Le journal est sanctionné pour avoir publié à fin mai 2005 une
série d'articles sur les déboires conjugaux du président de
l'UMP.
Dans son jugement rendu en l'absence de Nicolas Sarkozy et des
responsables d'Edipresse, la société éditrice du quotidien, le
tribunal a estimé qu'il n'était certes pas "illégitime d'informer"
sur la séparation du couple Sarkozy. Nicolas et Cécilia - alors
cheffe de cabinet de l'UMP - retenaient depuis longtemps déjà
l'attention du public et de la presse, en particulier en raison de
leurs relations professionnelles.
Mais "Le Matin" est allé au-delà de cette information. Il a
également publié des faits réels ou supposés relatifs à des
liaisons adultères du couple, à son divorce et à la résidence de
leur fils dans le cadre de la séparation, relève le tribunal. Les
éditions du journal contenaient par ailleurs des photographies de
Nicolas Sarkozy qui ont été reproduites sans son accord.
Etant donné que "Le Matin" n'évoquait pas des faits notoires ni
anodins à l'appui d'un débat d'intérêt général, le tribunal a
considéré qu'il avait ainsi porté atteinte à la vie privée du
ministre.
Décision pas publiée
Nicolas Sarkozy, candidat présumé à l'élection présidentielle en
2007, demandait aussi la publication de la décision du tribunal
dans quatre éditions successives du "Matin" et durant au moins
quatre jours sur son site Internet. Il n'a pas obtenu gain de cause
sur ces points.
Pour le tribunal, obliger "Le Matin" à de telles publications
aurait été disproportionné. Le journal, dont la diffusion est
assurée en Suisse, ne possède pas d'édition particulière sur le
territoire français. Il distribue seulement quelque 400 exemplaires
dans la région. Il aurait fallu l'obliger à assurer une édition
spéciale ou à s'abstenir de toute diffusion en France.
"Le Matin" devra encore s'acquitter des frais de procédure et
payer à Nicolas Sarkozy une somme de 1.200 euros, représentant les
honoraires des avocats. Théo Bouchat, le directeur de la
publication du quotidien romand, a par ailleurs été mis hors de
cause.
agences/kot/ant
Une "intolérable intrusion"
Pour le ministre, les articles publiés entre le 22 et le 29 mai 2005 constituaient une "intolérable intrusion". Il est "acquis que la vie conjugale et sentimentale de toute personne relève de la vie privée", avait déclaré son avocat Me Philippe Blanchetier lors du procès en juin dernier. Il s'agit "d'une sphère dans laquelle chacun a le droit d'être protégé".
Me Jean Braghini, représentant les intérêts d'Edipresse, estimait au contraire que la publication de ces articles était justifiée. "Quand on s'est mis sous les projecteurs, la protection est diminuée", avait relevé l'avocat.
La défense du "Matin" avait aussi mis en évidence "la stratégie de communication à la fois conjugale et politique" de Nicolas Sarkozy. "Quand on est à la fois chef de cabinet, conseillère, et épouse, les gens ont le droit de savoir pourquoi le chef de cabinet s'est fâché avec le président", avait estimé Me Braghini.
"Presque une victoire"
«On pourrait presque crier victoire, car les demandes principales de M.Sarkozy ont été refusées», a dit Peter Rothenbühler, rédacteur en chef du «Matin», interrogé par l'ATS, en réaction au jugement. L'enjeu central dans ce genre de litige, c'est l'obligation de publier le jugement.
«C'est ce qui aurait fait le plus mal au titre. Or le tribunal a renoncé à ordonner cette publication à cinq reprises dans les 500 exemplaires diffusés en France, en raison je pense de l'aspect un peu ridicule qu'aurait eu cette mesure», note Peter Rothenbühler.
Aux yeux du rédacteur en chef, la clémence du jugement s'explique probablement par le fait que le tribunal a tenu compte de l'évolution des opinions dans cette affaire. Les médias français sont maintenant presque tous d'accord pour dire que M.Sarkozy a lui-même médiatisé son couple et que cela ne relève donc plus seulement de la vie privée.