre et du mauvais signal que constituerait la libéralisation pour les jeunes.

Le Conseil fédéral a retourné sa veste et rejette, assez mollement, l'initiative.

Un assouplissement de la loi pourrait créer des problèmes avec les pays voisins. A ses yeux, l'essentiel est pour l'heure d'ancrer la politique des 4 piliers (prévention, répression, thérapie et réduction des risques).

La révision de la loi est combattue par un référendum lancé par l'UDF et l'UDC, qui mettent en cause la prescription médicale d'héroïne et fustigent une politique "coûtant des milliards de francs".

La politique des 4 piliers (elle passerait à 63% selon un sondage SSR) semble pourtant avoir fait ses preuves: elle a réduit la criminalité liée au marché de la drogue et le nombre des décès.