Cinq jours après le séisme qui a a fait au moins 50'000 morts en
Haïti, les pillages se multiplient dans la capitale Port-au-Prince
et les gangs se reforment (voir ci-contre). Des
heurts ont éclaté entre des habitants et la police sur un marché de
la ville. Un pilleur d'une trentaine d'année qui était en train de
s'emparer de marchandises a été touché par balles à la tête et a
été tué.
Un autre pillard s'est immédiatement emparé du sac à dos de la
victime. L'affrontement s'est poursuivi, jusqu'à l'arrivée de
renforts de police armés de fusils à pompe et de fusils
d'assaut.
Une grande partie de la population sinistrée n'a pas de quoi se
nourrir ni s'approvisionner en eau potable et la distribution de
l'aide humanitaire internationale est rendue très difficile par la
destruction des voies de communication. Et quand l'aide est
distribuée, cela donne souvent lieu à des heurts et à des
bousculades.
Quatre survivants
Lueur d'espoir dans ce chaos, trois
personnes ont été extraites vivantes des décombres d'un supermarché
de Port-au-Prince, redonnant du moral aux Haïtiens et aux équipes
de sauveteurs. Il s'agit d'une fillette de 7 ans, d'une femme de 50
ans et d'un homme de 34 ans.
Un peu plus tard, un membre danois de la Minustah, la force de
maintien de la paix de l'ONU en Haïti, a été sorti vivant et en
bonne santé dimanche des décombres de Port-au-Prince, Au total, une
septantaine de personnes ont été retrouvées en vie dans les ruines
depuis mardi.
"Le moral des équipes de sauvetage reste très bon en dépit des
difficultés et des conditions" dans lesquelles elles doivent
travailler, a-t-elle expliqué. On cherche surtout des poches de
survie qui ont pu se créer lors de l'effondrement des
immeubles.
Quelque 43 équipes internationales sont engagées sur place,
comprenant 1739 sauveteurs et 161 chiens. Ces équipes ont pu se
rendre dans 60% des zones les plus affectées par le tremblement de
terre.
Les secours en province
Les secours sont désormais en
route vers le sud-ouest de la capitale, c'est-à-dire vers
l'épicentre du séisme. Un premier convoi d'aide est arrivé samedi à
Léogane, ville de 134'000 personnes, à 17 kilomètres de
Port-au-Prince. Des villas coloniales à l'église, en passant par
les petites cabanes de plage, plus rien ou presque n'est debout:
90% des bâtiments y ont été détruits, selon l'ONU.
Carrefour, une ville de 334'000 habitants, est à moitié détruite,
tout comme Jacmel.
A la sortie de Port-au-Prince, une barricade formée de pneus en
feu, de débris et d'au moins quatre cadavres bloquait la route de
la ville de Carrefour. Des habitants en colère manifestaient pour
exiger le retrait de piles de cadavres en décomposition.
Ban Ki-moon sur place
Ban Ki-moon est
pour sa part arrivé dimanche à Port-au-Prince. Le secrétaire
général de l'ONU s'est tout de suite rendu au QG des Nations unies
à Port-au-Prince, qui s'est effondré dans le tremblement de terre.
Quarante employés de l'ONU ont été tués et 330 sont portés
disparus.
"Je suis ici avec un message d'espoir, l'aide est en route", a
déclaré Ban Ki-moon devant un groupe de personnes rassemblées à
proximité du Palais national pour réclamer de l'eau et de la
nourriture. Il a estimé que le séisme haïtien était "l'une des plus
graves crises humanitaires depuis des dizaines d'années".
Le secrétaire général de l'ONU a expliqué avoir trois priorités en
Haïti: sauver autant de vies que possible, accélérer l'aide
humanitaire, et coordonner celle-ci. "Nous ne devons gaspiller
aucun objet, aucun dollar", a-t-il souligné.
Réunion du Conseil de sécurité
En outre, le Conseil de sécurité de l'ONU a annoncé qu'il se
réunira lundi sur une initiative du Mexique pour étudier la
situation. L'ampleur du désastre causé par le séisme "rend
nécessaire une présence internationale accrue, sous la coordination
des Nations Unies", a annoncé le ministère mexicain des Affaires
extérieures.
Vendredi, l'ONU avait lancé un appel d'urgence à tous ses membres
pour lever 562 millions de dollars, dont près de la moitié serait
utilisée pour l'achat de denrées alimentaires.
"Nous n'avons jamais été confrontés à un tel désastre de mémoire
d'ONU. Il n'est pareil à aucun autre", a estimé une porte-parole de
l'organisation. C'est pire encore que le tsunami de 2004 car le
séisme a décapité les structures locales d'appui à l'aide
internationale.
agences/bkel
Les gangs de retour à Cité Soleil
Depuis le séisme, les gangs qui contrôlaient autrefois Cité Soleil, le plus grand bidonville d'Haïti, sont revenus et ils ont la ferme intention de reprendre "leur" territoire.
"Ils sont sortis de prison et maintenant, ils traînent en essayant de voler les gens", se plaint un habitant. Et un autre de renchérir: "Préval ne contrôle rien ici. Personne ne contrôle rien à part les caïds."
La sécurisation de Cité Soleil, en banlieue de Port-au-Prince, était l'une des réussites incontestées portées au crédit du président René Préval depuis son arrivée au pouvoir en 2006.
Mais le tremblement de terre a endommagé le Pénitencier national et a permis à au moins 3000 détenus de s'évader, dont de nombreux anciens dirigeants de Cité Soleil.
L'UE se réunira lundi pour chiffrer son aide
Les pays de l'UE comptent annoncer lundi à Bruxelles de premiers engagements financiers pour aider à la reconstruction de Haïti après le séisme et appeler à la tenue d'une conférence internationale sur ce sujet, ont indiqué dimanche plusieurs sources diplomatiques.
La réunion sera présidée par le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton. La présidence espagnole de l'UE sera représentée par le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos.
Les ministres devraient faire le point sur leurs efforts d'aide humanitaire d'urgence. Ces efforts "se situent à ce jour entre 20 et 30 millions d'euros" de manière cumulée, souligne un haut fonctionnaire européen.