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Guantanamo: les Ouïgours pas bienvenus en Suisse

La Suisse pourrait accueillir jusqu'à trois ex-détenus de Guantanamo.
La prison américaine de Guantanamo n'a toujours pas été fermée.
La Suisse ne devrait plus admettre d'ex-détenus de Guantanamo, estime la commission de politique de sécurité du National. Par 15 voix contre 10, elle en a fait mardi la recommandation au Conseil fédéral. Dans sa ligne de mire figurent les deux Ouïgours qui pourraient être accueillis dans le Jura.

La décision relève au final de la compétence du Conseil fédéral,
mais la commission ne veut pas en porter la responsabilité, a
expliqué devant la presse son président Jakob Büchler (PDC/SG).
Pour la majorité, les considérations de sécurité et les relations
avec la Chine prévalent sur l'action humanitaire.



Dans une lettre envoyée avant Noël à la conseillère fédérale
Eveline Widmer-Schlumpf, l'ambassade de Chine à Berne avait demandé
à la Suisse de ne pas accueillir deux frères Ouïgours actuellement
détenus à Guantanamo et considérés par Pékin comme des terroristes
présumés. Les relations sino-suisses pourraient être mises à mal,
avait-elle menacé.

Guantanamo, un problème américain

Ce dernier aspect n'est intervenu qu'en quatrième position dans
les considérations de la commission, a assuré Yvan Perrin (UDC/NE),
tout en reconnaissant que la majorité a "manifestement préféré se
fâcher avec les Etats-Unis plutôt qu'avec la Chine".

La commission considère que c'est
aux Etats-Unis de résoudre le problème de Guantanamo. En décidant
d'admettre déjà un prisonnier ouzbek à Genève, la Suisse en a déjà
fait assez, selon Yvan Perrin.



Les récentes tentatives d'attentats ont en outre montré que le
risque de terrorisme n'a pas disparu, a relevé le Neuchâtelois,
tout en reconnaissant que les deux Ouïgours n'y sont pas
liés.



La commission de politique extérieure du Conseil des Etats a
également fait part de ses préoccupations à Micheline Calmy-Rey
sans toutefois émettre une recommandation formelle, a indiqué son
président Eugen David (PDC/SG).

Décision à venir

Eveline Widmer-Schlumpf doit rencontrer à la fin du mois les
autorités jurassiennes pour discuter du dossier. Le Conseil fédéral
prendra ensuite une décision en prenant en compte la position de la
commission, a assuré Eveline WidmerSchlumpf, selon Jakob
Büchler.



Mais le gouvernement jurassien souhaite que le Conseil fédéral
prenne une décision sur le sort des deux ex-detenus de Guantanamo
mercredi déjà lors de sa séance hebdomadaire. «Le Conseil fédéral
peut très bien se déterminer sans atttendre la rencontre avec le
canton du Jura», a expliqué sur les ondes de la RSR le ministre
jurassien de la justice Charles Juillard.



Le président du gouvernement jurassien estime qu'il ne faudrait
pas que le Conseil fédéral se réfugie derrière une décision d'un
gouvernement cantonal pour faire de la politique étrangère.

Lettre ouverte

Les deux Ouïgours bénéficent aussi de soutiens à Berne. Le
groupe parlementaire pour les droits humains a publié mardi une
lettre ouverte à Eveline Widmer-Schlumpf, lui demandant de ne pas
céder à la pression.



"Une campagne de dénigrement vis-à-vis de ces deux personnes a été
lancée par les autorités chinoises qui ont affirmé que ces deux
personnes étaient de dangereux terroristes", écrit ce groupe
parlementaire, dont fait notamment partie le conseiller aux Etats
Dick Marty (PLR/TI).



Et de rappeler que contrairement aux déclarations chinoises, ces
deux frères ne figurent sur aucune liste internationale et n'ont
jamais eu de liens avec un quelconque mouvement terroriste. "La
Suisse peut et doit donc les accueillir à titre humanitaire pour
leur offrir une possibilité de reconstruire une vie dans la dignité
et la sécurité."



ats/bkel

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L'avocate des deux Ouïgours parle

Les deux Ouïgours dont le sort est entre les mains de la Suisse ne sont pas des terroristes, mais "des pauvres hommes détenus par erreur" explique leur avocate Elizabeth Gilson.

Selon elle, ils ne menacent pas la sécurité de la Confédération, qui subit de fortes pressions de Pékin pour ne pas les accueillir. Elizabeth Gilson souligne l'importance des récriminations de Pékin envers les autorités suisses.

"Je n'avais jamais vu une pression aussi flagrante et publique", a-t-elle déclaré dans une interview publiée mardi par "24 heures". Mais c'est le cas de "nombreux pays qui ont été approchés pour accueillir des Ouïgours" et qui ont subi des pressions diplomatiques de la part de la Chine.

L'avocate américaine des Ouïgours cite le cas de l'Albanie, qui a accueilli cinq Ouïghours et qui a "fait l'objet de pressions pour qu'elle n'en accepte pas davantage".

Elizabeth Gilson conteste les allégations de la Chine sur l'appartenance des deux détenus de Guantanamo à un groupe terroriste. Selon elle, Pékin ne possède "aucune preuve". En outre, "aucune charge n'a été retenue contre eux" par les Etats-Unis.

Les deux frères envisagent désormais "de vivre en paix et travailler en Suisse ou dans un autre pays européen". Le plus jeune désire «retourner sur les bancs d'école». Après Guantanamo, "ils n'osent plus espérer. Cela fait huit ans qu'on leur dit qu'on va les libérer".

Elizabeth Gilson précise les circonstances de leurs arrestations. Le plus jeune des frères, Bahtiyar Mahnut s'était exilé en Afghanistan "pour trouver une vie meilleure". Son frère Arkin "était parti à sa recherche pour le faire rentrer au pays". Surpris par des bombardements, ils ont fui "sans passeports" au Pakistan, où ils ont été "vendus à l'armée américaine".

Par ailleurs, Amnesty International rappelle que les deux Ouïgours risquent d'être persécutés s'ils retournent en Chine.