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Jean Paul II sur la voie de la béatification

Les Polonais ont rendu hommage à "leur" pape.
Le populaire Karol Wojtyla pourrait être canonisé quelques années seulement après sa mort.
Le pape Benoît XVI a signé samedi un décret attestant des vertus héroïques de son prédécesseur Jean Paul II, un préalable à la béatification. Le père Popieluszko, mais aussi le controversé pape Pie XII, ont également avancé vers le statut de "bienheureux", étape vers la canonisation.

Le pape a ainsi reconnu l'héroïcité des vertus du pape Pie XII,
mort en 1958, malgré l'opposition d'organisations juives qui lui
reprochent son silence sur l'Holocauste pendant la Seconde Guerre
mondiale (lire encadré).



Benoît XVI a aussi proclamé martyr de la foi le père Jerzy
Popieluszko, ce jeune prêtre enlevé et assassiné en 1984 en Pologne
par la police secrète communiste. Cette désignation signifie que
l'aumônier de Solidarnosc pourra être béatifié sans qu'un miracle
ait été attesté.



Enfin, Benoît XVI a approuvé un second miracle attribué à Mère
Mary Mackillop, morte en 1909, qui pourrait ainsi devenir la
première sainte de l'Australie.

Jean Paul II béatifié en octobre?

Après la reconnaissance de l'héroïcité de ses vertus, Jean Paul
II peut être déclaré "Vénérable". Il faut désormais qu'un miracle
dû à son intercession soit reconnu pour qu'il puisse être proclamé
"Bienheureux", étape intermédiaire avant la canonisation. Aucune
date n'a encore été annoncée pour cette cérémonie, mais les médias
italiens croient savoir que Jean Paul II pourrait être béatifié dès
octobre prochain.



Pour la canonisation, un second miracle attribué au défunt pape
devra être attesté. Dès la mort et les funérailles du pape
polonais, en 2005, s'étaient élevés les cris de "santo subito",
réclamant la canonisation rapide de ce pape extrêmement populaire.
Et en effet, la procédure a depuis été engagée à un rythme rapide
qui pourrait voir Karol Wojtyla canonisé quelques années seulement
après sa mort.

Procédure accélérée

Un mois après son décès, en mai 2005,
le nouveau pape et ancien cardinal Joseph Ratzinger avait entamé
cette procédure, en annonçant la dispense du délai des cinq années
après le décès habituellement respecté avant le début de l'examen
du dossier. Seule Mère Teresa, la religieuse de Calcutta morte en
1997 et béatifiée en 2003 par Jean Paul II, avait jusque-là
bénéficié d'une telle dispense. Dans le même temps, le Saint Siège
a insisté pour suivre à la lettre toute la complexe procédure vers
la canonisation.



Il y a quelques semaines, la Congrégation pour la cause des saints
a approuvé l'héroïcité des vertus de Jean Paul II après qu'un panel
de théologiens, cardinaux et évêques eurent examiné l'épais dossier
sur la vie du défunt pape et conclu qu'il méritait de figurer sur
la liste des candidats.

En quête d'un miracle

Une commission de médecins, prélats et autres experts doit
maintenant reconnaître un miracle pour que Benoît XVI puisse élever
Jean Paul II au rang de bienheureux. Ce miracle présumé nécessaire
à la béatification a déjà été identifié: il s'agit de la guérison
inexpliquée d'une religieuse française atteinte de la maladie de
Parkinson, soeur Marie-Simon-Pierre, qui avait prié Jean Paul II et
s'est réveillée apparemment guérie, deux mois après la mort du pape
polonais, qui souffrait lui aussi de cette affection
dégénérative.



