Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a trouvé "dommage"
que la querelle entre la Suisse et la Libye ait abouti à une telle
escalade. Ban "croit fortement que les divergences d'opinion
doivent être résolues pacifiquement par le dialogue", a précisé son
porte-parole Martin Nesirky.
"De telles déclarations de la part d'un chef
d'Etat sont inadmissibles sur le plan des relations
internationales", a déclaré le directeur général de l'ONU à Genève
Sergei Ordzhonikidzele. "Et je ne parle même pas d'actes. J'espère
que nous arrêterons toute tentative", a-t-il ajouté.
Moment inopportun
Pour Bruxelles, ces propos "arrivent à un moment inopportun au
moment l'Union européenne travaille intensément avec la Suisse pour
parvenir à une solution diplomatique" à la crise entre les deux
pays.
Pour Paris, l'appel du dirigeant libyen constitue des "propos
Inacceptables. C'est par la négociation que le différend entre la
Libye et la Suisse doit être réglé", a déclaré le porte-parole du
Quai d'Orsay, Bernard Valero.
A Rome, un léger vent de panique a soufflé du côté des Affaires
étrangères. Le chef de la diplomatie italienne Fraco Frattini a
appelé au calme: "Ce n'est ni dans l'intérêt de l'Europe, ni dans
celui de l'Italie de créer des conditions qui aggravent la
situation", a-t-il dit.
Interrogé par l'ATS, le Département des affaires étrangères (DFAE)
n'a pas souhaité faire de commentaires.
Les musulmans suisses ne suivent pas
L'appel de Kadhafi
n'a rien à voir avec l'islam.
Bachir
Gobdon
Les quelque 400'000 musulmans vivant
dans la Confédération - principalement originaires des Balkans, de
Turquie et d'Afrique du nord - n'ont pas adhéré au discours
enflammé du numéro un libyen, se disant bien intégrés dans le pays
malgré le récent vote populaire interdisant la construction de
minarets.
"L'appel de Kadhafi n'a rien à voir avec l'islam", a réagi Bachir
Gobdon, de l'association culturelle somalienne de Zurich. "Cet
appel n'est pas tolérable, nous ne voulons rien avoir à faire avec
cela", a-t-il ajouté.
Pas crédible
"S'il y a problème, il doit être résolu par le dialogue. Kadhafi
est hors contexte. Il ne vit pas sur notre planète, il n'est pas du
tout crédible", a souligné le secrétaire de l'Institut culturel
musulman, Moahmed Karmous.
Ces propos "ne nous ont pas choqué,
puisqu'il raconte souvent des choses insensées", a estimé Yasar
Özdemir, membre de la Fédération des associations musulmanes de
Suisse.
"La colère le rend hystérique. Il n'a absolument aucune
crédibilité dans cet appel puisqu'il ne représente pas plus que
lui-même, pas même son peuple", a tranché Hafid Ouardiri, ancien
porte-parole de la mosquée de Genève.
"Il ne dispose d'aucune autorité pour appeler au jihad", a
renchéri le porte-parole du Conseil central islamique suisse
(CCIS).
L'imam de la Mosquée de Genève a lui indiqué condamner
"l'instrumentalisation de la religion dans les conflits et les
affaires d'intérêts personnel. Ceci est indigne de notre religion
et de l'enseignement que nous a transmis notre Prophète".
Des propos polémiques
"C'est contre la Suisse
mécréante et apostate qui détruit les maisons d'Allah que le jihad
doit être proclamé par tous les moyens", a dit jeudi Mouammar
Kadhafi en Libye en réaction au vote contre les minarets en Suisse.
Le colonel s'est exprimé l'occasion de la fête du Mouloud, qui
commémore la naissance du prophète Mahomet.
Les relations entre Berne et Tripoli se sont nettement détériorées
à la suite de l'interpellation musclée, en juillet 2008 à Genève,
d'un des fils du colonel Kadhafi, Hannibal, sur une plainte de deux
domestiques l'accusant de mauvais traitements. Peu après, les
autorités libyennes avaient arrêté deux Suisses, dont l'un, Max
Göldi, est toujours retenu en Libye.
agences/bri
Des actes "graves"
Evoquant les propos de Mouammar Kadhafi jeudi et la demande libyenne à l'ONU de mettre à l'ordre du jour de l'Assemblée générale la dissolution de la Suisse en automne dernier, le professeur de droit international Marcelo Kohen considère que "ces actes sont graves".
"Il existe une menace contre la Suisse. Elle peut effectivement saisir le Conseil de sécurité et lui demander de prendre les mesures nécessaires dans le contexte de ses compétences pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales", affirme ce professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève.
Marcelo Kohen épingle toutefois la Suisse, qui "n'est pas totalement blanche". Il pointe du doigt l'affaire des photos d'identité judiciaires d'Hannibal Kadhafi publiées par la "Tribune de Genève". "Si une enquête ouverte contre l'auteur de la fuite ne donne rien, (...) il y a une autorité responsable qui doit faire face", juge Marcelo Kohen.
Si l'appel de Mouammar Kadhafi n'a aucun écho auprès des gouvernements arabes, "il ne faut pas pour autant le sous-estimer. C'est un appel qui peut être entendu par des groupes terroristes".
Selon l'universitaire genevois et président du Conseil des droits de l'homme de l'ONU Jean Ziegler, dans un entretien accordé à 20 Minuten, les propos de Kadhafi n'ont été prononcés qu'à usage interne, et plus précisément à l'intention de son fils Seif al-Islam.
Seif al-Islam Kadhafi est pressenti pour occuper le deuxième poste le plus important à la tête du pays, celui de "coordinateur des commandements populaires et sociaux", un poste équivalent à celui de chef d'Etat.