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Alinghi-Oracle: assez "discuté", place au sport

Ernesto Bertarelli se réjouit d'en découdre, "sur l'eau".
Ernesto Bertarelli se réjouit d'en découdre, "sur l'eau".
Après des mois de palabres, Alinghi et Oracle vont enfin en découdre véritablement, mais sur l'eau de Valence cette fois-ci. Suisses et Américains disputeront leurs régates dès lundi, dans un relatif anonymat.

Après une longue bataille judiciaire, la 33e Coupe de l'America
débute lundi à Valence, un duel inédit et controversé entre les
spectaculaires multicoques du "Defender" Alinghi et de son
challenger américain Oracle. Cette "Cup" au rabais pourrait durer à
peine trois jours, alors que la 32e édition, très réussie,
remportée par Alinghi face à de multiples challengers, s'était
déroulée à Valence sur près de trois mois en 2007.



Le duel au meilleur des trois manches va opposer les 8, 10 et 12
février (si une troisième manche est nécessaire) le maxi-catamaran
helvétique au trimaran géant d'Oracle, construits à prix d'or par
Ernesto Bertarelli et Larry Ellison. Le litige sur les modalités de
l'épreuve opposant depuis la mi-2007 ces deux milliardaires aux ego
surdimensionnés est à l'origine de cette confrontation inédite en
multicoques ordonnée par la justice américaine sur la base du "Deed
of Gift", document fondateur de l'épreuve.



Le conflit n'est pas terminé et le résultat sur l'eau pourrait
être inversé par la justice new-yorkaise, qui examinera le 25
février une plainte d'Oracle accusant Alinghi d'utiliser des voiles
"illégales", car fabriquées aux Etats-Unis. Oracle, à l'origine de
la procédure judiciaire, affirme qu'Alinghi biaise systématiquement
en sa faveur les règles de l'épreuve et les Suisses accusent les
Américains de vouloir gagner la Coupe en justice plutôt que sur
l'eau.

Deux monstres à la pointe de la technologie

Les deux monstres des mers de 90 pieds
(27 m) qui vont s'affronter au large de Valence sont à la pointe de
la technologie et le trimaran américain va notamment utiliser une
spectaculaire aile rigide de plus de 60 m, supposée améliorer de
20% ses performances. Mais les deux syndicats partent dans
l'inconnu, ayant eu peu de temps pour s'entraîner à Valence, même
si le catamaran d'Alinghi est jugé plus rapide par petit temps et
le trimaran américain plus performant par brise soutenue.



Difficile donc de pronostiquer un gagnant pour la célèbre
"Aiguière d'argent", entre le voilier suisse barré par Bertarelli
et le bateau américain mené par l'Australien James Spithill. La
prestigieuse Coupe de l'America, plus ancienne épreuve sportive au
monde (1851), est en revanche la grande perdante du litige qui
consterne depuis plus de deux ans le monde de la voile et a fait
fuir les sponsors.

Affrontement express, à une époque peu propice

Au lieu d'une Coupe traditionnelle en monocoques prévue en 2009
à Valence avec près de 20 challengers, les deux syndicats se
retrouvent début février, époque peu propice à la navigation, pour
un affrontement express qui laissera les amateurs sur leur faim.
Toutes les tentatives de conciliation ont échoué et les péripéties
du conflit judiciaire ont même amené Alinghi à proposer d'organiser
l'épreuve sur le site improbable de Ras al-Khaimah, aux Emirats
Arabes Unis.



On est loin de l'époque dorée de Newport (nord-est des
Etats-Unis), quartier général de la Coupe pendant plusieurs
décennies au XXe siècle, avant que les Australiens ne finissent par
l'arracher aux Américains en 1983. La controverse de la 33e édition
est toutefois loin d'être la première ayant secoué l'épreuve et un
duel du même type avait été remporté en 1988 par un catamaran
américain face à un maxi-yacht néo-zélandais.



Les régates à Valence seront retransmises pour la première fois en
direct et gratuitement sur le site internet de la "Cup"
(www.americascup.com). Vous pourrez également les suivre sur
tsrsport.ch.

UN REVE POUR PATRONS D'INDUSTRIE ET MILLIARDAIRES

La Coupe de l'America, plus
ancien trophée sportif au monde, attire depuis 1851 les meilleurs
marins mais aussi les plus grosses fortunes de la planète, de
Thomas Lipton à Harold Vanderbilt, dans une lutte passionnelle pour
cette épreuve devenue mythique. La 33e édition qui débute lundi à
Valence n'a pas manqué à la règle, opposant devant les tribunaux et
sur l'eau deux multi-milliardaires obstinés, Ernesto Bertarelli et
Larry Ellison.



Trente ans d'une vie presque entièrement consacrée à atteindre un
seul but et cinq majestueux voiliers auxquels il consacra une
partie de sa fortune sans qu'aucun ne puisse jamais s'imposer: Sir
Thomas Lipton illustre à lui seul tout le pouvoir qu'exerce sur les
hommes la quête de la Coupe de l'America. "Je vais à nouveau
essayer
": c'est sur cette promesse que se termina l'histoire
d'amour entre le roi du thé et la reine des épreuves, un jour de
novembre 1930, après la cinquième tentative malheureuse de celui
qui était présenté comme "le perdant le plus réjouissant du
monde".



