La ministre de Justice et Police estime dans le quotidien alémanique qu'il n'y a
pas de place pour une intervention politique dans l'affaire
Polanski. C'est une question de principe tant que la procédure de
police judiciaire est en cours, déclare la conseillère
fédérale.
"Il appartient à la justice suisse de dire s'il doit être extradé
ou pas", a dit de son côté le président du Conseil des Etats Alain
Berset (PS/FR) mercredi. Roman Polanski a l'occasion de contester
son arrestation devant les tribunaux suisses. Aux yeux du
Fribourgeois, ce qui a fait la stabilité du pays, c'est
l'indépendance des pouvoirs. Le réalisateur serait actuellement
dans une prison à Zurich.
Exceptionnellement informée
Eveline Widmer-Schlumpf a été informée vendredi soir que le
cinéaste franco-polonais allait être arrêté au cours du week-end.
Le cas Polanski n'a jamais été abordé lors des contacts que la
ministre de la Justice a eus avec les Etats-Unis au cours des
derniers mois, précise-t-elle.
Il est exceptionnel que la personne en charge du Département
fédéral de justice et police (DFJP) soit informée d'une arrestation
avant que celle-ci se produise. L'Office fédéral de la justice l'a
fait car il a jugé qu'il s'agissait d'un cas particulier, qui
allait entraîner des réactions sur la scène politique
internationale. Cela n'a pourtant pas eu d'influence sur la
procédure de police judiciaire qui a suivi son cours.
La responsable du DFJP souligne qu'il n'y avait aucune raison de
ne pas exécuter le mandat d'arrêt délivré par les Etats-Unis. Dans
un pareil cas, la Suisse aurait attendu la même attitude d'un autre
pays.
Interrogé par un journaliste sur sa réaction en tant que ministre
de la Culture, Pascal Couchepin a souligné qu'il défendait en
priorité l'Etat de droit. Il considère Roman Polanski comme un
"grand artiste", mais ajoute: "Je ne vois pas quelle finesse on
aurait pu introduire": en droit, les choses sont claires.
Nombreux mandats d'arrêt
A la question de savoir pourquoi Roman Polanski, qui s'est
régulièrement rendu en Suisse où il possède un chalet, n'avait pas
été arrêté plus tôt, Eveline Widmer-Schlumpf relève qu'il n'est pas
imaginable que la police traite activement les nombreux mandats
d'arrêt émis par d'autres pays. Elle peut par contre le faire
lorsqu'un Etat lui transmet des informations concrètes.
Le cinéaste âgé de 76 ans, Oscar du meilleur réalisateur (2003) et
Palme d'Or à Cannes (2002) pour "Le Pianiste", a été arrêté samedi
à Zurich alors qu'il se rendait à un festival pour recevoir un prix
et une éloge du directeur de l'Office fédéral de la culture.
Polanski, qui s'est opposé à son extradition, est recherché par la
justice américaine après une procédure ouverte en 1977 pour des
"relations sexuelles illégales" avec une adolescente de 13 ans.
Celle-ci a demandé en janvier dernier l'abandon des poursuites afin
de pouvoir tourner la page.
ap/ats/bri
La Pologne est à son tour divisée
Tout comme en France et en Grande-Bretagne, les artistes et hommes politiques en Pologne étaient divisés mercredi sur l'arrestation du cinéaste, qui avait d'abord suscité une vague d'indignation.
Le Premier ministre Donald Tusk a pris ses distances avec le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski, auteur avec Bernard Kouchner d'une lettre à Hillary Clinton demandant la libération du cinéaste. "Nous ne devons pas y mélanger la politique, ni jouer la corde patriotique", a-t-il déclaré.
Plusieurs cinéastes polonais, dont Andrzej Wajda, poursuivaient eux la collecte des signatures pour demander aux dirigeants polonais d'intervenir en faveur de Polanski. "Les événements d'il y a 30 ans et le rôle que Roman Polanski y avait joué méritent un jugement moral négatif. Mais nous attirons l'attention sur le fait que le départ de Polanski des Etats-Unis n'était qu'une fuite devant un lynchage juridique", ont écrit les cinéastes.
Le réalisateur Krzysztof Zanussi a lui déclaré: "S'il (Polanski) n'était pas un personnage célèbre, le fait d'avoir profité il y a plus de 30 ans à Los Angeles, ville connue pour la liberté des moeurs, des services d'une prostituée mineure n'aurait eu aucune suite aujourd'hui".
L'actrice et journaliste Joanna Szczepkowska, très connue en Pologne, a qualifié cette déclaration de "scandaleuse".