Les grands groupes pharmaceutiques tels que Novartis
(voir ci-contre) et leurs patrons ne sont pas les
seuls à servir de cible aux mouvements anti-expérimentations
animales. Les menaces et violences font partie de la vie courante
des laboratoires universitaires travaillant avec des animaux en
Suisse.
Ainsi à Genève, le professeur Denis Duboule, généticien au
département de zoologie et biologie animale de l'Université, est
régulièrement victime de tags à son domicile privé de la part du
mouvement ALF, le Front de Libération des Animaux. «Durant un
certain temps, je regardais même sous ma voiture, histoire de
vérifier s'il n' y avait pas une bombe », raconte-t-il. Le
mouvement fait partie des organisations surveillées de près par le
SAP à Berne (voir ci-contre.)
La discrétion recommandée
Si l'accès aux animaleries de l'université de Genève (UNIGE) est
très protégé, il estime que la meilleure protection face aux
éco-terroristes est de rester discret sur le sujet. «Mieux vaut
aussi communiquer et pratiquer la transparence sur les travaux au
sein de nos labos. Car les entreprises privées, qui communiquent
souvent moins que les instituts académiques, sont davantage
sujettes à l'imagination du public, avec les risques que cela
comporte».
Pour le professeur Duboule, ce sont surtout les espèces animales
utilisées en laboratoire qui sont déterminantes pour s'attirer les
foudres des militants anti-vivisection. Ainsi, l'Université de
Genève, qui ne s'occupe que de souris et de rats, connaît moins de
soucis que l'Université de Fribourg, qui élève des singes pour le
compte de l'unité de neurophysiologie de son département de
médecine. Un institut à nouveau sous les feux de la rampe puisqu'il
fait face depuis mai dernier à une initiative de 3 organisations -
dont la Ligue suisse contre la vivisection - demandant la fin des
expériences sur les primates.
Menaces de mort
Son responsable, le professeur Eric Rouiller, s'est souvent
frotté aux militants anti-expérimentations animales. Lui et deux de
ses collaborateurs ont déjà reçu à leur domicile des menaces de
mort anonymes et leur institut a également été la cible des
tagueurs. «Il y a une quinzaine d'années, 2 collègues avaient en
outre été molestés lors d'un débat public», ajoute-t-il.
Le professeur se montre aussi discret sur la sécurité autour de
l'animalerie de l'Université. «Les mesures de sécurité et de
surveillance sont fortement présentes», se borne-t-il à
déclarer.
Eric Rouiller se dit inquiet de la profanation du tombeau des
Vasella. «Ce n'est pas dans la culture suisse de passer aux actes
de cette façon», note-t-il. Mais il relativise cette violence
auxquels les chercheurs doivent faire face parfois: «Cela fait
partie des risques du métier. On doit vivre avec».
Christine Talos
Des organisations surveillées de près
Des militants anti-expérimentations animales ont non seulement exhumé et dérobé la semaine dernière les cendres de la mère de Daniel Vasella, le patron de Novartis, mais encore maculé sa pierre tombale, a-t-on appris ce week-end. Cette action porterait la signature de l'organisation de défense des animaux SHAC, basée en Grande-Bretagne, selon la presse alémanique.
Toutefois, au Département fédéral de la Défense, on reste prudent. «Rien ne prouve encore qu'il s'agit bien de cette organisation», nuance Martin Bühler, porte-parole du DDPS. Ce dernier précise que le Service d'analyse et de prévention SAP (le service civil de police de renseignement interne de la Suisse) connaît bien ce mouvement, catalogué parmi les organisations écologiques violentes.
Ce service consacre par ailleurs 10% de ses activités à la surveillance de ces mêmes organisations vertes. Un chiffre très important. Mais la Confédération se limite à son rôle d'observatrice et d'informatrice, explique Martin Bühler. «C'est aux laboratoires de prendre les mesures de sécurité qui s'imposent et aux polices cantonales d'intervenir si besoin.»
Du côté des polices cantonales, on affirme surveiller de près l'éco-terrorisme. «Mais nous ne prenons pas de dispositions particulières», explique Philippe Jaton, porte-parole de la police vaudoise. «Nous avons bien des actions sporadiques, comme des militants qui manifestent devant des boucheries industrielles, ou qui bloquent l'entrée d'une firme pharmaceutique. Nous intervenons si besoin s'ils se situent sur la voie publique, ou après une plainte d'un privé pour violation de domicile».
Même son de cloche à la police cantonale fribourgeoise. «Nous n'avons pas de dispositif spécial et n'allons pas prendre de dispositions particulières suite à l'affaire Vasella», relève ainsi Pierre-André Waeber, attaché de presse à la police cantonale fribourgeoise. Il précise que la police ne peut intervenir qu'après dépôt d'une plainte. «Néanmoins, nous restons très attentifs à ce phénomène. »