Des milliards de dollars et d'euros ont été consacrés au
développement de l'éthanol ou des biodiesels, fabriqués à partir de
la canne à sucre ou des céréales, pour réduire la dépendance aux
carburants fossiles, gros émetteurs de CO2 responsable du
réchauffement de la planète. Etats-Unis, Europe, Brésil ou Canada
en particulier ont déversé du maïs, du blé, du soja et de la canne
dans leurs réservoirs.
Un geste aujourd'hui perçu comme une grave erreur de calcul qui
affame les plus démunis. Aux Etats-Unis en 2007, l'éthanol a ainsi
absorbé 20% de la production nationale de grains (81 millions de
tonnes), selon le Earth Policy Institute, qui prévoit que cette
part sera portée au quart de la production cette année.
"Un vrai problème moral"
Alors que le président brésilien
Luiz Inacio Lula da Silva a défendu avec force mercredi les biocarburants et mis en cause
le protectionnisme des pays riches , le patron du Fonds monétaire
international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a estimé quant à lui que
la situation était un "vrai problème moral". Il a souhaité "mettre
en balance le problème de la planète, très important (...) avec le
fait que les gens vont mourir de faim". Le Rapporteur spécial de
l'ONU pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler, a même qualifié
la production massive de biocarburants de "crime contre l'Humanité" .
A Paris, le Commissaire européen à l'Environnement Stavros Dimas a
reconnu qu'il y avait de nombreuses interrogations sur le "coût
social" des agrocarburants, alors que l'UE s'est fixée entre autres
objectifs de porter leur part à 10% en 2020. "Mais nous imposons
dans notre législation des critères du développement durable à leur
production. Un groupe de travail rendra ses conclusions sur le
sujet fin mai", a expliqué Stavros Dimas à l'AFP.
Facteur aggravant
"Les biocarburants, selon diverses études, ne sont qu'une des
causes de la crise, avec les dérèglements météo, la hausse des prix
du pétrole et de la demande mondiale de viande", comme en Inde ou
en Chine, a-t-il remarqué.
En moyenne, il faut plus de 4 kilos de grain pour produire 1 kilo
de viande de porc et deux fois plus pour 1 kilo de boeuf. Et les
changements climatiques vont bel et bien aggraver la crise, selon
les experts qui prévoient que jusqu'à 3,2 milliards d'humains
seront exposés à des pénuries d'eau sévère et 600 millions à la
faim, en raison des sécheresses, inondations, dégradation et
salinisation des sols dans les prochaines décennies. L'Australie,
un des greniers du monde, fait déjà l'expérience de la pire
sécheresse de son histoire récente.
afp/sun
La production explose
Bien qu'encore à ses débuts, la progression des biocarburants est fulgurante. Elle devrait atteindre 20 milliards de litres au Brésil en 2008.
Et le président George Bush a visé mercredi une production de 36 milliards de gallons (136 milliards de litres) de carburants renouvelables d'ici 2020.
"Nous voulons multiplier leur part par 5", a confirmé à l'AFP son principal conseiller sur le climat, Jim Connaughton, en marge d'une réunion à Paris des 16 principales économies autour du changement climatique.
"Mais, a-t-il assuré, au moins la moitié serait du carburant de "seconde génération", issu de plantes non alimentaires ou de résidus comme les feuilles, les tiges ou les troncs. La plupart des délégués au rendez-vous parisien des "MEM" - les Major Economies meeting - ont déroulé le même credo.
Mais les procédés de fabrication pour les carburants de seconde génération ne sont "pas complètement au point", rappelait récemment à l'AFP la secrétaire d'Etat française à l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. "Cela peut prendre encore 10 à 20 ans".