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Moritz Leuenberger lance la taxe sur la mobilité

Un billet de train entre 7h et 9h coûterait plus cher qu'entre 11 et 12h.
Un billet de train entre 7h et 9h coûterait plus cher qu'entre 11 et 12h.
Celui qui utilise, en train ou en voiture, un axe surchargé aux heures de pointe pourrait payer plus que les autres à l'avenir. Moritz Leuenberger lance l'idée d'une taxe sur la mobilité pour financer les infrastructures. Les premières réactions, entre confiance et méfiance, n'ont pas tardé.

Il ne s'agit pas d'ajouter un nouvel impôt mais de revoir le
système actuel de financement, a insisté le conseiller fédéral
mardi en présentant son rapport sur l'avenir des réseaux
d'infrastructures nationaux. Le document est soumis aux milieux
intéressés avant d'être traité par le Conseil fédéral début
2010.

La taxe de mobilité, dont
les contours précis restent à fixer, se baserait sur des tarifs
différenciés en fonction des horaires et des lieux de circulation.
Elle frapperait tous les transports (route, rail, aéroports, bus et
trams, places de stationnement).



Un billet de train entre Berne et Zurich pourrait ainsi coûter
plus cher entre 7 et 9 heures qu'entre 11 et 12 heures. Des
abonnements séparés pour les «travailleurs» et les «promeneurs»
pourraient aussi voir le jour, a envisagé le ministre des
Transports, interrogé sur des exemples concrets.

Canaliser le trafic

Pour la route, le prélèvement se ferait au kilomètre mais
pourrait varier selon le type de voiture et la route utilisée. Une
gestion informatique sera nécessaire pour savoir qui se déplace
quand et où. Le but, en sus de financer le réseau, est de canaliser
le trafic sans contingentement ni interdiction de circuler. Le prix
d'un billet de RER devrait ainsi rester compétitif face à la
route.



Selon le rapport, une coopération entre acteurs publics et privés
pourrait aussi s'avérer avantageuse dans certains cas pour financer
les infrastructures. Mais les pouvoirs publics garderont leur
monopole, a souligné Moritz Leuenberger.

Croissance inéluctable

Les besoins en financement sont énormes (lire
ci-contre
) et la croissance du trafic est inéluctable,
selon Moritz Leuenberger. D'ici 2030, on s'attend à des hausses de
20% (route) et 45% (rail) pour les voyageurs, et même
respectivement de 35% et 85% pour les marchandises. Il faudra
garantir les capacités et leur entretien mais aussi tenir compte de
l'internationalisation des réseaux ainsi que des répercussions sur
l'environnement.



Pour ce qui est des infrastructures financées de manière privée
(électricité, gaz, trafic aérien, télécommunication), le rapport
estime qu'il y aura à l'avenir suffisamment de capitaux à
disposition. Il faudra toutefois réguler ces secteurs de manière à
ce que les investissements garantissent un rendement adéquat.



ats/ant

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Des besoins énormes

Le conseiller fédéral a insisté sur la nécessité de planifier déjà les travaux des vingt prochaines années. D'énormes besoins se dessinent entre 2010 et 2030: 44,5 milliards de francs pour les investissements routiers (plus 19 milliards pour l'entretien), 31 à 40 milliards pour le rail (plus 30 milliards pour l'entretien).

Actuellement, trois sources sont utilisées: les recettes générales de la Confédération, les taxes (impôt sur les carburants, RPLP, vignette autoroutière) et les tarifs des transports publics (billets, abonnements). Mais elles ne suffiront pas.

De nouveaux moyens (hausse de la TVA, utilisation de la part de la RPLP revenant aux cantons) sont déjà à l'étude pour régler la facture des prochains grands travaux ferroviaires, comme la 3e voie Genève-Lausanne ou le tunnel de Gléresse (BE). Un manque à gagner se dessine par ailleurs à moyen terme pour les routes.

L'impôt sur les carburants va rapporter moins d'argent vu la croissance prévue des voitures électriques. Il pourra certes être augmenté ces prochaines années. Mais ce ne sera plus possible à long terme. Dès 2015, il faudra puiser dans les réserves, a prédit le secrétaire général du Département des transports Hans Werder.

Réactions: entre méfiance et confiance

Le principe d'une taxe sur la mobilité est accueilli avec prudence, voire méfiance, par le Touring Club Suisse (TCS). "Est-ce que tous les moyens de transport seront réellement concernés ? Et comment seront réparties les recettes ?" Gérard Métrailler, responsable du service politique du TCS, craint que la voiture, une fois de plus, passe à la caisse pour les autres transports. "Nous tenons au principe de l'utilisateur-payeur", martèle-t-il.
Gérard Métrailler souligne deux autres problèmes. Une taxe sur la mobilité n'irait pas sans conséquences sociales: "jouer sur les prix pour casser les pics de trafic favoriserait les nantis au détriment des moins bien lotis".
Un autre aspect concerne la protection des données. Les kilomètres effectués seraient enregistrés via un système satellite. "Le stockage et l'utilisation de toutes ces données sur les déplacements de la population pose un certain nombre de questions et a de quoi inquiéter".

Du côté de l'Association Transport et Environnement (ATE), on se montre plus confiant. Le débat lancé par Moritz Leuenberger sur le financement futur des infrastructures est nécessaire, note Gerhard Tubandt, porte-parole de l'ATE.
"Les ressources issues de l'impôt sur les carburants vont fatalement diminuer en raison de l'augmentation des voitures électriques. Il faut bien chercher un palliatif à ce manque à gagner. Il ne s'agit pas de créer un nouvel impôt, mais plutôt d'en remplacer un".
Gerhard Tubandt relève néanmoins qu'il ne faut pas pénaliser les pendulaires, "qui n'ont généralement pas le choix".