Seuls un peu plus de 800'000 Suisses ont soutenu les démocrates
du centre dans leur tentative de court-circuiter le Tribunal
fédéral (TF). A l'instar des autres grands partis et des autorités,
quelque 1,4 million de citoyens ont préféré privilégier une
procédure respectueuse de l'Etat de droit, qui comprend
l'interdiction de l'arbitraire et de la discrimination.
Cet échec de l'UDC s'ajoute à ceux enregistrés avec l'initiative dite "muselière"
et l'article sur la santé.
Opposition nette à Genève
Je vais déposer demain une initiative pour la
naturalisation automatique de la 3e génération.
Ada Marra
L'opposition la plus
virulente à l'octroi du passeport helvétique par scrutin populaire
est venue de Suisse romande, où cette tradition est inconnue.
Genève, célèbre pour sa forte proportion d'étrangers, arrive en
tête, avec 82,1% de «non». Ce canton est talonné par Neuchâtel
(82%), Vaud (81%) et le Jura (80,2%).
Le texte de l'UDC a été repoussé par les trois quarts des votants
en Valais (75%) et à Fribourg (73%). Les Bernois n'en ont pas voulu
par 63,3%. Outre-Sarine, le rejet est également net dans les
cantons les plus urbains. La palme revient à Bâle-Ville, avec
71,5%. Il a dépassé les 60% à Zurich (60,7%) et à Bâle-Campagne
(64,8), ainsi que dans les Grisons (65%).
Emmen se distingue
Le canton de Lucerne, d'où est partie l'affaire des «recalés
d'Emmen», a dit «non» à 55,7%. Cette commune se distingue
toutefois: près de 51,2% des votants y ont suivi l'UDC
dimanche.
Se prononçant sur le refus opposé par les citoyens aux candidats
d'origine balkanique, le TF avait déclaré en 2003 les
naturalisations par les urnes inconstitutionnelles faute de
motivation. Outre Emmen, cette pratique n'existait auparavant que
dans moins de 5% des communes, toutes alémaniques.
Sans grande surprise, l'initiative populaire a suscité le plus de
sympathie dans les cantons réputés conservateurs de Suisse centrale
et orientale. Schwyz l'a même acceptée, avec 59,9% des voix. Avant
la remise à l'ordre du TF, 25 communes sur 30 naturalisaient par
les urnes dans ce canton.
Le texte n'a été rejeté que de justesse à Nidwald, avec 50,9%
d'avis négatifs. Suivent Thurgovie, Glaris, St-Gall et Appenzell
Rhodes-Intérieures, avec moins de 52% de «non». Les opposants
étaient 57,9% au Tessin.
Participation à la hausse
Les Suisses ont été dimanche un peu plus nombreux que ces
derniers mois à accomplir leur devoir civique. La santé, les
naturalisations par les urnes et la communication du Conseil
fédéral ont attiré aux urnes environ 45% des citoyens.
Loin d'être mirobolante, cette participation est néanmoins dans la
moyenne. Elle dépasse celle enregistrée lors des derniers scrutins
fédéraux (quelque 38% en février 2008 et 36% en juin 2007).
agences/su
SATISFACTION A BERNE, ADVERSAIRES HEUREUX
Pascal Couchepin et sa collègue Eveline Widmer-Schlumpf se sont
réjouis du «non» à l'initiative populaire de l'UDC sur les
naturalisations par les urnes. «La démocratie directe implique le
respect de l'Etat de droit, qui n'est pas compatible avec la
discrimination et l'arbitraire», a souligné le président de la
Confédération.
Par sa décision, le peuple a estimé que les autorités de
naturalisation, démocratiquement élues, font du bon travail, a
renchéri sa collègue UDC.
Ce nouveau texte pose notamment l'obligation de motiver un refus
et prévoit une voie de recours déjà au niveau cantonal. Pour
autant, il ne donne toujours aucun droit à la naturalisation, a
insisté Mme Widmer-Schlumpf. La ministre de la justice a enfoncé le
clou en assurant qu'elle allait s'engager pour que les candidats
aient les connaissances linguistiques requises et respectent les
valeurs fondamentales de la Suisse.
Les adversaires de l'initiative parlent eux d'une seule voix: le
net rejet de l'initiative de l'UDC sur les naturalisations souligne
l'attachement du peuple suisse à l'Etat de droit.
Les résultats de dimanche sont aussi la première défaite flagrante
du parti d'opposition, souligne le PRD. Le PDC se félicite lui que
les citoyens ne se soient pas laissés influencer par la campagne de
l'UDC et des «affiches discriminatoires qui nuisent à l'image de la
Suisse».
Voulant également profiter du signal donné par le peuple, le PS a
annoncé qu'il allait déposer, par l'intermédiaire de sa conseillère
nationale Ada Marra (VD), une initiative parlementaire intitulée
«Pour que la Suisse reconnaisse ses enfants». Le texte vise à
accorder automatiquement la naturalisation aux étrangers de
troisième génération.
Pour les Verts, il est nécessaire de simplifier la procédure de
naturalisation, juge leur président Ueli Leuenberger.
Etrangers: UDC stoppée
Avec le non à l'initiative sur les naturalisations par les urnes, l'UDC se voit stoppée dans sa série victorieuse sur les sujets touchant aux étrangers. Le dernier échec du parti dans ce domaine remonte au refus en 2002 de son initiative sur l'asile.
En 2004, contre le Conseil fédéral, le Parlement et les partis gouvernementaux, l'UDC avait ensuite fait barrage aux deux projets de naturalisations facilitées pour les jeunes étrangers. En 2006, avec le gouvernement et les autres partis bourgeois, l'UDC a fait passer un durcissement des lois sur l'asile et sur les étrangers.
A l'inverse, l'UDC n'a pas récolté de grands succès dans sa politique d'opposition à l'ouverture européenne soutenue par les autres partis gouvernementaux. Les accords de Schengen et de Dublin, la libre circulation des personnes et l'aide aux pays de l'Est ont été approuvés contre sa volonté en 2005 et 2006.
L'UDC, déçue, ne renonce pas
L'UDC s'est dite peu surprise du clair rejet de son initiative «Pour des naturalisations démocratiques». Le parti va déposer une motion exigeant que seules les personnes détenant un permis C puissent demander la naturalilisation.
En matière de naturalisations, il faut placer la barre plus haut, a estimé le conseiller national zurichois Hans Fehr à la télévision suisse alémanique (SF). «L'UDC imposera ce projet et d'autres encore», a-t-il assuré.
Quant au rejet de l'initiative, elle trouve différentes interprétations. Le conseiller national vaudois Guy Parmelin voit le «non» comme une «incontestable défaite», a-t-il dit à la TSR. Cet échec tiendrait d'une mauvaise présentation des arguments du parti.
Un avis qu'on ne partage pas à Zurich. S'il fallait recommencer la campagne, on utiliserait les mêmes arguments, a insisté Hans Fehr.