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Réchauffement: une réalité pour 1000 ans

Climat, Mühlemann et Hingis
Les émissions de CO2 vont influencer très longtemps le climat
La communauté scientifique a lancé vendredi un avertissement sans précédent sur l'ampleur du changement climatique en insistant sur la responsabilité humaine dans le réchauffement de la planète.

Dans son très attendu rapport final publié vendredi, le Groupe
d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec)
prévoit que les émissions de CO2 contribueront au réchauffement
climatique "pendant plus d'un millénaire". Les températures
devraient augmenter de 1,8 à 4 degrés d'ici 2100, précise-t-il.

Les experts mondiaux réunis à Paris ont renforcé leur conviction
que l'homme est responsable de «l'essentiel de l'accroissement
observé sur la température moyenne globale depuis le milieu du 20e
siècle». Les experts du Giec affectent à cet impact humain sur le
climat une certitude de 90%.



Jamais cette certitude n'avait été aussi forte depuis la création
en 1988 par l'ONU de ce vaste réseau d'expertise mondiale. Sont
ainsi directement mis en cause les gaz à effet de serre (dont le
dioxyde de carbone, CO2, est le principal) envoyés dans
l'atmosphère par les sociétés énergivores en pétrole, gaz et
charbon depuis le début de l'ère industrielle.

Une alerte qui fait frissonner le monde

"Le réchauffement est désormais sans équivoque: tout ce qui
bouge autour de nous en témoigne", renchérit le climatologue
français Jean Jouzel.



L'alerte a sonné dans les capitales qui, de Bruxelles, à Londres
ou Berlin, ont appelé à une renégociation urgente des accords
internationaux (voir ci-contre), alors que la
communauté internationale doit décider de l'avenir du protocole de
Kyoto de lutte contre l'effet de serre.

Six scénarios

Fruit des études croisées de plusieurs milliers de
scientifiques, le pronostic livré aboutit à une perspective de +1,8
à +4°C d'ici la fin du siècle par rapport à la période 1980-1999,
une "meilleure estimation" parmi six scénarios envisagés, du plus
vertueux au plus débridé.



Ces valeurs sont donc des moyennes, prudemment adoptées par
consensus entre les représentants des Etats, qui n'excluent pas un
emballement jusqu'à 6,4 degrés dans le pire des cas et peut-être
même deux fois plus aux pôles. La température moyenne de la Terre
s'établit actuellement autour de 14°C, 14,54°C pour 2007 selon les
chiffres de la météo britannique.

Montée des eaux

Combien de temps
reste-t-il avant d'agir? "Trois heures!"

Hervé
Le Treut, climatologue, à un journaliste

Outre
la hausse du thermomètre, celle du niveau des océans pourrait
atteindre près de 60 cm, tandis que les experts jugent "très
probable" que chaleurs extrêmes, vagues de chaleur et épisodes de
fortes précipitations "continuent de devenir plus fréquents".



Or, "40 cm en plus à la surface des océans, ce sont 20 millions de
personnes obligées de fuir leur lieu de vie", insiste Jean Jouzel,
qui rappelle que le changement climatique n'affectera pas les
seules "générations futures, mais les enfants qui sont en
maternelle et même en primaire". Ces dérèglements sont d'autant
plus préoccupants, insiste le rapport, qu'ils resteront
inéluctables "pendant plus d'un millénaire".

Action urgente

"L'essentiel est désormais que les conclusions des scientifiques
se traduisent en débat politique réel", insiste le climatologue du
CNRS Hervé Le Treut.



L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a fait valoir qu'au
rythme des politiques actuelles, les émissions mondiales de gaz à
effet de serre allaient encore "augmenter de 50% d'ici 2030 et plus
que doubler d'ici 2050". Mais "si nous agissons maintenant, ce
modèle de développement non durable et dangereux peut être
modifié", ajoute-t-elle.



agences/sun/het

LE GIEC, VASTE EXPERTISE INTERNATIONALE

Le Giec constitue la plus vaste
expertise internationale possible sur le sujet. Il a été créé en
1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme
pour l'environnement des Nations unies (Pnue) à la demande du G7
(le groupe des sept pays les plus industrialisés).



