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Benazir Bhutto tuée dans un attentat

Après Benazir Bhutto, le chaos, estiment Le Temps et 24 heures
Le cercueil de Benazir Bhutto transporté par des sympathisants
L'ex-Premier ministre pakistanaise et leader de l'opposition Benazir Bhutto a été tuée jeudi dans un attentat suicide alors qu'elle quittait un meeting électoral dans la banlieue d'Islamabad. Des émeutes font au moins 10 morts.

Benazir Bhutto, considérée comme un symbole au Pakistan, est décédée dans un hôpital
de Rawalpindi, sans que l'on ait encore pu déterminer si elle a
succombé à sa blessure par balle ou des suites de l'explosion. Plus
tard, sa dépouille a été transportée vers une base militaire, d'où
elle devait partir pour le village familial de Larkana (sud).



En plus de Benazir Bhutto, au moins 20 personnes ont été tuées et
56 blessées, selon le ministère pakistanais de l'Intérieur.

Sous la menace

L'opposante avait déjà été visée le 18 octobre, lors de son
retour au Pakistan après huit ans d'exil. Deux kamikazes avaient
tué 139 personnes à Karachi (sud). Benazir Bhutto avait réchappé de
ce double attentat. Elle avait accusé de «hauts responsables»
proches du pouvoir d'être à l'origine de cette attaque, sans jamais
le prouver.



L'autre figure de l'opposition, l'ex-Premier ministre Nawaz
Sharif, a promis jeudi de reprendre le flambeau et de «mener leur
guerre» contre le pouvoir actuel. Il a annoncé que son parti
boycottera les législatives du 8 janvier au Pakistan et exhorté le
président Musharraf à démissionner sur le champ pour «sauver le
Pakistan». Il a enfin appelé à une grève nationale pour
vendredi.

Trois jours de deuil national

A l'annonce de la mort de Benazir
Bhutto, les capitales du monde entier ont condamné l'attentat
(

voir ci-contre

).



Pervez Musharraf, qui a immédiatement convoqué une réunion
d'urgence du gouvernement et des autorités militaires, a lui appelé
ses concitoyens à maintenir la «paix» dans le pays pour «que les
desseins diaboliques des terroristes soient mis en échec». Il a
décrété trois jours de deuil national.

Au moins 10 morts

Les forces de sécurité pakistanaises ont été placées en «état
d'alerte rouge», a indiqué le ministère de l'Intérieur. De
violentes émeutes ont éclaté jeudi soir dans le pays après
l'annonce de l'assassinat de Benazir Bhutto. Au moins dix personnes
ont été tuées, selon le ministère.



A deux semaines des élections législatives fixées au 8 janvier et
un peu plus de deux mois après le retour d'exil de l'ancien Premier
ministre, sa mort menace de jeter le pays dans le chaos.



Des partisans de Benazir Bhutto, sur les lieux du drame, ont hurlé
des "Assassin! Assassin Musharraf!". Certains ont cassé des vitres
tandis que d'autres éclataient en larmes ou se frappaient la
poitrine. Dehors, des sympathisants du PPP ont brûlé des affiches
électorales de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-Q) au pouvoir et
attaqué la police, qui a pris la fuite. Rawalpindi, située en
banlieue de la capitale Islamabad, abrite le siège du pouvoir
militaire pakistanais.

Violence dans tout le pays

Des violences ont également éclaté dans
d'autres villes, notamment à Lahore (est), Multan (centre),
Peshawar (nord-ouest) et Karachi (sud). Dans cette ville, la foule
commençait à brûler des pneus, incendier des véhicules ou une
station-service. Deux policiers ont été blessés par balles. A 190km
au nord de là, à Tando Allahyar, un homme a été tué dans une
fusillade entre la police et des manifestants. A Tando Jam, des
manifestants ont mis le feu à un train.



Un peu partout, des banques, magasins d'Etat et commerces privés
et même des locaux de la PML-Q ont brûlé, selon les médias locaux.
Le ministère de l'Intérieur de la province méridionale de Sindh,
Akhtar Zamin, a déclaré que l'armée pourrait être déployée.

