Il a aussi ouvert une brèche en autorisant les importations
parallèles pour les fertilisants et autres tracteurs.
La nouvelle loi sur l'agriculture, qui doit encore être débattue
au National, a passé la rampe par 24 voix contre 1 et 9 abstentions
principalement de la gauche après deux jours de débat marathon.
Elle s'accompagne d'une facture globale de 13,65 milliards de
francs à verser aux paysans durant les années 2008 à 2011.
Le crédit quadriennal dépasse ainsi d'au moins 150 millions le
cadre prévu par le gouvernement. «Je n'ai pas cet argent et
j'aimerais bien savoir où je vais le prendre», s'est exclamée Doris
Leuthard. Certains secteurs de la paysannerie risquent de faire les
frais de la nouvelle répartition des moyens.
Malgré les protestations de la conseillère fédérale, la majorité
de la Chambre des cantons n'a pas hésité à renier même les
compromis de sa commission préparatoire pour s'aligner sur des
propositions minoritaires issues principalement du PDC.
Soutien au marché maintenu
Elle s'en est prise au coeur même de la philosophie de la
politique agricole (PA) 2011, qui visait à réduire de moitié les
subventions destinées au soutien du marché au profit des paiements
directs. Les producteurs de fromages seront les principaux
bénéficiaires des largesses accordées à l'approche de Noël.
Par 24 voix contre 15, le conseil a cimenté dans la loi le
supplément de 15 centimes par kilo de lait transformé jusqu'en
2011. Le gouvernement voulait quant à lui le réduire à 10 centimes
et offrir en contrepartie une aide pour la garde de vaches
laitières.
Il ne faut pas récompenser les paysans seulement pour leurs
vaches, mais surtout parce qu'ils produisent des fromages de
qualité, a estimé Eugen David (PDC/SG). Forte de cet avis, la
majorité a également maintenu le supplément de 3 centimes pour les
fromages produits avec du lait sans ensilage, qui était pourtant
destiné à disparaître en 2009.
Sucreries
Dans la foulée, elle a refusé de supprimer les contributions aux
raffineries de sucre. On subventionne deux fabriques - les
sucreries d'Aarberg et de Frauenfeld - à raison de plus de 30
millions, s'est indignée en vain Anita Fetz (PS/BS). Le Conseil
fédéral aurait voulu limiter l'aide aux producteurs de betteraves
sucrières.
Les propriétaires de moutons ont aussi bénéficié d'un coup de
pouce pour la mise en valeur de la laine. Le maintien de ces
différentes subventions devrait permettre de freiner un peu le
rythme des réformes, jugées à la limite du supportable pour les
paysans par divers orateurs.
Les opposants ont estimé en revanche qu'elles mettaient en danger
l'équilibre ténu de la PA 2011. «Vous avez ouvert la boîte de
Pandore», a dit Mme Leuthard. Et personne n'a bronché lorsqu'il
s'est agi d'imposer un sacrifice aux céréaliers, a relevé ainsi
Simonetta Sommaruga (PS/BE).
Enchères
Le soutien sera nettement limité pour les céréales fourragères,
la viande et les oeufs. En revanche, le Conseil des Etats a refusé
de répartir les contingents tarifaires pour les pommes de terre par
enchères.
Pour ce qui est du beurre, la mise à l'encan a été acceptée grâce
à la voix prépondérante du président. Les gros producteurs Cremo et
Emmi vont perdre ainsi une rente de situation de quelque 30
millions.
Les sénateurs ont encore soutenu le versement de crédits
d'investissements aux entreprises qui transforment des produits de
base, comme les fromageries, et contribuent à augmenter la valeur
des produits régionaux. Les arrangements croisés entre fournisseurs
et paysans devraient quant à eux disparaître.
Importations parallèles
Autre innovation importante, le Conseil des Etats a autorisé,
par 25 voix contre 13, les importations parallèles pour les moyens
de production (fertilisants, pesticides) et les biens agricoles
(tracteurs, machines).
Cette décision est intervenue au moment même où le National
refusait de régler la question dans la loi sur les brevets. En
libéralisant ce domaine, la Chambre des cantons espère une baisse
des coûts de production dans l'agriculture de l'ordre de 65 à 75
millions.
ats/cer/kot
Bataille sur les AOC: victoire du Valais
Les cantons devraient avoir quasiment les pleins pouvoirs en ce qui concerne les appellations d'origine contrôlée (AOC) pour les vins. Par 17 voix contre 12, le Conseil des Etats a introduit mercredi cette idée dans la politique agricole 2011.
Ainsi, les cantons devraient fixer les exigences en matière de production pour les vins d'AOC et pour les vins produits sur leur territoire sous une dénomination traditionnelle propre. Le Conseil fédéral devrait quant à lui se contenter d'homologuer les cahiers de charges édictés par les cantons.
L'auteur de la proposition, Simon Epiney (PDC/VS), s'est lancé dans une diatribe en faveur des AOC, «seuls remparts contre l'afflux de vins étrangers», rejetant la proposition du Conseil fédéral, qui vise à centraliser et uniformiser le système.
L'idée du gouvernement est de fixer des standards de qualité minimaux, a plaidé Doris Leuthard. Le Valais est libre d'introduire ensuite des prescriptions plus sévères, s'il le souhaite. Mais la majorité ne s'est pas laissé démonter par les arguments de la ministre de l'agriculture.
Loi sur les brevets adoptée au National
En parallèle à la décision des Etats, le Conseil national a adopté mercredi la révision de la loi sur les brevets par 110 voix contre 51.
Comme les jours précédents, il a minorisé la gauche en refusant d'inclure dans ce projet la question des importations parallèles.
Le camp rose-vert a ainsi dû s'incliner par 118 voix contre 69. Il a en vain tenté d'inscrire dans la loi le principe de l'épuisement international afin de favoriser les importations parallèles.
Cette clause aurait dû se substituer à l'actuel épuisement national qui permet au titulaire d'un brevet d'interdire les importations parallèles de biens brevetés qui ont lieu contre sa volonté.
Pour la gauche, les importations parallèles apporteraient des avantages importants pour l'économie, le tourisme et l'agriculture.
Le Conseil fédéral devra présenter un projet sur le sujet d'ici fin 2007. Comme sa commission, la majorité a préféré découpler la réforme touchant à la biotechnologie des importations parallèles pour ne pas faire capoter la révision de la loi.