Invité vendredi à la Fondation Jean Monnet pour l'Europe à
Lausanne, Jean-Claude Trichet a défendu l'indépendance de la BCE
vis-à-vis des pressions de toutes sortes (regardez son interview
ci-dessous), précisant que la grande majorité des Européens étaient
derrière la BCE.
Jeudi, le président français a poursuivi ses critiques contre la
BCE, appelant implicitement la Banque centrale à imiter la Réserve
fédérale américaine et à baisser ses taux directeurs, qui
déterminent le niveau du crédit dans les treize pays de la zone
euro, afin de donner un coup de pouce à l'économie.
Pour Jean-Claude Trichet, l'Europe a tout a gagner de la stabilité
des prix, gage de croissance et de création d'emplois à
l'avenir.
L'euro au plus haut
L'euro bat record sur record et a franchi le seuil de 1,41
dollar pour la première fois de son histoire vendredi matin, une
vigueur qui reflète la faiblesse du billet vert. Un euro fort
désavantage toutefois les exportateurs de la zone euro en général
et français en particulier.
Même l'industrie allemande, devenue très compétitive au prix de
douloureuses restructurations dans le passé, commence aussi à
s'inquiéter. Pour Nicolas Sarkozy, la BCE a contribué à la force de
l'euro en remontant ses taux directeurs à huit reprises depuis
décembre 2005.
De 2%, le principal taux est désormais à 4%. Sans aller suggérer
une baisse de taux, le chef du gouvernement espagnol José Luis
Rodriguez Zapatero a conseillé vendredi à l'institut de s'arrêter
là.
Début septembre, la BCE avait renoncé à remonter son principal
taux comme elle l'envisageait avant le déclenchement de la crise.
Mais ce n'est que partie remise étant donné les risques de dérapage
des prix liés notamment au pétrole cher, avait-elle prévenu.
Indépendance défendue
Pour la BCE, les critiques de Sarkozy sont autant de tentatives
voilées d'entamer ses prérogatives. Or l'indépendance est une
condition sine qua non de la crédibilité de la banque centrale, qui
doit composer avec une zone euro où l'intégration économique reste
insuffisante et où les intérêts nationaux prennent souvent le
dessus.
Jean-Claude Trichet possède un allié de poids avec l'Allemagne, et
depuis le lancement des critiques de la France, les autres
partenaires européens sont restés unis derrière la Banque centrale.
La chancelière Angela Merkel a répété le soutien allemand jeudi
soir : "L'ensemble du gouvernement et moi-même sommes attachés à
l'indépendance de la BCE", et la défendrons contre des tentatives
de remise en cause.
agences/boi
Bref portrait de Jean-Claude Trichet
Jean-Claude Trichet est né le 20 décembre 1942 à Lyon.
Il est président de la Banque centrale européenne depuis 2003, quand il a succédé au premier président de l'Institution, Wim Duisenberg.
C'est un habitué des pressions politiques et notamment de celles des pouvoirs politiques français.
Jadis surnommé "l'Ayatollah du franc fort" dans l'Hexagone, Jean-Claude Trichet a tenu tête aux responsables politique de tout bord, de Jacques Chirac à Lionel Jospin.
Jean-Claude Trichet n'a récemment pas caché son irritation face aux salves répétées du président Sarkozy.
Débat à Lausanne
Jean-Claude Trichet a participé à un débat organisé par la Fondation Jean Monnet pour l'Europe à Lausanne en compagnie du président de la BNS Jean-Pierre Roth. La discussion avait pour thème "L'euro, un succès inachevé?"
La Fondation a été créée en 1978 par l'un des pères de l'Europe, Jean Monnet, qui lui a remis toutes ses archives. D'autres documents des fondateurs, notamment Robert Schumann, ont aussi été ajoutés.
La Fondation a pour mission d'organiser cette mémoire européenne écrite et audiovisuelle pour la rendre accessible à tout un chacun.
En plus de ses activités scientifiques et de publication, elle organise notamment des rencontres sur des thèmes européens entre des personnalités suisses et européennes de la pensée, de la politique et de la pratique.