"La situation reste tendue", a concédé la présidente par intérim, Rosa Otounbaïeva dans un communiqué qui précise que l'état d'urgence a été décrété à Och, deuxième ville du pays, et dans les districts avoisinants ainsi qu'un couvre-feu de 20h00 à 06h00 jusqu'au 20 juin.
Tension manifeste
"Il est indispensable d'envoyer à Och des médecins et des renforts pour maintenir l'ordre, car il y a un risque que la situation empire avec la tombée de la nuit", a-t-elle ajouté. Le dernier bilan des troubles ethniques, entre Ouzbeks et Kirghiz, faisait état de 45 morts et de plus de 630 blessés, selon le ministère de la Santé.
Selon un responsable de la télévision nationale, des centaines de manifestants, souhaitant se rendre à Och, se sont rassemblés vendredi soir dans le centre de Bichkek, en réclamant qu'on leur donne la parole. Ils ont fait une brève irruption dans les locaux de la télévison, interrompant la retransmission d'un match du Mondial, mais se sont retirés une vingtaine de minutes après, a déclaré ce responsable.
Selon l'agence de presse KABAR, d'autres groupes de manifestants attaquaient des automobilistes à Bichkek, en s'emparant de leurs voitures pour aller à Och. Des témoins, joints par téléphone, ont décrit des scènes de chaos à Och, évoquant des coups de feu tirés toute la journée et des hélicoptères armés sillonnant le ciel au-dessus du centre-ville.
Faiblesse du pouvoir
Des affrontements et des échanges de tirs entre des groupes de jeunes Ouzbeks et Kirghiz se sont produits dans la nuit de jeudi à vendredi puis dans la journée à Och et dans des districts voisins. Ces violences auraient pour origine une bagarre entre les deux ethnies.
Près d'un millier de jeunes, armés de bâtons et de pierres, se sont rassemblés jeudi soir dans le centre d'Och, brisant des vitrines de magasins, des fenêtres d'immeubles, et brûlant des voitures. Selon les pompiers, plusieurs incendies se sont déclarés dans le centre-ville. Selon le ministère de l'Intérieur, cinq personnes soupçonnées d'avoir organisé ces violences ont été arrêtées.
Depuis la révolution d'avril dernier, qui avait fait 87 morts et conduit à la chute du régime du président Kourmanbek Bakiev, le Kirghizstan a connu plusieurs vagues de violences, signe que le nouveau pouvoir peine à contrôler la situation. Ces dernières violences interviennent à environ deux semaines d'un référendum pour l'adoption d'une Constitution prévu le 27 juin.
afp/cab
La Russie et les Etats-Unis s'inquiètent
Les réactions ont fusé à l'étranger. La stabilité du Kirghizstan est en effet primordiale, notamment pour la Russie et les Etats-Unis qui y disposent de bases militaires, dont une essentielle au déploiement des troupes américaines en Afghanistan.
"Nous espérons sincèrement que cette phase de tourmente sera surmontée aussi vite que possible", a déclaré le président russe Dmitri Medvedev, au cours d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tachkent, la capitale ouzbèke.
"La violence n'est pas une solution acceptable", a renchéri l'ambassade des Etats-Unis au Kirghizstan. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé "au calme" et a exhorté "toutes les parties à faire preuve du maximum de retenue afin d'éviter de nouvelles pertes en vies humaines".
De son côté, l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) s'est dite "prête à poursuivre ses efforts pour apporter une solution à la situation actuelle au Kirghizstan".
Tensions inter-ethniques
Depuis l'indépendance du Kirghizistan en 1991, après le démembrement de l'URSS, les tensions entre minorités ethniques ont émaillé la vie de ce pays voisin de l'Ouzbékistan et se sont ajoutées à des difficultés économiques persistantes.
La fin de la période soviétique avait déjà été marquée par des tensions ethniques dans le Sud entre les Kirghiz et la minorité ouzbek du Kirghizistan.