Entretemps, défenseurs d'une neutralité stricte avec une armée
traditionnelle et partisans des réformes et de l'ouverture vers
l'étranger n'ont cessé de croiser le fer. Le document présenté jeudi , porté semble-t-il par
le souci ne ménager la chèvre et le chou, ne penche ni dans un sens
ni dans l'autre.
Le rapport n'a pas de sous-titre spécifique alors que le précédent
portait le label "la sécurité par la coopération". Selon le
gouvernement, cela "ne constitue en aucun cas un refus de la
coopération". Il s'agit plutôt de se concentrer "sur des objectifs
réels que sur des symboles". Il n'est pas question non plus de
poser les bases d'une réforme mais de donner des impulsions à une
armée en pleine mutation.
Etendre la promotion de la paix
Pour ce qui est des interventions à l'étranger, le rapport
souligne que le but reste d'augmenter les effectifs destinés à la
promotion militaire de la paix. Mais dans le même temps, il
souligne qu'il sera difficile d'étendre quantitativement la
participation helvétique et plaide pour un renforcement
qualitatif.
Chaque
participation doit en outre être défendable sur le plan de la
politique intérieure. Le Conseil fédéral prévoit de se focaliser
sur certains domaines: transport aérien, prestations logistiques,
transport terrestre ou dans les affaires sanitaires et le
renseignement.
Une adhésion à l'OTAN exclue
La neutralité permanente et armée doit être maintenue. Mais elle
"n'empêche nullement une coopération générale". L'adhésion à une
alliance militaire comme l'OTAN reste exclue, la participation au
Partenariat pour la paix n'en étant "en aucun cas l'antichambre".
Un accord-cadre avec l'Union européenne pour les engagements de
promotion de la paix est mis en avant.
Côté défense nationale, une attaque militaire est toujours donnée
comme improbable actuellement mais pas totalement exclue à long
terme. L'armée doit donc conserver les capacités nécessaires
(minimum quantitatif, bon niveau qualitatif) pour rebondir le cas
échéant. Pas question toutefois d'élaborer à ce stade un concept de
montée en puissance détaillé. Le gouvernement préfère que l'armée
lui soumette chaque année une évaluation de la situation.
Notion de "sûreté sectorielle" supprimée
La notion de sûreté sectorielle, jugée peu claire, est
supprimée. Le rapport préfère préciser que les engagements de
l'armée sur le sol national doivent toujours être de nature
subsidiaire, sauf en cas d'agression militaire.
Les milieux
intéressés auront une nouvelle fois l'occasion de s'exprimer lors
d'une audition, avant que le Conseil fédéral n'adopte en juin le
rapport définitif et le transmette au parlement qui en débattra. Le
gouvernement recevra parallèlement des mains d'Ueli Maurer un
rapport spécifique sur l'armée ainsi qu'une note de discussion
détaillée sur le remplacement de la flotte des avions de combat
Tiger.
Les menaces évoluent
Concernant la menace, de l'eau a coulé sous les ponts depuis le
dernier rapport : mondialisation, attentats d'Al Qaïda, guerres en
Afghanistan, en Irak et en Géorgie. Mais, pour la Suisse "la
situation n'a pas foncièrement changé". Le rapport traite désormais
aussi de la politique de sécurité des cantons et des
communes.
Leur collaboration avec la Confédération ainsi qu'avec les régions
étrangères limitrophes devrait être renforcée par la mise sur pied
d'un réseau national de sécurité, un mécanisme de consultation et
de coordination.
Toujours pas de nouveaux avions
L'achat de nouveaux avions de combat pour remplacer la flotte
des Tiger reste en suspens. "Il n'a pas été reporté", a déclaré
jeudi en conférence de presse le ministre de la défense Ueli
Maurer, assurant qu'il tenait personnellement à ces
acquisitions.
Le gouvernement devrait en discuter en juin, a précisé le
conseiller fédéral. En mars, il a décidé qu'il voulait mener cette
affaire parallèlement au rapport sur l'armée et à la version
définitive du rapport sur la politique de sécurité. "Je veux un
nouvel avion, mais j'ai besoin de plus d'argent", a répété Ueli
Maurer.
Or, l'on sait entretemps que l'achat de 22 nouveaux appareils ne
coûtera pas 2,2 milliards comme prévu mais entre 3,5 et 5 milliards
de francs, a-t-il détaillé. L'achat de nouveaux avions de combat
(Rafale, Gripen ou Eurofighter) a déjà fait couler beaucoup
d'encre. Ueli Maurer souhaite le reporter, mais le Conseil fédéral
n'a pour l'instant pas cédé à sa demande. Cette acquisition ne
devrait apparaître au plus tôt qu'au programme 2011.
ats/bkel
"Un compromis typiquement helvétique", selon Maurer
Le nouveau rapport sur la politique de sécurité est "un compromis typiquement helvétique", selon Ueli Maurer. Tous les départements ont participé à son élaboration, a déclaré le ministre de la Défense jeudi devant la presse.
Interrogé sur les contradictions du rapport, le conseiller fédéral a admis que les considérations de tous les départements ont eu une influence sur le contenu du document. Mais il a refusé de quantifier l'impact de son propre dicastère, se rangeant derrière le secret des séances du Conseil fédéral.
Le gouvernement a réussi à trouver un consensus dans un délai relativement rapide, a-t-il ajouté, parlant de "travail constructif".
L'obligation de servir désavouée par les Suisses
Selon un sondage publié jeudi dans L'Hebdo et réalisé en mars par l'institut M.I.S Trend auprès de 604 citoyens dans toute la Suisse, seuls 43,5% des Helvètes sont favorables à l'obligation de servir. L'obligation de servir est désavouée aussi bien en Suisse romande (seulement 32,3% d'avis positifs) qu'outre-Sarine (47%).
Les femmes sont par ailleurs légèrement moins nombreuses à plébisciter le statu quo (40%) que les hommes (46,6%). Et seuls les plus de 50 ans soutiennent encore le système actuel (53,3%). Chez les 18-34 ans et les 35-49 ans, la conscription récolte 37,6% d'avis favorables.
La différence d'opinion la plus marquée provient de la tendance politique des sondés: 27,5% des électeurs de gauche, 48,2% des électeurs du centre et 62,2% de ceux de droite ne veulent pas de changement.
Du côté des alternatives, les personnes interrogées penchent à 39,7% pour l'instauration d'une armée de métier. La suppression de l'armée n'en convainc que 14,6%.
Le Conseil fédéral ne voit lui aucune raison de remettre en question le système de milice ou l'obligation de servir.
A moyen ou long terme, il serait selon lui envisageable que les militaires accomplissent un service d'instruction prolongé et soient ensuite transférés dans une réserve. Mais pour l'instant, il faudrait plutôt vérifier s'il est nécessaire de conserver une réserve.
Le recentrage sur les interventions subsidiaires en faveur des autorités civiles est quant à lui réaffirmé. L'armée doit toutefois éviter de s'engager dans de telles missions sur le long terme.