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Polanski: explications aux USA et pétition du 7e art

Un spectateur du festival du film de Zurich soutient, comme le monde du 7e art, le cinéaste arrêté.
Un spectateur du festival du film de Zurich soutient, comme le monde du 7e art, le cinéaste arrêté.
L'arrestation de Roman Polanski samedi soir, suite à une procédure ouverte aux USA en 1977, n'en finit plus de susciter colère et indignation. Alors que la justice américaine explique avoir planifié l'arrestation la semaine dernière, Berne se justifie. Le 7e art exige la libération du cinéaste dans une pétition.

«Il n'y a pas de raisons de ne pas
exécuter un mandat d'arrêt international valable», a déclaré le
porte-parole de l'Office fédéral de la justice (OFJ), Guido Balmer.
Le réalisateur a été arrêté samedi soir à son arrivée à l'aéroport
de Zurich et placé en détention provisoire en vue
d'extradition.



Les autorités américaines lui reprochent des actes d'ordre sexuel
avec des enfants, notamment un cas de 1977 avec une mineure de
treize ans à Los Angeles. Elles ont émis en 1978 un mandat d'arrêt
contre le cinéaste et le recherchent activement partout dans le
monde depuis 2005, a précisé l'OFJ dans un communiqué.

Exil depuis 1978

Polanski quittant le tribunal de Santa Monica en 1977
Polanski quittant le tribunal de Santa Monica en 1977

Roman Polanski avait plaidé coupable à Los
Angeles et passé 42 jours en prison. Puis, sa peine devenant
supérieure à ce qui avait été convenu, il avait choisi l'exil en
1978. La fillette de l'époque, aujourd'hui âgée de 45 ans, s'est
dite, quant à elle, favorable à l'abandon des poursuites. Elle
avait porté plainte contre Polanski et obtenu un accord à
l'amiable. Les avocats de Polanski avaient demandé fin 2008 un
réexamen de l'affaire pour tenter d'obtenir l'abandon des
poursuites contre lui, dénonçant des vices de procédure. Après le
refus d'un juge, ils ont fait appel en juillet dernier.



Roman Polanski sera effectivement extradé vers les Etats-Unis dès
que la procédure d'extradition sera rentrée en force, a précisé
l'OFJ dans un communiqué. Le cinéaste peut faire appel d'une
éventuelle mise en détention en vue d'extradition et d'une décision
d'extradition auprès du Tribunal pénal fédéral (TPF), puis du
Tribunal fédéral (TF).

Eveline Widmer-Schlumpf au front

«La Suisse n'a pas subi de
pression des Américains», a déclaré la ministre de la justice
Eveline Widmer-Schlumpf (voir l'interview en vidéo
ci-contr
e), niant qu'il s'agisse d'une affaire politique.
Et d'insister sur le fait que les règles juridiques et les accords
internationaux doivent s'appliquer, et s'appliquer à tous de la
même manière.



«Dans un Etat de droit, il n'est pas possible de faire des
différences. Il serait incompréhensible qu'une personne sortant du
lot bénéficie d'un autre traitement», a ajouté la conseillère
fédérale. A ses yeux, la Suisse a agi correctement.



Eveline Widmer-Schlumpf a expliqué que la Suisse avait pu procéder
cette fois à l'arrestation de Roman Polanski car Berne a eu
connaissance à l'avance de sa venue. Le cinéaste n'avait pas été
inquiété lors de son précédent séjour car les autorités avaient eu
vent de sa présence trop tard. D'après elle, il est probable que
Roman Polanski fasse recours contre la décision le touchant.



Interrogée dimanche soir par la télévision alémanique SF, elle a
indiqué que les autorités américaines avaient désormais jusqu'à 60
jours pour déposer une demande définitive d'extradition.

Pas de prescription, selon Couchepin

Interrogé par la Radio suisse romande (RSR), le ministre de la
culture Pascal Couchepin a de son côté précisé que les Etats-Unis
et la Suisse ne connaissent pas la prescription pour les délits
sexuels sur des mineurs. Il n'a pas voulu faire d'autre
commentaire, estimant qu'il s'agit d'une affaire judiciaire et pas
culturelle.



Le cinéaste de 76 ans aurait dû recevoir dimanche un prix
d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre lors du Festival du film de
Zurich. «Choqués par cet incident», les organisateurs ont reporté
la remise du prix, mais ont maintenu la soirée d'hommage prévue, en
signe de «solidarité» vis-à-vis de celui qu'ils considèrent comme
«l'un des cinéastes les plus extraordinaires de notre époque».

