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Les enjeux de l'élection du Conseil fédéral

Le politologue Pascal Sciarini livre son regard sur le vote
Le politologue Pascal Sciarini livre son regard sur le vote
Le 12 décembre, les Chambres fédérales nouvellement élues éliront les sept membres du Conseil fédéral. Le politologue Pascal Sciarini estime que l'instabilité s'est enracinée dans la composition du gouvernement.

La composition du gouvernement a été au centre de la campagne
qui a précédé les élections fédérales d'octobre. Même si les
esprits se sont calmés depuis, les enjeux qui entourent cette
élection restent majeurs pour l'avenir de la politique suisse. Le
professeur Pascal Sciarini, directeur du Département de Science
politique de l'Université de Genève, livre ses impressions.

Doit-on s'attendre à des surprises pour cette élection du
12 décembre?





Pascal Sciarini:
Non, je ne pense pas. On a beaucoup
parlé de la composition du Conseil fédéral durant la campagne avant
les élections. Mais au soir des résultats, l'hypothèse d'une
non-réélection de Christoph Blocher est devenue encore moins
plausible qu'avant. Ce serait aller contre la volonté populaire. En
fait, on parle surtout du 7e siège. Et ce 7e siège, c'est soit
celui de Christoph Blocher, soit un siège pour les Verts.



Justement, à propos des Verts, leur candidature
a-t-elle une chance?




Présenter un candidat est cohérent avec la position des Verts. Le
parti a orienté sa campagne contre Christoph Blocher. Mais son
candidat Luc Recordon n'a aucune chance, d'autant qu'il est romand.
Les Verts auraient plus de chances s'ils visaient non pas le siège
de Blocher, mais celui de l'un des radicaux. D'un point de vue
strictement arithmétique, cela aurait été un scénario plus
crédible. Au final, les Verts ont seulement 5% de voix de moins que
le PRD, qui lui a deux sièges au gouvernement.



Verra-t-on un Vert siéger au gouvernement? Et si oui,
quand?




Je pense que la stratégie des Verts est bonne. Avec leur
candidature, ils obtiennent une visibilité. Et c'est un galop
d'essai. Peut-être pour dans deux ans, au moment de la démission de
Pascal Couchepin. Ou dans quatre ans, qui sait?

Actuellement, on se
contente de "gestion gouvernementale"

Pascal
Sciarini

On a aussi beaucoup parlé
d'un deuxième fauteuil pour le PDC..
.



Oui, et je suis assez étonné que les démocrates-chrétiens aient
renoncé. Le PDC s'est stabilisé aux élections et il est plus fort
que le PRD en terme de groupe parlementaire. Les
démocrates-chrétiens ont bien progressé dans les milieux urbains.
Le degré de "nationalisation" du parti a augmenté. Si le PRD a deux
sièges, pourquoi pas le PDC?



Pourquoi avoir renoncé, alors?



Le PDC a dit ne pas vouloir mettre en péril le bloc bourgeois.
Mais on pourrait lui répondre qu'il y a quatre ans, le bloc
bourgeois en question ne s'est pas gêné pour destituer Ruth Metzler
et la remplacer par Christoph Blocher.



Vous semblez placer l'arithmétique au centre de la
composition du gouvernement et de cette
élection..
.



Oui, pour moi on a enterré définitivement la concordance politique
en 2003, puisque les partis ne sont plus capables de trouver un
compromis sur la plupart des dossiers. Donc la seule règle qu'il
reste pour la composition du Conseil fédéral, c'est la concordance
arithmétique. Il faudrait alors un peu plus de 14% pour obtenir un
siège. Le PDC avec un siège est justement représenté. En revanche,
les radicaux avec deux fauteuils sont largement surreprésentés. Les
Verts quant à eux, avec 10%, ne sont pas loin d'en mériter un.
Enfin, les socialistes ne sont pas loin d'être eux aussi bientôt en
surnombre par rapport à leur poids politique.



Pourrait-on voir la "formule magique" changer tous les
quatre ans
?



En tout cas, la formule magique immuable, c'est fini. Pour moi, il
y a deux scénarios possibles. On peut imaginer à l'avenir une
instabilité plus grande dans la composition du Conseil fédéral, qui
se jouerait surtout pour le 6e et le 7e siège. Le 2e scénario,
moins plausible mais que je défends tout de même, se base sur
l'idée que la concordance est morte et qu'il faut trouver un autre
système. Si on entre dans une phase de récession, on verra des
blocages forts apparaître entre les partis. Aujourd'hui, on fait de
la concordance à géométrie variable et on se contente de la
"gestion gouvernementale". Si un jour on veut gouverner vraiment,
il faudra peut-être revoir le système.



Vous parlez d'alternance?



Il y a d'autres possibilités que le système majorité-opposition.
On pourrait très bien imaginer une coalition au pouvoir regroupant
trois partis, et le 4e dans l'opposition. Les partis de
centre-droit seraient vraisemblablement toujours dans la coalition,
car ils font le lien entre les deux pôles.



Ce serait un changement énorme...



Oui, et il faut attendre de voir comment se passe cette
législature avant d'y songer. Mais pourquoi ne pas essayer? A
nouveau, on fait de la "gestion politique" dans ce pays. Au vu des
tensions qui existent entre partis, il est peut être temps de
changer de formule.



Swisstxt/Cécile Rais

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Mode d'emploi du scrutin

L'élection du Conseil fédéral suit une procédure très précise.

Les sièges sont pourvus un par un, par ordre d'ancienneté des titulaires précédents. Soit Moritz Leuenberger (PS), Pascal Couchepin (PRD), Samuel Schmid (UDC), Micheline Calmy-Rey (PS), Hans-Rudolf Merz (PRD), Christoph Blocher (UDC) et Doris Leuthard (PDC).

Aux deux premiers tours du scrutin, les députés peuvent voter pour les personnes éligibles de leur choix.

Dès le 3e tour, aucun nouveau candidat n'est accepté.

Toute personne qui obtient moins de dix voix au 2e tour est éliminée.

Au 3e tour, le candidat qui obtient le moins de suffrages est aussi éliminé.

A l'issue du vote, l'Assemblée choisit un président de la Confédération et un vice-président du Conseil fédéral.

Le coup de tonnerre de 2003

De 1959 à 2003, quatre partis se sont réparti les sièges au Conseil fédéral selon la formule magique: deux socialistes, deux radicaux, deux démocrates-chrétiens et un démocrate du centre.

Tous les ministres étaient alors régulièrement réélus par les Chambres au début de chaque législature.

Seul un mauvais score lors du vote pouvait être interprété comme un signal de mécontentement du Parlement.

Les élections de 1999 ont sonné le glas de cette formule magique, avec la progression sans précédent de l'UDC.

Le parti a cependant dû attendre de reconfirmer son score en 2003 pour obtenir un deuxième siège au gouvernement.

L'élection de Christoph Blocher et la non-réélection de Ruth Metzler (PDC) ont représenté un véritable coup de tonnerre dans la vie politique suisse.