Engluée dans une bataille juridique avec le fisc américain,
l'UBS opère un changement à sa tête: l'ancien patron du Credit
Suisse Oswald Grübel, 66 ans, remplace avec effet immédiat Marcel
Rohner à la présidence de la direction générale - avec un salaire
annuel de trois millions de francs -, a annoncé jeudi la grande
banque dans un communiqué . Le président
du conseil d'administration, Peter Kurer, reste en fonction.
Suite à cette annonce, les réactions n'ont pas tardé. La classe politique se montre soulagée et le
Département fédéral des finances y voit un "signal positif".
Une surprise
Avec ce changement, UBS réagit à la pression croissante à
laquelle elle est exposée depuis l'annonce de la transmission à la
justice américaine, la semaine dernière, d'informations relatives à
250 à 300 clients soupçonnés de fraude fiscale aux Etats-Unis.
Selon UBS toutefois, Marcel Rohner avait déjà fait part début
janvier de son intention de se retirer de ses fonctions après la
conclusion de la phase de repositionnement des activités de la
banque d'investissement et de la restructuration de celles de
gestion de fortune.
Si un changement était attendu, l'UBS a surpris tout le monde en
faisant appel, pour remplacer Marcel Rohner, à l'ancien patron de
son concurrent Credit Suisse: Oswald Grübel, parti à la retraite au
printemps 2007. Cette décision est une "nouvelle étape en vue de
rétablir la confiance en l'UBS et de ramener la banque sur la voie
du succès", explique la banque.
L'ex-homme fort de Credit Suisse
Oswald Grübel dispose d'une "vaste expérience dans le secteur
bancaire et dans le redressement d'entreprises". Auprès du Credit
Suisse, il a été "l'artisan d'un redressement fructueux lors duquel
il est parvenu à rétablir la confiance dans la banque alors qu'elle
traversait une phase de turbulence". Il a "le profil idéal pour
recréer de la valeur pour nos actionnaires et nos clients", selon
le président d'UBS, Peter Kurer.
De son côté, Oswald Grübel justifie son retour aux affaires par la
"ferme conviction que le centre financier suisse a besoin de plus
d'une grande banque internationale" et voit dans "l'opportunité de
diriger une banque disposant d'une base clientèle unique dans cette
phase extraordinaire" un "défi passionnant".
Pas de parachute doré pour Marcel Rohner
"Avec l'engagement de nos 77'000
collaborateurs, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour
ramener UBS sur la voie de la réussite et de la rentabilité",
déclare-t-il. Durant sa carrière de près de 40 ans au Credit
Suisse, Oswald Grübel a occupé plusieurs positions de direction,
aussi bien au niveau du groupe que dans les secteurs de la banque
d'affaires que du private banking (lire
ci-contre).
UBS n'a donné aucune indication sur l'avenir professionnel de
Marcel Rohner. Peter Kurer a loué son "engagement sans faille"
durant sa carrière à l'UBS et lui exprimé sa "reconnaissance pour
ses contributions". Marcel Rohner, 45 ans, a été propulsé en
juillet 2007 à la direction exécutive d'UBS, après le brusque
départ de Peter Wuffli en juillet 2007. Il ne bénéficiera d'aucun
parachute doré, mais d'une année de salaire, comme le stipule son
contrat, indique une porte-parole de la banque.
Bond de 16% en bourse
Après cette annonce, l'action UBS s'est envolée à la Bourse
suisse. Après une ouverture en nette hausse, le titre est resté à
un bon niveau toute la journée. A la clôture, le titre avait gagné
16,24%, à 11,74 francs. L'action Credit Suisse a suivi cette forte
hausse, terminant en progression de 10,88% à 28,34 francs.
Le remplacement immédiat de Marcel Rohner par Oswald Grübel est
salué par les investisseurs, qui estiment qu'il donne davantage
d'assise à une UBS plongée une crise sans précédent.
Considéré comme un gros transfert, le choix de l'ancien patron du
Credit Suisse n'a pas manqué de susciter des qualificatifs
élogieux. Plusieurs analystes parlent d'un choix très judicieux,
certains lâchant l'adjectif "fantastique". Ils louent la grande
expérience d'Oswald Grübel.
ats/mej/ps/boi
Portrait d'"Ossie" Grübel
L'UBS n'est pas allée bien loin pour recruter son nouveau capitaine: la première banque helvétique s'est tournée vers l'ancien patron du Credit Suisse, numéro deux bancaire en Suisse.
Oswald Grübel, "Ossie" pour les intimes, suscite beaucoup d'espoirs. L'Allemand a prouvé ses talents pour redresser la barre d'un géant bancaire en crise.
Quand le Credit Suisse affiche plus de 3 milliards de francs de pertes annuelles en 2002, le groupe l'appelle à la rescousse comme co-patron avec John Mack. Il reprend ensuite seul les commandes du groupe de 2004 à 2007 et fait table rase de la stratégie critiquée de son prédécesseur Lukas Mühlemann.
Oswald Grübel parvient à remettre le Credit Suisse sur les rails, l'amenant à dégager plus de 11 milliards de francs de bénéfice en 2006. Le redressement n'a pas été opéré sans douleur: il a fallu restructurer, à coup de milliers de suppressions d'emplois.
Né en Allemagne de l'Est et orphelin de la Deuxième Guerre mondiale, Oswald Grübel débute sa carrière de banquier auprès de la Deutsche Bank.
Il entre au Credit Suisse en 1970 via sa filiale d'investissement londonienne White Weld Securities, dont il finit par prendre la direction en 1978.
Il gravit ensuite les échelons du groupe en occupant plusieurs postes à responsabilités.
En 1991, il rejoint le comité exécutif du Credit Suisse notamment en tant que responsable des marchés financiers. Oswald Grübel dirige la division de banque privée dès 1998, puis le Credit Suisse Financial Services. Après une brève sortie du groupe en 2001, il devient co-directeur puis directeur général du Credit Suisse Group.