Paris et Varsovie interviennent

Le président Lech
Kaczynski et le ministre des affaires étrangères Radoslaw Sikorski
ont annoncé leur volonté d'intervenir auprès des autorités
américaines pour clore «une fois pour toute ce dossier». Le chef de
la diplomatie française Bernard Kouchner a de son côté exprimé à la
conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey le souhait de la France
que «cette affaire trouve rapidement une issue favorable», a
indiqué le Quai d'Orsay.



Le président Nicolas Sarkozy et le ministre de la culture Frédéric
Mitterrand souhaitent eux aussi que le réalisateur soit libéré
rapidement. Quarante-sept jours en prison Roman Polanski a été
arrêté en 1977 à Los Angeles à la suite de la plainte des parents
d'une adolescente de 13 ans. Il avait plaidé coupable de «relations
sexuelles illégales» et avait passé 47 jours en prison.



Fin janvier 1978, au lendemain d'une réunion entre ses avocats et
un juge lors de laquelle ce dernier avait laissé entendre qu'il
allait le renvoyer sous les verrous, Roman Polanski avait pris un
avion pour l'Europe et n'a plus remis les pieds depuis sur le sol
américain.

Les partis réagissent en ordre dispersé

Les cinq grands partis suisses ont réagi en ordre dispersé à
l'arrestation du cinéaste franco-polonais Roman Polanski samedi à
Zurich. L'UDC dénonce des pressions américaines, alors que le PDC
serait prêt à extrader immédiatement le réalisateur vers les USA.
Interrogé par la radio alémanique DRS en marge d'un débat sur le
résultat des votations fédérales de dimanche, le président de l'UDC
Toni Brunner a estimé que la Suisse a agi comme le «bras armé» des
Etats-Unis. Il a jugé dangereux de chercher à servir des maîtres
étrangers.



A l'inverse, son homologue démocrate-chrétien Christophe Darbellay
a de son côté considéré comme «la pire des choses» les violences
sexuelles à l'encontre des enfants. Il a affirmé qu'il livrerait
immédiatement le cinéaste franco-polonais aux Etats-Unis. Le patron
du parti libéral-radical (PLR) Fulvio Pelli s'est pour sa part dit
surpris par cette arrestation. Le passé de Roman Polanski n'est pas
uniquement constitué de beaux films, a-t-il dit. Le cinéaste a
admis sa faute et, pour cette raison, a fui les EtatsUnis.



Pour le président des Verts Ueli Leuenberger, l'arrestation de
l'hôte d'honneur du festival du film de Zurich est totalement
incompréhensible. Le réalisateur de «Rosemary's Baby» a pu à
plusieurs reprises entrer sans encombres en Suisse par le passé,
a-t-il souligné. Le socialiste Christian Levrat n'a quant à lui pas
souhaité faire de commentaire sur cet incident. Il s'agit d'une
affaire de justice et il ne connaît pas ce dossier, a-t-il fait
valoir.



agences/cht

UN REALISATEUR AUX NOMBREUX
SUCCE
S



Le cinéaste d'origine polonaise, qui a passé son enfance dans le
ghetto de Cracovie, a été naturalisé français en 1976. Le
réalisateur a construit en une quarantaine de films, comme acteur,
réalisateur, scénariste ou producteur, une oeuvre pleine de grands
écarts, suscitant à la fois admiration et réserves, depuis
l'iconoclasme de ses premiers opus jusqu'à l'académisme de son
"Pianiste", qui lui a valu la palme du festival de Cannes en
2002.



Accueilli à bras ouverts à Hollywood, son aventure américaine
avait duré 10 ans, semée de bonheurs et de cauchemars. Bonheur de
son mariage avec la ravissante actrice Sharon Tate, des grands
films qui firent de lui un cinéaste de stature internationale, et
cauchemar du sauvage assassinat de cette épouse aimée et enceinte
en 1969 par les satanistes du tueur en série Charles Manson.



Auteur de films devenus culte comme "Le Bal des Vampires",
"Chinatown" ou "Rosemary's Baby", Roman Polanski a continué à
diriger des films depuis son exil. Il a décroché pour l'un des plus
récents, "Le Pianiste", un Oscar en 2002 qu'il n'a pas pu venir
chercher. Le même film lui a valu la Palme d'Or au festival de
Cannes. Il a reçu de nombreux autres prix.

