Conrad Gerber (regardez son interview
ci-dessous) est un des plus fins connaisseurs du marché du
pétrole dans le monde selon la presse anglo-saxonne. Ce Genevois
d'adoption, qui emploie une poignée de collaborateurs à Genève et
possède des relais aux quatre coins de la planète, suit de très
près l'offre et la demande sur les différents marchés
mondiaux.
Ce fils d'immigrants suisses établis au Zimbabwe, 63 ans, rédige
notamment des rapports destinés aux compagnies pétrolières. Vendus
plusieurs milliers de francs, ces textes constituent des mines
d'informations pour se faire une idée du marché réel du
pétrole.
Univers secret
Le monde du pétrole est en effet un univers très secret. A
Genève, par exemple, des centaines de personnes vendent et achètent
tous les jours du pétrole. Les grandes banques françaises ainsi que
l'UBS financent à coup de centaines de millions de francs le
transport de la précieuse matière première.
Il est cependant difficile d'en dire plus. Dès que l'on frappe aux
portes des grandes compagnies de la place, comme Lukoil, le
maître-mot est la loi du silence. Difficile donc de se faire une
idée réelle de la taille de la place genevois en comparaison de
Londres, par exemple, qui reste le centre névralgique de ce marché
en Europe.
Mensonges et tricheries
Sur le marché mondial,
les mêmes lois sont en vigueur. Pire, les gouvernements et les
grandes compagnies ne communiquent pas de chiffres exacts et
trichent tous les jours sur le niveau réel de la production.
Par exemple, les pays membre de l'OPEP font toujours attention de
ne pas communiquer le fait qu'ils n'atteignent pas leur plafond de
production. S'ils le faisaient, ils risqueraient de voir leur quota
revu à la baisse lors de la prochaine ronde de négociation.
Chiffres plus précis
Dans ce contexte, il est difficile pour les acheteurs et les
vendeurs d'or noir de se faire une idée réelle du marché (donc du
prix). Et c'est justement là qu'interviennent des sociétés comme
Petro-Logistics de Conrad Gerber. Grâce à des contacts dans les
ports les plus importants de la planète, cette entreprise serait en
mesure de donner de véritables chiffres de production.
Il y a quelques mois, les Iraniens affirmaient ainsi produire près
de 4,2 millions de barils par jour. Selon les estimations de Conrad
Gerber, ce pays ne produisait alors en fait que 3,8 millions
quotidiennement. Dans ce marché menteur, Conrad Gerber reste
pessimiste quant au prix de l'or noir.
Incertitudes
De multiples
incertitudes pèsent sur le marché, ce qui stimule les spéculateurs.
La situation politique est préoccupante en Iran et guère meilleure
au Nigéria. Rien que dans ce dernier pays, ce sont 60'000 barils
par jour qui ne trouvent pas les chemins des raffineries.
En plus, la saison des cyclones va commencer dans le Golfe du
Mexique et la demande va continuer de grimper avec l'arrivée des
beaux jours aux Etats-Unis. Ainsi, même si les réserves sont au
plus haut, il n'est pas exclu que le baril atteigne des sommets cet
été. Le chiffre de cent dollars le baril n'est désormais plus
tabou...
Xavier Studer
Nouveau record
Le baril de brut a battu un nouveau record historique mercredi à New York, à 71,80 dollars, après l'annonce d'une baisse des stocks de brut et d'essence aux Etats-Unis.
Le département américain de l'Energie (DoE) a fait état mercredi d'une baisse généralisée des stocks de pétrole aux Etats-Unis, particulièrement marquée en ce qui concerne les stocks d'essence.
A New York, le brut avançait de 25 cents à 71,60 dollars vers 15H20 GMT, après être monté jusqu'à 71,80 USD. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin est monté jusqu'à 73,34 dollars vers 14H30 GMT, en hausse de 83 cents par rapport à la veille au soir.
Le DoE a rapporté une baisse de 800'000 barils des stocks de pétrole brut à 345,2 millions de barils (Mb) lors de la semaine achevée le 14 avril. Les analystes tablaient en moyenne sur une progression de 2,3 millions de barils.
Les stocks d'essence sont très suivis car les analystes craignent une pénurie de carburant aux Etats-Unis cet été, après l'entrée en vigueur de nouvelles normes environnementales de nature à ralentir la production des raffineries.
L'économie résiste
- L'économie mondiale a plutôt bien encaissé la première hausse massive du pétrole survenue en 2005. Les consommateurs, par exemple, ont continué à rouler presque comme si de rien n'était, et cela devrait continuer.
- Selon le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco), la flambée du cours de pétrole n'est pas un danger pour la conjoncture en Suisse. A son cours actuel de 70 dollars par baril, le prix du pétrole n'est pas une menace pour la conjoncture en Suisse, a déclaré Aymo Brunetti, chef économiste au seco.
- Les autres facteurs sont en effet tellement favorables qu'il n'est pas nécessaire de revoir les prévisions de croissance de 2% pour 2006, qui se fondent sur un prix moyen de 60 dollars le baril. Ne serait vraiment handicapant pour la conjoncture qu'une flambée des prix, or le risque d'inflation est relativement faible.