Le défilé de l'UDC a vite tourné court, bloqué par des
barricades d'opposants. Policiers et autonomes de gauche se sont
affrontés en vieille ville. La police municipale de Berne a indiqué
que 42 personnes ont été interpellées au cours de la journée.
Dix-sept policiers et trois manifestants ont été blessés.
Le rendez-vous de l'UDC était sous haute tension après l'annonce
d'une contre-manifestation par un comité issu en majorité de la
gauche alternative.
Emmenés par la mascotte de l'UDC, le bouc Zottel, entre 7000 et
10'000 membres et sympathisants du parti se sont rassemblés en
milieu de journée vers la Fosse aux Ours avec force drapeaux rouges
à croix blanche. Ils comptaient rallier la Place fédérale en
passant par la vieille ville.
Repli à la Fosse aux Ours
Dans le même temps, une centaine d'opposants s'est placée sur le
passage du cortège, à l'entrée de la vieille ville, érigeant des
barricades pour l'empêcher de passer. Peu avant 14h, la police
anti-émeute a donné l'assaut, soutenue par les "Hopp Schwiiz" des
partisans de l'UDC.
Les opposants ont tenté de répliquer avec des jets de bouteilles.
Après avoir envisagé de changer d'itinéraire et de longer l'Aar
pour gagner la Place fédérale, la manifestation a finalement choisi
de regagner la Fosse aux Ours, près de laquelle se sont finalement
tenus les discours du président du parti Ueli Maurer et du
conseiller fédéral Christoph Blocher.
"Inquiétant", dit U.Maurer
Certains milieux ont tenté par tous les moyens d'empêcher le
plus grand parti de Suisse de manifester pacifiquement, a déclaré
Ueli Maurer devant ses partisans. "C'est inquiétant", a-t-il
ajouté, appelant à faire payer la facture en votant UDC le 21
octobre. "Ce jour restera dans l'histoire", a pour sa part déclaré
Christoph Blocher. Des vandales ont empêché le premier parti de
Suisse de se réunir sur la Place fédérale, a-t-il tonné à la
tribune.
Attendu sur la Place fédérale, le conseiller fédéral Samuel Schmid
n'a pu rejoindre la manifestation, devant laquelle il devait
s'exprimer. Louant l'engagement de la police, le Bernois a condamné
ces violences, qui ne correspondent pas à sa conception
démocratique de la Suisse, a-t-il dit.
Dégâts à la Place fédérale
Dans l'après-midi, une confrontation entre une centaine
militants de droite et des manifestants de la mouvance autonome de
gauche a été évitée. Le service d'ordre de l'UDC et des conseillers
nationaux du parti ont réussi à empêcher des jeunes issus de leurs
rangs de marcher vers le centre.
Dans toute la vieille ville, des échauffourées ont opposé la
police aux manifestants de la mouvance autonome de gauche jusque
tard dans l'après-midi. Sur la Place fédérale, tous les stands UDC
ont été détruits et des voitures ont été endommagées. Les dégâts
sont importants.
La contre-manifestation organisée sans autorisation sur la place
de la cathédrale à Berne contre le rassemblement électoral de l'UDC
s'est en revanche déroulée dans le calme. Près de 3000 personnes se
sont réunies pour protester contre le racisme et la campagne
électorale xénophobe de l'UDC, sous étroite surveillance
policière.
agences/boi/het
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L'UDC SORT GAGNANT
Bien qu'elle ait été empêchée samedi de faire son défilé dans la
ville de Berne, l'UDC en retire un certain succès, estime le
politologue bernois Georg Lutz. A ses yeux, le parti agrarien "sort
gagnant de ce jeu".
L'extrême gauche a servi la cause de l'UDC en vue des prochaines
élections. Le parti de droite "se pose maintenant en victime". Et
cela pourrait inciter les électeurs à lui être solidaires, explique
Georg Lutz.
Par leurs actes, les contre-manifestants
ont par ailleurs attiré l'attention des médias, poursuit le
politologue. Si la manifestation de l'UDC s'était déroulée sans
heurt sous la forme d'un "défilé avec Christoph Blocher et Zottel",
seules dix lignes auraient été consacrées à l'événement. Mais les
excès qui s'y sont produits vont faire les manchettes des journaux
pendant plusieurs jours, souligne-t-il.
L'extrême gauche aussi
Pour George Lutz, l'UDC ne sera pas la seule à sortir gagnante
de ce jeu. Cela servira également l'extrême gauche "qui ne pense
pas de manière électorale et qui pourra revendiquer d'avoir empêché
le défilé du parti". Les perdants du jour sont dans le camp de la
gauche modérée, considère-t-il.
S'il affirme que les événements de samedi pourraient faire gagner
des voix à l'UDC, le politologue reste cependant prudent dans ses
pronostics concernant le 21 octobre. Selon lui, ils n'auront pas
"une très grande" influence sur les résultats des prochaines
élections.
Réactions et condamnations
Le PS a condamné fermement les violences "inadmissibles" commises à Berne et en particulier les destructions auxquelles se sont livrés les casseurs sur la place fédérale.
Certes le parti se bat pour une vision politique "diamétralement opposée" à celle prônée par l'UDC mais il n'empêche que les droits fondamentaux comme la liberté d'expression et de réunion sont valables pour tous.
La Jeunesse socialiste suisse, qui avait appelé au rassemblement anti-UDC, s'est aussi distanciée de la violence dans un communiqué.
Le maire socialiste de Berne Alexander Tschäppät a lui "fermement" condamné les excès de violence. En Suisse, la liberté d'expression est valable pour tous, a-t-il déclaré.
"Ce droit fondamental est un pilier de la démocratie que nous ne pouvons laisser détruire par n'importe quels groupements, quel que soit leur camp", a expliqué le maire socialiste.
Au sujet des violences, Alexander Tschäppät se dit "en colère". Mais il ressent en même temps, une certaine "impuissance".
Dans un communiqué, l'UDC a aussi vivement réagi: ce qui s'est déroulé samedi après-midi dans la capitale est une honte, estime le parti.
Un défilé pacifiste était prévu. Des agitateurs de gauche et des Verts ont cependant frontalement attaqué la police et les participants à la manifestation. Ils ont empêché une fête populaire, regrette l'UDC.
Et le parti de réclamer d'urgence de rectifier le tir politiquement et d'exiger plus de sécurité.
Pour sa part, la police bernoise a estimé que son objectif minimal avait été atteint samedi, soit d'éviter toute confrontation entre les deux camps.
Elle reconnaît toutefois avoir été dépassée par des activistes très violents et très mobiles, au nombre d'environ 500.
Selon les conseillers nationaux UDC Toni Brunner et Ulrich Schlüer la police et la ville de Berne ont failli en ne parvenant pas à permettre la manifestion de leur parti.
Maigre manif à Genève
A Genève, une vingtaine de manifestants anti-UDC ont défilé samedi sous le signe de l'ironie. Le cortège a déambulé calmement en scandant des slogans au deuxième degré tels que "non aux dealers, oui aux dictateurs".
La manifestation, autorisée par la police, était organisée par un collectif de citoyens "apolitiques".
Convoquée vendredi seulement par quelques socialistes et des membres d'organisations de "secondos" et d'étrangers, une autre manifestation anti-UDC n'a réuni qu'une douzaine de personnes samedi matin à Zurich. Les participants ont plaidé sur la Bahnhofstrasse pour une Suisse ouverte et tolérante.