Le cardinal Stanislaw Dziwisz, qui fut le secrétaire particulier
de Jean Paul II et occupe désormais la tête de son ancien diocèse
de Cracovie, n'a pas exclu une canonisation avant le cinquième
anniversaire du décès du pape polonais.



agences/os

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Le long processus vers la canonisation

La béatification concerne les personnes remarquables que l'Eglise catholique veut donner en exemple aux chrétiens. Elles sont déclarés "bienheureux" à l'issue d'une enquête minutieuse et après avoir accompli un miracle.

Il s'agit d'abord d'établir la "réputation de sainteté" du futur bienheureux, pour le moment qualifié de "serviteur de Dieu". L'évêque diocésain ou le supérieur de la congrégation dont dépend l'intéressé confie à un "postulateur de la cause" le soin de mener une enquête c'est-à-dire de recueillir des témoignages, d'examiner les écrits, etc.

Le dossier est envoyé au Vatican à la Congrégation pour les causes des Saints qui, à son tour, l'étudie avec des théologiens et des historiens. Le dossier passe ensuite aux mains du Promoteur de la foi qui reprend l'étude du dossier avec pour mission de rechercher ce qui a pu être laissé dans l'ombre et/ou qui serait défavorable au "candidat". Si le dossier est validé, le Serviteur de Dieu est déclaré "vénérable".

Pour qu'il soit proposé à la béatification qui le proclamera "bienheureux", il faut maintenant montrer que le vénérable a accompli un miracle grâce à ses prières. Une autre enquête est menée sur la base du dossier médical avec le concours d'experts, de médecins et de théologiens.

Ensuite le dossier est soumis à l'ensemble des évêques et cardinaux qui décident ou non de le remettre au Pape. Si celui-ci donne un avis positif, on rédige un décret de béatification destiné à être proclamé dans le lieu qui a initié la cause et où sera célébrée la cérémonie de béatification.

Ensuite le bienheureux pourra éventuellement être déclaré "saint" mais seulement à l'issue du processus de canonisation. Cette dernière étape nécessite l'accomplissement d'un deuxième miracle, validé par le même processus que pour la béatification.

Le silence controversé de Pie XII

Pie XII, mort le 9 octobre 1958 à l'âgé de 72 ans, a été critiqué notamment pour son rôle pendant la Shoah. Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli naît le 2 mars 1876 dans une famille de la petite noblesse, proche du Vatican depuis le XIXe siècle.

Son grand-père, Marcantonio Pacelli, a été l'un des fondateurs du quotidien du Vatican, l'Osservatore Romano, et "ministre" de l'Intérieur de Pie IX. Après des études de théologie, de philosophie et de droit, Eugenio Pacelli est ordonné prêtre le 2 avril 1899.

Nommé cardinal en 1929, il devient l'année suivante secrétaire d'Etat et donc numéro deux du Vatican. En 1933, il signe un concordat avec l'Allemagne hitlérienne sur les relations entre les autorités allemandes et l'Eglise catholique. En un seul jour et à l'unanimité selon des rumeurs, Eugenio Pacelli est nommé pape le 2 mars 1939, quelques mois avant le début de la deuxième guerre mondiale.

Le principal reproche qui lui sera adressé est d'avoir gardé le silence sur la Shoah pendant la seconde guerre mondiale. En 1942, il ne s'associe pas aux Alliés dans leur condamnation du massacre des Juifs. Et quand des juifs italiens sont déportés à Auschwitz en 1943, le pape Pie XII n'intervient pas car il sous-estime, disent ses défenseurs, le péril que leur font encourir les nazis.

Le processus de béatification de Pie XII a été ouvert en octobre 1967 mais a été ralenti par les controverses sur son attitude face à l'Holocauste. Peu de temps après le début de son pontificat en 2005, Benoît XVI avait plaidé pour la béatification de Pie XII.

Le pape actuel et le Saint-Siège, s'appuyant sur des archives vaticanes, affirment que Pie XII a sauvé de nombreux Juifs en Europe, en particulier à Rome, en les faisant cacher dans des institutions religieuses et qu'il se taisait pour ne pas aggraver leur sort.