Alors que l'otage suisse Rachid Hamdani a été blanchi de toutes les accusations qui pesaient
contre lui en Libye, l'enquête de la TSR montre que les portes de
la Suisse ne sont pas entièrement closes.
Selon les chiffres fournis par le Conseil fédéral, les visas
accordés à des ressortissants libyens sont passés de 5902 visas en
2008 à 83 pour les 9 premiers mois de l'année 2009. Mais certains
Libyens peuvent encore entrer en Suisse, notament les personnes
riches qui ne figurent pas parmi les proches de Mouammar
Kadhafi.
Tourisme médical et organisations internationales
Ainsi, la vieille tradition des touristes médicaux venus de
Tripoli perdure. Dans certaines cliniques, les médecins ont certes
été contraints de se rendre dans d'autres villes européennes pour
prendre en charge cette clientèle fortunée. Mais dans d'autres
établissements, des spécialistes affirment, sous couvert
d'anonymat, qu'ils continuent de soigner ces patients choyés.
Ceux-ci sont arrivés sur le territoire suisse grâce à un visa ou,
plus discrètement, en passant en voiture la frontière depuis un
pays limitrophe.
La Suisse a, de plus, des obligations en qualité de pays d'accueil
de nombreuses organisations internationales. Elle doit octroyer un
visa à tout diplomate en mission auprès de l'ONU ou de l'Union
interparlementaire, par exemple.
Une obligation dont elle s'acquitte, comme le confirme Anderss
Johnsson, secrétaire général de l'Union interparlementaire: "il n'y
a aucun problème pour les parlementaires libyens de venir en
Suisse." Par ce biais, théoriquement, même la garde rapprochée de
Kadhafi pourrait entrer sans souci sur territoire suisse.
L'Union européenne perméable
Depuis la signature des accords Schengen, la Suisse a un droit
de regard sur les demandes de visa Schengen, qui permettent de
voyager dans toute l'Europe. En novembre 2009, les partenaires
européens ont réaffirmé leur solidarité avec la Confédération et sa
politique de visas restrictive à l'égard de la Libye.
Toutefois, leurs relations avec le régime libyen sont, de manière
générale, sur la voie de la normalisation. Pas surprenant donc
qu'au niveau européen, les frontières soient tout sauf étanches.
L'Allemagne, par exemple, a octroyé 7800 visas Schengen à des
citoyens libyens en 2009, soit plus que les 7237 de 2008.
Pour le journaliste de l'AFP Imed Lamloum, "les Libyens voyagent
comme avant" en Europe. Simplement, les restrictions débouchent sur
des "des tracasseries administratives", qui exaspèrent les
autorités à Tripoli. En réaction, elles ont annoncé, fin janvier,
des restrictions de visas pour les Européens. Mais dans les faits,
cette décision n'a jamais été formalisée par le régime libyen. Pour
l'instant, il ne s'agit donc que d'un effet d'annonce de
Tripoli.
Isabelle Ducret, Anne-Frédérique Widmann et Tybalt Félix
L'administration fédérale discrète
Le Département des affaires étrangères a refusé tout commentaire sur le dossier. Toutefois, selon nos sources, la stratégie du gouvernement est claire. Plus que de bloquer totalement les ressortissants libyens, elle vise à créer un climat d'incertitude pour les proches du pouvoir. Une liste, tenue secrète, recense leurs noms. On ignore même le nombre de personnes ainsi "mises à l'index".