"Simon devient une légende"

Dans les années 90, le saut à skis suisse, c'était seulement lui
ou presque. Sylvain Freiholz, médaillé de bronze des Mondiaux de
Trondheim en 1997, revient sur le sacre de son "frère" Simon
Ammann.



tsrsport.ch: - Ammann n'en finit plus de
gagner!



SYLVAIN FREIHOLZ: Simon était à deux doigts de
réussir la saison vraiment parfaite. Il voulait absolument
remporter la Tournée des Quatre Tremplins (ndlr: 5e). Manque de
chance, il avait manqué de réussite lors du premier concours, à
Oberstdorf (ndlr: 5e). Simon est monté à 13 reprises sur le podium
en Coupe du monde cette saison. C'est tout simplement
extraordinaire.



tsrsport.ch: - Simon Ammann a volé près de 9
secondes à Planica. Que ressent-on dans ces moments-là?



SYLVAIN FREIHOLZ: Ce n'est pas vraiment un vol de
9 secondes. Les 4-5 premières secondes on vole vraiment à
l'horizontale car on n'est pas encore dans la pente. Durant cette
phase, on ne voit pas grand-chose. On devine ces skis et on
avance... Passé ce moment, donc après plus de 100 mètres, on passe
la bosse et on découvre le vide. Là, ça devient monstrueux. On
passe une grosse montagne.

"Les meilleurs prennent plus de risques"

Simon était à deux
doigts de réussir la saison vraiment parfaite

Sylvain Freiholz

tsrsport.ch:

- Vous connaissez très bien
Ammann. Que diriez-vous si vous deviez le décrire en quelques
mots?

SYLVAIN FREIHOLZ:

C'est quelqu'un de joyeux,
perfectionniste, simple, amical et d'extrêmement minutieux.

tsrsport.ch:

- Ne faut-il pas être un peu fou
pour faire du vol à skis?

SYLVAIN FREIHOLZ:

Ca aide un peu de l'être. Celui
qui veut entrer dans les 15 premiers d'un Championnat du monde de
vol à skis doit être capable de déconnecter de la réalité. Ca ne se
voit pas sur les images TV mais les meilleurs prennent plus de
risques. Les sauteurs relativisent dans ces instants le fait qu'ils
peuvent se blesser.

tsrsport.ch:

- Votre sport n'est pas
forcément bon pour la santé...

SYLVAIN FREIHOLZ:

Les sauteurs se blessent
rarement sur le tremplin. Le plus gros problème est enduré pendant
la préparation physique. Les années de musculation, de bonds, de
sprints usent un peu les genoux, le dos... Les sauteurs demeurent
des sportifs qui doivent avoir un poids mimimum. Donc, nous ne
pouvons pas faire autant d'exercices de gainage comme un pilote de
F1, par exemple, qui musclera énormément sa nuque. Les sauteurs
doivent "gainer" le minimum car sinon ils prennent trop de poids.
L'idée est de trouver le bon équilibre.

"La Tournée des Quatre Tremplins va rester un objectif
important"

tsrsport.ch:

- Simon Ammann deviendrait-il à
vos yeux une légende vivante, au même titre que Roger
Federer?

SYLVAIN FREIHOLZ:

Je ne le comparerais pas
forcément à Roger Federer. Mais oui Simon devient une légende, par
rapport à ses résultats et à sa capacité à être prêt le moment
"M".

tsrsport.ch:

- Simon Ammann a quasiment tout
gagné. Qu'est-ce qui peut encore le pousser à continuer?

SYLVAIN FREIHOLZ:

La beauté et la pureté du
mouvement. Un sauteur doit toujours gratter, progresser aussi bien
physiquement qu'au niveau du matériel. S'il reste au même seuil,
l'année suivante ce même sauteur est 10 ou 15e. La Tournée des
Quatre Tremplins va rester un objectif important pour Simon, ainsi
que les épreuves qui se tiendront dans des "Mecques", comme à
Holmenkollen l'année prochaine à l'occasion des Mondiaux. Ce sera
une magnifique motivation pour Simon.

Ammann, le baobab qui cache les sapins

tsrsport.ch: - Simon Ammann a 29 ans.
Est-il au sommet de sa maturité?



SYLVAIN FREIHOLZ: Le saut à skis est un sport où
l'on a la chance de pouvoir être dominateur à 17 comme à 34 ans. Le
tout est d'être capable d'évoluer.



tsrsport.ch: - Le technicien et
entraîneur-assistant autrichien Gerhard Hofer quitte Ammann.
Seriez-vous intéressé par ce poste?



SYLVAIN FREIHOLZ: Simon et Gerhard formaient un
binôme très efficace. Ce ne sera pas facile pour Simon de retrouver
la même complicité. Ce poste ne m'intéresse pas car j'ai bien assez
voyagé.



tsrsport.ch: - Au niveau du saut suisse,
Simon Ammann est l'arbre qui cache la forêt!



SYLVAIN FREIHOLZ: nous avons une jolie forêt de
sapins. Et puis, d'un coup, on a un énorme baobab. Alors oui, le
baobab cache les sapins. Il y a plein de petits sapins qui sont
prêts à émerger, qui ont besoin d'un encadrement. Nous avons de
très bons jeunes. A nous de savoir les mettre sur orbite.



propos recueillis par Miguel Bao