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La Belgique replonge dans la crise

Le premier ministre Yves Leterme, ébranlé par l'affaire Fortis.
Le Flamand Yves Leterme s'est mis à dos son propre parti.
La Belgique était suspendue mardi au résultat des consultations que le roi Albert II a engagées après la démission la veille du Premier ministre Yves Leterme, tous les grands partis semblant exclure des élections anticipées à court terme pour sortir de la crise.

Yves Leterme a jeté l'éponge lorsque son parti, le parti
chrétien-démocrate flamand (CDV), lui a confirmé lundi soir qu'il
n'appuierait pas ses propositions pour une réforme de l'Etat
accordant à la riche Flandre une autonomie accrue, qu'il devait
présenter ce mardi devant le Parlement fédéral.

Blocage

La direction du CDV, allié avec les indépendantistes de la NVA,
jugeait cette déclaration insuffisante, et exigeait la suppression
immédiate du seul district bilingue du pays, dans la périphérie de
Bruxelles, où la minorité francophone a des droits
particuliers.



Les partis francophones avaient fait savoir que cette "scission"
du district de Bruxelles-Hal-Vilvorde était impensable sans
élargissement de la capitale à des communes de Flandre à majorité
francophone. Une revendication inacceptable pour les grands partis
flamands, qui redoutent de payer chèrement aux élections régionales
du 14 juin 2009 tout recul sur cette question symbolique.



Face à ce blocage, Yves Leterme a remis sa démission au roi.
Albert II ne l'avait toujours pas acceptée mardi en fin de matinée
et aucun analyste n'excluait que le roi lui demande de poursuivre
malgré tout sa mission.

Eviter des élections anticipées

Selon la presse belge comme la plupart des analystes, le
scénario auquel aucun des partis politiques n'a intérêt - sauf les
nationalistes flamands du Vlaams Belang ou de la NVA - serait celui
d'une dissolution du Parlement et de législatives anticipées en
septembre.



"La seule question à l'agenda en Flandre serait la question
communautaire et les jusqu'au boutistes seraient alors en pointe",
explique le politologue Pascal Delwit, de l'Université Libre de
Bruxelles. "La tenue d'élections à l'automne signifierait que la
campagne se déroule en août, c'est évidemment impensable aussi pour
des raisons pratiques", a renchéri un autre politologue, Jean
Faniel.



Du coup, le roi va avoir "besoin d'un peu de temps" pour "décider
de garder Yves Leterme, ou pour le remplacer, sans doute par un
autre membre du CDV", estime Jean Faniel. Une grande partie des
difficultés vient en effet de ce que le cartel CDV/NVA, grand
vainqueur côté flamand des législatives de juin 2007, est
incontournable.



Or l'avenir de ce cartel est incertain. Le chef de la NVA, Bart De
Wever, a expliqué très clairement mardi matin que faute de
satisfaction aux revendications flamandes, le CDV ne pourrait plus
compter sur lui. Dans ce cas, "les élections de juin 2009, ce sera
sans moi", a-t-il déclaré sur la radio publique RTBF.

Le chaos

Face à une situation de "chaos", selon le terme utilisé par
plusieurs journaux belges, Pascal Delwit a estimé le plus probable
qu'on se retrouve "dans une optique de gouvernement de
transition".



Le roi pourrait ainsi désigner un Premier ministre qui
gouvernerait pendant un an seulement, avec la convocation de
législatives pour juin 2009 - une anticipation de deux ans sur le
calendrier qui les prévoyait pour juin 2011 - en même temps que les
élections régionales et européennes. Albert II devra de toute façon
trancher d'ici la fin de la semaine, car la session parlementaire
s'achève après la fête nationale du 21 juin.



ats/afp/ant

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Les raisons de la crise

Demandes d'autonomie toujours plus importantes de la Flandre, division économique Nord/Sud, faible sentiment d'appartenance commune: telles sont les grandes raisons de la crise belge.

Un conflit communautaire

Indépendant depuis 1830, ce pays de 10,5 millions d'habitants gère depuis des décennies le conflit entre Flamands et francophones par des réformes institutionnelles.

Depuis 1993, la Belgique est un Etat fédéral composé de trois Régions, Wallonie (sud), Flandre (nord) et Bruxelles-capitale, aux pouvoirs assez étendus.

Le pays est aussi scindé linguistiquement en trois communautés linguistiques depuis 1962: Flamands (59% de la population), francophones (40%) et germanophones (1%).

L'Etat fédéral conserve la gestion de la justice, des affaires étrangères, de la défense ou encore de la sécurité sociale.

Les points communs aux flamands et francophones sont devenus rares. N'étant plus des partis nationaux, les "familles politiques" (chrétienne-démocrate, socialiste, libérale et écologiste) défendent des deux côtés de la "frontière linguistique" des priorités différentes, et chaque communauté a ses propres médias.

Rvendications flamandes, résistances francophones

Les Flamands, dont la région est devenue la plus riche du pays et estiment avoir été dans le passé discriminés, réclament toujours plus d'autonomie au détriment de l'Etat fédéral, notamment en matière fiscale ou sociale.

Les francophones redoutent une perte des transferts financiers du Nord et craignent que les revendications flamandes ne mènent le royaume à l'éclatement.

Les Flamands réclament en outre que les francophones vivant en Flandre s'adaptent et apprennent le néerlandais. Ils veulent remettre en cause la possibilité qu'ont les francophones de la périphérie flamande de Bruxelles de voter pour des candidats francophones bruxellois aux élections législatives, pour parachever l'unité territoriale de leur région.

La Belgique va-t-elle disparaître?

Le pays n'en est pas à sa première crise et a connu depuis 60 ans des périodes autrement plus tendues, comme lors de la crise des Fourons en 1987, une enclave flamande en terre wallonne.

Mais le fossé entre Flamands et francophones n'a jamais paru aussi profond et il n'y a plus grand chose à négocier pour renforcer l'autonomie des régions, à moins de transformer l'Etat fédéral en coquille vide.

La prochaine étape pourrait être la transformation du royaume de fédération en simple confédération, aux liens plus lâches.