Le défilé s'est déroulé sous les applaudissements de milliers de
personnes. Ces rassemblements se sont déroulés sous la pluie et,
comme les deux jours précédents, de nombreux agents en civil ont
surveillé les manifestants sans intervenir.
Au moins trois marches, ponctuées par des prières dans des
pagodes, ont été signalées à travers la plus grande ville de
Birmanie, pays gouverné par des juntes successives depuis 45
ans.
Gens ordinaires aussi
Les manifestations religieuses de jeudi, auxquelles se sont
joints de nombreux badauds et étudiants, ont marqué une escalade de
la pression sur le régime militaire, confronté depuis plus d'un
mois à une vague de mécontentement liée à une brusque augmentation
des prix.
Un diplomate occidental a souligné le nombre croissant de gens
ordinaires désormais ouvertement derrière les moines. Il a parlé de
plusieurs milliers de personnes pour la journée de jeudi. Le plus
grand rassemblement a eu lieu à la pagode Sule, dans le centre de
Rangoun. Quelque 600 moines ont prié après avoir marché à travers
la ville. A l'extérieur, quelque 2000 personnes ont aussi récité
des prières et applaudi les bonzes.
En outre, des centaines de jeunes, principalement des étudiants,
ont formé une chaîne humaine. Auparavant, ce groupe de 600 moines
s'était rendu à la célèbre Pagode Shwedagon, complexe de temples,
où les autorités les ont laissés pour la première fois entrer.
Devant le siège du LND
Plus tôt, ils avaient défilé dans Rangoun et étaient passés
devant le siège de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de
l'opposante Aung San Suu Kyi, assignée à résidence depuis 2003. Des
militants de la LND étaient sortis pour saluer les moines.
Un autre groupe comprenant quelque 400 moines s'est également
rendu séparément à la Pagode Shwedagon. Un troisième défilé auquel
participaient quelque 350 bonzes a enfin été signalé dans le sud de
Rangoun.
«Nous continuerons à manifester jusqu'à ce que nous obtenions la
liberté», a déclaré jeudi un homme se présentant comme un porte
parole de «L'Alliance de tous les moines bouddhistes», signalant
par là-même que la mobilisation entamée (voir
ci-contre) pourrait prendre de l'ampleur. Ou finir dans le
sang.
agences/het
Début de mobilisation
Outre ces marches, des moines - en nombre indéterminé - ont commencé à refuser les aumônes de militaires, action extrêmement puissante dans un pays profondément bouddhiste où les deux principales institutions sont l'armée et le clergé.
L'implication croissante des moines dans le mouvement de protestation sociale qui a éclaté le mois dernier après une hausse drastique des prix du carburant est un signe de renforcement de la protestation, estiment les observateurs.
«C'est le début de mobilisations populaires contre la junte», affirme Aung Thu Nyein, analyste birman exilé en Thaïlande. «Pour les Birmans, les bonzes sont comme des parents et des enseignants. S'ils continuent à agir, davantage de personnes se joindront à eux parce qu'elles les respectent».
Selon Win Min, autre analyste birman exilé en Thaïlande, le boycottage des aumônes est significatif au plan religieux. «Si des moines refusent vos aumônes, cela veut dire que vous allez souffrir». «Si ça prend de l'ampleur, il y a des risques de dérapage», a estimé pour sa part un diplomate occidental.
En 1988 déjà, les congrégations religieuses bouddhistes avaient mené la fronde contre le régime de Rangoon. L'armée avait réprimé les moines, tuant près de 3000 personnes.