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La justice américaine a planifié l'arrestation la semaine dernière

La justice américaine a remercié dimanche la Suisse pour son «attitude extrêmement coopérative» dans l'arrestation de Roman Polanski. Les relations avec les autorités helvétiques sont extraordinairement bonnes, a déclaré à l'ATS une porte-parole du parquet de Los Angeles.

Le parquet a appris la semaine dernière que le réalisateur franco-polonais devait se rendre en Suisse pour participer au Festival du Film de Zurich. Il a alors envoyé le mandat d'arrêt au ministère américain de la justice, qui l'a ensuite transmis aux autorités helvétiques, a expliqué la porte-parole, Sandar Gibbons.

Par le passé, les autorités judiciaires de la métropole californienne avaient déjà appris à deux reprises que Roman Polanski prévoyait de se rendre dans des pays ayant des accords d'extradition avec les Etats-Unis. Mais à chaque fois, le cinéaste semble avoir eu vent des préparatifs en vue de son arrestation et a annulé son voyage.

Cette fois, la police suisse a réagi à un mandat d'arrêt valable et a arrêté le prévenu, s'est félicitée Sandar Gibbons. Le ministère américain de la justice a confirmé cette information. «Les autorités suisses ont arrêté Roman Polanski sur la base d'un mandat d'arrêt que nous avons lancé», a dit sa porte-parole Laura Sweeney. Elle s'est refusée à tout autre commentaire «tant que l'individu concerné ne se trouve pas sur le sol américain».

Sandra Gibbons n'a pas pu dire quand une éventuelle extradition de Roman Polanski était attendue. Cette mesure dépend de la justice suisse, a-t-elle fait valoir. Il n'est pas certain non plus que le réalisateur se retrouvera derrière les barreaux en cas d'extradition. «C'est une question qui doit être réglée entre Polanski et le tribunal», a déclaré Sandra Gibbons. «Nous avions à l'origine exigé son incarcération, mais je ne sais pas si cela sera encore le cas à l'avenir».

Le 7e art se mobilise

Des cinéastes et artistes du monde entier ont dénoncé «le traquenard policier» que constitue selon eux l'arrestation en Suisse de Roman Polanski. Ils ont exigé sa «remise en liberté immédiate», dans une pétition transmise dimanche à l'AFP.

Parmi les premiers signataires de cette pétition figurent les réalisateurs Costa-Gavras, Wong Kar-Wai, Ettore Scola, Marco Bellocchio, Giuseppe Tornatore, Abderrahmane Sissako, Tony Gatlif, Pierre Jolivet, Jean-Jacques Beineix, Paolo Sorrentino, Michele Placido, Barbet Schroeder et Bertrand Tavernier, ainsi que les actrices Fanny Ardant et Monica Bellucci.

Le texte est également signé par la Cinémathèque Française, le Festival de Cannes et son président Gilles Jacob, la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD), l'ARP (Auteurs, réalisateurs et producteurs) et le groupe 25 images.

«Les cinéastes et auteurs français, européens, américains et du monde entier tiennent à affirmer leur consternation», indiquent les signataires du texte. Il leur semble «inadmissible qu'une manifestation culturelle internationale, rendant hommage à l'un des plus grands cinéastes contemporains, puisse être transformée en traquenard policier».

«Forts de leur extraterritorialité, les festivals de cinéma du monde entier ont toujours permis aux oeuvres d'être montrées et de circuler et aux cinéastes de les présenter librement et en toute sécurité, même quand certains États voulaient s'y opposer», soulignent les signataires de la pétition.

«L'arrestation de Roman Polanski dans un pays neutre où il circulait et croyait pouvoir circuler librement jusquà ce jour, est une atteinte à cette tradition: elle ouvre la porte à des dérives dont nul aujourd'hui ne peut prévoir les effets», ajoutent-ils.

Une extradition de Roman Polanski, «un artiste de renommée internationale», «serait lourde de conséquences et priverait le cinéaste de sa liberté», écrivent les signataires qui concluent: «nous exigeons la remise en liberté immédiate de Roman Polanski».

L'Association suisse des scénaristes et réalisateurs de films a, elle, vigoureusement protesté contre cette arrestation. Elle a dénoncé un «scandale juridique qui nuira à la réputation de la Suisse à travers le monde» et une «claque dans le visage de tous les producteurs de culture en Suisse».

L'Association des cinéastes polonais a elle aussi dénoncé une situation «scandaleuse» et «un excès de zèle incompréhensible».