Nicolas Sarkozy avait promis la "rupture" avec les années
Chirac. Depuis son installation le 16 mai à l'Elysée, le nouveau
président a fait souffler un vent nouveau: mise en scène à la
Kennedy de sa famille lors de la cérémonie d'investiture, joggings
avec son Premier ministre, nomination d'un gouvernement d'ouverture
comptant cinq personnalités de gauche, interview présidentielle du
14-Juillet remplacée par un concert de Michel Polnareff, luxueuses
vacances à Malte et aux Etats-Unis financées par des amis
fortunés...
Un «hyperprésident»
Surtout, c'est désormais le président qui gouverne, reléguant
son Premier ministre François Fillon au rôle de coordinateur du
gouvernement et ses ministres à celui de figurants.
L'"hyperprésident" s'occupe de tout et ne laisse à personne d'autre
le soin d'annoncer les décisions, comme cette semaine sur les
délinquants sexuels.
Les premières mesures sont prises à un train d'enfer. Le Parlement
réuni cet été en session extraordinaire a voté les lois sur le
paquet fiscal, le service minimum dans les transports, l'autonomie
des universités et les peines plancher pour les
multirécidivistes.
Nicolas Sarkozy n'a néanmoins pas tenu toutes ses promesses: un
fonctionnaire sur trois, et non un sur deux, ne sera pas remplacé
dans le budget 2008, et la portée de la défiscalisation des
intérêts d'emprunts immobiliers a été limitée par la censure du
Conseil constitutionnel.
Premiers succès internationaux
Les législatives ont donné au président une majorité pour mettre
en oeuvre son projet, même si elle est moins large que prévu. Sonné
par sa défaite et piégé par l'ouverture, le Parti socialiste est
largement inaudible.
Nicolas Sarkozy a aussi enregistré ses premiers succès sur la
scène internationale. Le 23 juin à Bruxelles, les chefs d'Etat et
de gouvernement européens se sont mis d'accord sur les grandes
lignes du traité simplifié qu'il préconisait pour remplacer le
projet de Constitution.
Secondé par son épouse Cécilia, le président français a arraché un
mois plus tard au colonel Kadhafi la libération des infirmières
bulgares, non sans poser de questions sur les contreparties
offertes au régime libyen. Les relations avec les Etats-Unis sont
désormais apaisées.
Mauvaises nouvelles à la pelle
Nicolas Sarkozy pourrait toutefois avoir mangé son pain blanc.
Car les mauvaises nouvelles s'accumulent sur le front économique.
La crise boursière, la croissance plus faible que prévu, la hausse
des prix du blé et du lait risquent de peser sur le moral des
Français et de réduire les marges de manoeuvre, déjà grevées par
les lourds déficits de l'Etat et de la Sécurité sociale et les
quelque 10 milliards d'euros de réductions d'impôts.
L'hôte de l'Elysée va aussi être confronté dans les prochains mois
à des dossiers explosifs, comme la deuxième réforme des retraites
prévue pour 2008 ou le contrat de travail unique et la réduction
des déficits pour tenir l'engagement pris auprès de Bruxelles de
rééquilibrer les comptes en 2012.
Mesures impopulaires à venir
"Il va devoir assumer des mesures économiques et sociales
impopulaires devant des Français qui ont des problèmes de pouvoir
d'achat", pronostique le politologue Dominique Reynié, professeur à
Sciences-Po, en pointant le risque d'une "grogne
généralisée".
En cas de crise, le président sera seul en première ligne.
"Confronté à un revers important, il n'aura pas la possibilité
d'utiliser un changement de Premier ministre pour impulser une
nouvelle politique", conclut Dominique Reynié.
ap/ats/tac
Fin de l'état de grâce?
La politique «d'ouverture» à gauche, symbolisée par la nomination comme ministre des Affaires étrangères du socialiste Bernard Kouchner, très populaire, continue de séduire et Nicolas Sarkozy a promis de la poursuivre.
Quelque 65% des Français ont une opinion positive du président, selon un sondage LH2 publié mercredi dans "Libération".
Le Parti socialiste (PS), fortement divisé depuis la défaite de Ségolène Royal, voit pourtant se profiler les signes d'une fin de «l'état de grâce» pour un président ayant réduit ses ministres au rôle de figurant et qui se retrouvera exposé si l'opinion se retourne.
Le chef du PS François Hollande a dénoncé la méthode du «fracas» et du «coup d'éclat permanent» de Nicolas Sarkozy. Il a fustigé une politique économique et fiscale dont les Français, prédit-il, vont devoir payer la «facture» peut-être dès la rentrée.
«L'"hyperprésident" en fait trop», a estimé de son côté le quotidien Le Monde. «Je suis payé pour décider, je décide», a rétorqué le pensionnaire de l'Elysée dans un entretien à la presse régionale diffusé mercredi.
«Vous me dites que l'état de grâce ne durera pas, mais vous le dites depuis cinq ans», a-t-il ajouté faisant allusion à son entrée au gouvernement comme ministre de l'Intérieur en 2002.
En ligne de mire: les municipales de 08
Politiquement, les municipales de mars 2008 s'annoncent comme un premier test pour Nicolas Sarkozy. Le président conserve cependant des atouts importants: sa popularité, son extrême réactivité et son sens inné de la communication, et la faiblesse de l'opposition. De quoi surmonter les premières tempêtes.