Voix de l'opposition

Celle qui fut la première femme à diriger un pays musulman, à
l'âge de 35 ans, dirigeait le principal parti de l'opposition au
président Pervez Musharraf, le PPP, depuis qu'elle lui avait tourné
le dos, début novembre.



Dans un premier temps, elle avait négocié avec le président un
accord de partage du pouvoir qui lui avait permis de rentrer d'exil
grâce à une amnistie mettant fin à des poursuites pour corruption
du temps où elle dirigeait le pays (1988-1990 et 1993-1996).



Mais le général Musharraf avait décidé d'instaurer l'état
d'urgence le 3 novembre, invoquant notamment la menace terroriste
islamiste. S'opposant à cette décision, Benazir Bhutto avait
renoncé à s'allier au chef de l'Etat en vue des élections
législatives et provinciales du 8 janvier.



Benazir Bhutto menait campagne contre le général mais surtout
contre les fondamentalistes musulmans, promettant d'Ȏliminer la
menace islamiste» du pays.



agences/tac

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Condamnations dans le monde entier

Le président américain George W. Bush , qui a appelé son homologue Pervez Musharraf, a condamné ce "lâche" assassinat "perpétré par des extrémistes assoiffés de sang qui essayent de miner la démocratie au Pakistan". Il a appelé les Pakistanais à poursuivre le processus démocratique.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est déclaré "choqué et scandalisé" par ce "crime odieux" et le Conseil de sécurité de l'ONU a "condamné l'attentat dans les termes les plus forts" dans une déclaration adoptée à l'unanimité.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a condamné une "attaque contre la démocratie et contre le Pakistan".

La Suisse a également condamné un «acte qui met à mal le fragile processus démocratique».

Le président russe Vladimir Poutine a qualifié l'attentat d'"acte terroriste barbare" et souhaité que les responsables soient "châtiés".

La Chine est "choquée par l'assassinat au Pakistan du chef de file de l'opposition Benazir Bhutto et condamne fermement cette attaque terroriste", a indiqué le ministère des Affaires étrangères.

Grand voisin et rival du Pakistan, l'Inde a qualifié d'"acte abominable" l'assassinat de Benazir Bhutto.

Le président afghan Hamid Karzaï a condamné "de la façon la plus vigoureuse cet acte de lâcheté d'une immense brutalité".

A Londres, le Premier ministre britannique Gordon Brown a estimé que Benazir Bhutto avait été "assassinée par des lâches qui ont peur de la démocratie".

Le président français Nicolas Sarkozy a condamné l'attentat, qu'il a qualifié d'"acte odieux".

La chancelière allemande Angela Merkel, "bouleversée et horrifiée par la nouvelle", a condamné un "attentat terroriste lâche".

A Rome, le chef du gouvernement italien Romano Prodi a condamné "avec indignation (...) le fanatisme" qui a coûté la vie à Benazir Bhutto, appelant à "ne pas interrompre le difficile chemin vers la paix".

Le Vatican a qualifié l'attentat de "tragique et terrible", selon le porte-parole du Vatican, le père Frederico Lombardi.

De nombreux pays et organisations arabes et musulmans ont condamné l'attentat que la Ligue arabe a qualifié de "crime terroriste".

Année 2007 meurtrière

L'année 2007 a connu un record absolu du nombre d'attentats. Avec celui de vendredi, plus de 780 personnes ont été tuées cette année à travers le pays, quasi-exclusivement par des kamikazes.

Les USA, dont le Pakistan de Pervez Musharraf est l'allié-clé dans leur "guerre contre le terrorisme", estiment qu'Al-Qaïda et les talibans afghans, épaulés par des militants locaux, ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest, d'où ils menacent de nouveau les USA.

Après le siège puis l'assaut de la Mosquée rouge d'Islamabad début juillet, dans lequel une centaine de fondamentalistes lourdement armés ont été tués, Oussama ben Laden lui-même avait déclaré le djihad, la "guerre sainte", à Pervez Musharraf et son régime, pour venger ces "martyrs".