«Donner moins d'argent de poche à votre fille qu'à votre fils...
impensable?» Le slogan de l'affichette, visible depuis lundi dans
toute la Suisse romande, interpelle la population sur le mode
intimiste. «Le but est de créer une large prise de conscience», a
indiqué mardi aux médias Sylvie Durrer, du bureau vaudois.
La différence salariale entre hommes et femmes est un phénomène
encore trop méconnu, a ajouté Sandra Spagnol, la déléguée
neuchâteloise. Plus généralement, la pratique suisse manque
totalement de transparence en matière salariale, a-t-elle relevé.
Cette campagne a été lancée à l'occasion du 10e anniverseraire de
l'entrée en vigueur de la loi sur l'égalité, a rappelé Fabienne
Bugnon, la déléguée genevoise. Dans le même ordre d'idée, 2006
marque également les 15 ans de la grève nationale des femmes et les
25 ans de l'article constitutionnel sur l'égalité des droits.
Contrôle public
Globalement, les bureaux de l'égalité romands saluent les
progrès qui ont été réalisés depuis l'entrée en vigueur de la loi
sur l'égalité (LEg). Ils déplorent cependant que le contrôle de
l'égalité repose toujours sur l'initiative individuelle des
employées discriminées.
Les bureaux veulent impliquer davantage l'Etat dans le processus
de surveillance de l'égalité salariale entre femmes et hommes. Il
s'agit notamment d'utiliser les procédures existantes d'attribution
des marchés publics et des aides financières. A plus long terme,
les bureaux de l'égalité souhaitent la création d'un organe public
chargé de surveiller l'application de la LEg, a expliqué l'avocate
Elise Gogniat, auteur du rapport «Comment faire respecter l'égalité
salariale entre les femmes et les hommes».
«En dix ans, seuls 179 cas en relation avec la LEg ont été traités
dans les tribunaux suisses», a souligné Fabienne Bugnon. Sur ce
nombre, 50% des jugements ont été rendus en faveur des plaignants,
a-t-elle précisé.
Procédures longues
La cheffe du bureau de l'égalité genevois déplore également la
longueur des procédures. A titre d'exemple, une démarche judiciaire
entamée en 1986 par deux secrétaires valaisannes s'est finalement
conclue en 2003 seulement, «alors que les deux employées étaient
déjà à la retraite», a remarqué Mme Bugnon. En conclusion, la
déléguée vaudoise Sylvie Durrer a rappelé que des salaires féminins
inférieurs de 20 % ont des conséquences pour toute la société.
«C'est 20 % de concurrence déloyale entre firmes égalitaires et non
égalitaires, 20 % de pertes fiscales pour l'Etat et 20 % de perte
de cotisations sociales», a-t-elle souligné.
ats/sch
Quelques chiffres
Alors que le salaire brut moyen des femmes s'élevait à 4781 francs en 2004, celui des hommes se montait à 5953 francs. Cela représente 19,7% de moins, contre 20,3% en 2000.
Si 60% de ces différences s'expliquent par des facteurs objectifs - tels que l'âge, la formation, l'ancienneté ou le secteur d'activité - le reste, soit 40%, doit être considéré comme une discrimination salariale.
Les femmes travaillant à mi-temps sont en règle générale proportionnellement plus payées que lorsqu'elles travaillent à plein temps (jusqu'à 12%). C'est exactement l'inverse chez les hommes, où les temps partiels sont rémunérés jusqu'à 25% de moins que les temps complets.