Son rôle est d'expertiser et de synthétiser les travaux de
recherche effectués sur le climat dans les laboratoires du monde
entier. Il fonctionne comme une courroie de transmission entre les
scientifiques et les décideurs politiques.



Le Giec est organisé en trois groupes de travail: le premier
chargé d'évaluer les aspects scientifiques du phénomène, le second
les conséquences du changement climatique et les possibilités
d'adaptation et le troisième, les solutions pour limiter les
émissions de gaz à effet de serre.



Le groupe de travail I, auquel participent un millier de
scientifiques du monde entier, vient de publier vendredi son
"résumé à l'intention des décideurs". Les deux autres groupes se
réuniront respectivement à Bruxelles en avril, et à Bangkok en mai,
avant l'adoption finale du 4e rapport d'évaluation du Giec en
novembre à Valence (Espagne).

Une machine bien huilée

Le Giec a déjà publié trois rapports, en 1990, 1995 et 2001,
confirmant le rôle de l'homme dans le réchauffement constaté au XXe
siècle. Le dernier rapport, en 2001, tablait sur une hausse de
température de 1,4 à 5,8 degrés d'ici à 2100, selon les scénarios.
Chaque groupe de travail est chargé de compiler l'ensemble des
travaux déjà effectués dans son domaine.



A partir de ces milliers d'articles, les chercheurs produisent
leur rapport de mille pages environ, un résumé scientifique d'une
cinquantaine de pages et un "résumé pour les décideurs" (25 pages
dans l'édition 2007).

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Greenpeace et WWF veulent de l'action

Le rapport du Giec qui prévoit une augmentation des températures jusqu'à 4 degrés et de graves dérèglements climatiques constitue «une sirène d'alarme», estime vendredi Greenpeace.

«La bonne nouvelle est que notre compréhension du système climatique et de l'impact humain à son encontre s'est énormément améliorée.

La mauvaise nouvelle, c'est que plus on en sait, plus notre futur apparait dangereux», poursuit Greenpeace.

De son côté, le WWF exhorte les Etats à agir vite pour maintenir les températures moyennes en-deçà du «niveau dangereux» d'une hausse de deux degrés par rapport à l'ère pré-industrielle.

Le monde politique réagit

En France, Jacques Chirac a appelé vendredi à une "révolution" des consciences, de l'économie et de l'action politique pour sauver la planète. "Le jour approche où l'emballement climatique échappera à tout contrôle: nous sommes au seuil de l'irréversible", a averti le président français. "Face à l'urgence, le temps n'est plus aux demi-mesures: le temps est à la révolution. La révolution des consciences. La révolution de l'économie. La révolution de l'action politique".

Aux Etats-Unis,George W.Bush a entériné vendredi sans réserve les conclusions du rapport du groupe d'experts, dont celle attribuant largement ce phénomène au facteur humain

Pour l'ONU, les pays industrialisés doivent d'urgence adopter un "nouvel accord de réduction des émissions (de gaz à effet de serre) pour convaincre les pays en développement de limiter les leurs", a estimé vendredi le responsable de la lutte contre le réchauffement, Yvo de Boer.

L'avis est partagé en Europe, où le commissaire à l'environnement Stavros Dimas a jugé «urgent» de négocier un nouvel accord international pour succéder au protocole de Kyoto après 2012. Faute d'accord, les 27 devraient prendre des mesures unilatérales, selon lui.

En Allemagne, la ministre de la Recherche Annette Schavan a estimé que le monde avait besoin d'une "mutation technologique intelligente" pour faire face au réchauffement climatique.

Londres a réclamé en urgence un débat international pour agir. Selon la ministre britannique des Affaires étrangères Margaret Beckett, le rapport du Giec "confirme que le changement climatique est pire et plus urgent (à traiter) qu'il n'avait été précédemment estimé".

En Suisse, les partis, à l'exception de l'UDC, s'inquiètent de la situation, tout comme Moritz Leuenberger.