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L'écrivain valaisan Maurice Chappaz est décédé

Maurice Chappaz, un poète, un dénonciateur, un homme de la terre.
Maurice Chappaz était établi dans l'abbaye du Châble dans le Valais.
L'écrivain valaisan Maurice Chappaz est décédé jeudi après-midi à l'Hôpital de Martigny à l'âge de 92 ans. Fervent défenseur de l'environnement, il a fait scandale dans un canton qui ne l'a reconnu que tardivement.

Maurice Chappaz a publié plus de 40 ouvrages dans sa carrière
littéraire qui a débuté en 1939. Sa dernière oeuvre, «La pipe qui
prie et fume», est parue en 2008. La montagne et la nature sont ses
thèmes de prédilection. Il en prend la défense en utilisant la
poésie pour décrire les déprédations subies par l'environnement.
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RSR




En 1976, il fait scandale en Valais avec son pamphlet «Les
maquereaux des cimes blanches», dans lequel il s'en prend aux
spéculateurs et aux politiciens corrompus.

Des débuts prometteurs

Son enfance, Maurice Chappaz l'a vécue entre Martigny et
l'abbaye ancestrale du Châble, où résidait aussi son oncle, le
conseiller d'Etat Maurice Troillet. Puis viennent des études
classiques au collège de Saint-Maurice, marquées par la découverte
des écrivains russes, Dostoïevski en tête. Le goût pour l'écriture
s'affermit.



Tradition familiale oblige, c'est pourtant sur les bancs de la
faculté de droit de l'Université de Lausanne que se glisse Maurice
Chappaz. La guerre aura raison de ce cursus. La carrière littéraire
peut commencer. Le recours à la plume s'accompagne d'un retour à la
terre.



Maurice Chappaz troque la Constitution contre la brante et le
sécateur, devient vigneron et publie dans la foulée sa première
nouvelle, "Un homme qui vivait couché sur un banc", en 1939. Mais
la vraie révélation est pour plus tard.

Un amoureux du Valais

La rencontre avec l'écrivaine Corinna Bille, en 1942, et
l'expérience d'aide-géomètre au barrage de la Grande-Dixence
nourrissent le style, orientent les thèmes. En 1965, c'est un
écrivain beaucoup plus maître de sa plume qui signe un croustillant
"Portrait des Valaisans".



Valais des légendes, Valais des clans politiques, Valais du vin et
des curés, Maurice Chappaz décline toutes les facettes du
Vieux-Pays en autant de tableaux bons comme un pain de seigle aux
noix.



Dans son "Portrait des Valaisans", le poète du Châble maugrée déjà
contre les marchands de neige, mais c'est dans "Les maquereaux des
cimes blanches", en 1976, qu'il lance ses ruades les plus vives.
Les éclaboussures de sa plume au vitriol ont tôt fait de démanger
les apôtres du progrès. La parution du livre déclenche une campagne
de presse féroce.



"Le Valais a sa gangrène et son cancer, Maurice Chappaz", écrit le
"Nouvelliste". "La montagne a accouché d'une petite bête puante",
lit-on encore dans le quotidien valaisan. Invectives désamorcées
par ces simples mots, "Vive Chappaz", peints par des étudiants à
même les flancs de la montagne surplombant l'abbaye ou le poète fit
ses études.



Mais l'oeuvre la plus célèbre de Maurice Chappaz restera peut-être
le "Match Valais-Judée". "Jamais aucun livre de cette trempe
n'avait été écrit en Suisse romande", dira Jacques Chessex de cette
fresque mystico-religieuse, peinte sur un mode quasi-bouffon, où
s'affrontent dans un joyeux désordre Sion la Divine et Sion la
Bovine.

Voyageur et poète

Maurice Chappaz fut aussi "l'homme aux semelles de vent" des
lettres romandes. Epris de grands espaces après s'être accroché
comme un cep à la terre valaisanne, il aura notamment promené son
visage d'empereur romain de l'Iran au Népal, en passant par la
Suède, la Chine, la Russie et les Etats-Unis.



Traducteur de Virgile et de Théocrite, il laisse aux lettres
romandes plus de 40 poèmes, essais et nouvelles. On lui doit en
particulier l'émouvant "Livre de C", écrit après la mort de son
épouse Corinna Bille, ou, plus récemment, "Valais Tibet", icône aux
parfums virgiliens sacralisant ces paysans de montagne attachés à
leurs terres depuis les origines du monde.



ap/ats/sbo

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Prix prestigieux

L'oeuvre de Maurice Chappaz lui a valu de nombreuses distinctions littéraires. En 1953, il obtient le prix Rambert.

La grande consécration l'attend en 1997, année où il se voit décerner le Grand Prix Schiller Suisse, le plus prestigieux des prix helvétiques.

Il s'est aussi vu attribuer cette même année, en France, la Bourse Goncourt de la poésie pour l'ensemble de son oeuvre.

Enfin, c'est le 1er Prix du festival du livre de montagne de Passy (France) qui est venu récompenser son ouvrage "Valais-Tibet".

Hommage de Pascal Couchepin

Pascal Couchepin a fait part de sa «très vive émotion». «Il incarnait une sensibilité à la nature à nulle autre pareille. Tous ceux qui l'ont lu et qui découvrent le Valais ont une vision plus riche et plus profonde de notre pays», souligne le conseiller fédéral valaisan.

«Il était non seulement un grand poète, un écrivain de talent, un excellent scénariste mais encore un homme de passion», souligne Pascal Couchepin. «J'ai eu parfois le sentiment que ses colères ont plus marqué certains de ces amis que ses oeuvres».