De Shamrock I battu par Columbia en 1899 à Shamrock V défait par
l'Enterprise d'Harold Vanderbilt en 1930, ce ne sont pas moins de
cinq Shamrock ("trèfle"), emblème de l'Irlande, patrie de ce fils
de famille pauvre émigré un temps aux Etats-Unis, qui s'inclinèrent
face à un bateau américain, comme un symbole de la toute puissance
du "Nouveau monde". Depuis la victoire américaine à l'île de Wight
en 1851, il fallut attendre 132 ans pour que cette invincibilité
fût mise à mal par un incongru milliardaire: là où beaucoup avant
lui avaient échoué, Alan Bond, patron d'Australia II, barré par
John Bertrand, réussissait l'impensable après trois tentatives
infructueuses. Le 26 septembre 1983, à Newport, Australia II KA-6
battait Liberty US-40, de Dennis Conner. Si Thomas Lipton mourut en
1931 sans avoir atteint son Graal, Alan Bond allait lui voir le
rêve se transformer en cauchemar. Après la faillite quelques années
plus tard de son groupe, il fut condamné à de la prison en
1997.



Si beaucoup ont consacré une fortune à une quête improbable de la
Coupe, Ernesto Bertarelli débarque lui en 2003 à Auckland et
réussit un coup de maître, avec l'aide de mercenaires "kiwis"
embauchés à prix d'or (Russell Coutts, Brad Butterworth).
L'héritier d'un important groupe de bio-technologie suisse humilie
chez eux les Néo-Zélandais et ramène en Europe la Coupe, qu'il
défend avec succès en 2007 à Valence, toujours face aux
"Kiwis".



Mais il trouve alors face à lui un autre milliardaire, Larry
Ellison, un des hommes les plus riches de la planète, un "self made
man" qui contrôle le fabricant de logiciels Oracle. L'Américain,
qui avait dépensé vainement plus de 100 mio d'euros (comme
Bertarelli) pour une campagne 2007 infructueuse, attaque
systématiquement Bertarelli devant la justice US pour le forcer au
duel en multicoques géants, des voiliers construits à prix d'or par
les deux rivaux.



Bertarelli, 44 ans, sera à la barre lundi du catamaran Alinghi 5
et Ellison, 65 ans, a renoncé à grimper à bord du trimaran USA 17.
Ils ne lâcheront rien jusqu'au dernier moment pour remporter la
célèbre Aiguière d'argent.



afp/dbu

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Les fiches d'Alinghi et Oracle

Alinghi (SUI)

Yacht club: Société nautique de Genève (SNG)
Bateau: Alinghi 5, catamaran en carbone composite de 90 pieds (27 m) avec un mât de près de 50 m
Année de création de l'équipe: 2000
Budget: non communiqué (estimation: 100 mio d'euros)
Patron: Ernesto Bertarelli
Directeur, skipper et tacticien: Brad Butterworth (NZL)
Barreurs: Ernesto Bertarelli, Loïck Peyron (FRA), Alain Gautier (FRA), Ed Baird (USA)
Equipage: 10 à 16 personnes, selon les conditions
Architectes: Rolf Vrolijk (NED) et Design Team d'Alinghi
Chantiers: Chantier Décision (Vevey) et Villeneuve/Alinghi
Palmarès: vainqueur de la Coupe Louis-Vuitton (5-1, contre Oracle BMW) et de la Coupe de l'America (5-0) contre Team New Zealand en 2003, vainqueur de la Coupe de l'America contre Team New Zealand (5-2) en 2007

BMW Oracle Racing (USA)

Yacht club: Golden Gate Yacht Club (GGYC, San Francisco)
Bateau: USA 17, trimaran en fibre de carbone de 90 pieds (27 m) avec une aile rigide géante de 68 m
Année de création de l'équipe: 2000
Budget: non communiqué (estimation: 100 mio d'euros)
Patron: Larry Ellison
Directeur général et skipper: Russell Coutts (NZL)
Barreur: James Spithill (AUS)
Equipage: de 6 à 12 personnes, selon les conditions
Architecte: Team Design d'Oracle, avec l'aide de spécialistes de VPLP (FRA)
Chantier: Core Builders, Annacortes (nord-ouest des USA)
Palmarès: finaliste de la Coupe Louis-Vuitton, battu par Alinghi, en 2003 et demi-finaliste de la Coupe Louis-Vuitton, battu par Luna Rossa (ITA), en 2007

COUPE DE L'AMERICA, PALMARES

1980: Freedom (EU), 4-1 contre Australia (Aus) à Newport
1983: Australia II (Aus), 4-3 contre Liberty (EU) à Newport
1987: Stars and Stripes (EU), 4-0 contre Kookaburra III (Aus) à Freemantle (Aus)
1988: Stars and Stripes (EU), 2-0 contre KZ1 (NZ) à San Diego (EU)
1992: America 3 (EU), 4-1 contre Il Moro di Venezia (It) à San Diego
1995: Black Magic (NZ), 5-0 contre Young America (EU) à San Diego
2000: Team New Zealand (NZ), 5-0 contre Luna Rossa (It) à Auckland (N-Z)
2003: Alinghi (S), 5-0 contre Team New Zealand (NZ) à Auckland
2007: Alinghi (S), 5-2 contre Team New Zealand (NZ) à Valence (Esp)