"Tant que je n'aurai pas été condamné en deuxième instance, je suis innocent", a déclaré jeudi Ricardo Lumengo à la sortie du Tribunal d'arrondissement de Bienne. "Je prends bonne note de l'exigence du Parti socialiste bernois", a-t-il expliqué, ajoutant qu'il allait rechercher le dialogue avec le parti.
Mais dans sa prise de position publiée sitôt le jugement connu, le PS bernois ne laisse aucune place à l'interprétation: il exige une "démission immédiate". Il ne tient pas compte de l'appel interjeté auprès de la Cour suprême par l'avocat de Ricardo Lumengo. Le PS, qui ne dispose d'aucun moyen pour le contraindre à quitter le Parlement, estime qu'une fraude électorale ne saurait être excusée.
Peine avec sursis
La juge unique Doris Romano a condamné Ricardo Lumengo à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 180 francs par jour avec sursis durant deux ans et à une amende de 540 francs. Elle a ainsi suivi le réquisitoire du procureur du Jura bernois et du Seeland Pascal Flotron qui avait requis aussi dix jours-amende avec sursis. Le politicien devra en outre s'acquitter des frais de justice, à hauteur de 15'702 francs.
Le socialiste biennois s'est rendu coupable de fraude électorale en remplissant de sa main 44 bulletins de vote en sa faveur. "Il a pris le risque que les personnes utilisent ce bulletin de vote qu'il a lui-même rempli", a estimé la juge qui ajoute qu'il n'a pas pris les mesures pour éviter la fraude. "Il est difficile d'imaginer qu'il ait agi par méconnaissance", a souligné la juge qui rappelle que, comme juriste, Ricardo Lumengo devait connaître le droit électoral. Même si elle reconnaît qu'il ne s'agit pas d'un délit grave, la carrière du premier élu noir sous la Coupole fédérale est fortement compromise.
A titre d'exemple
Elu il y a trois ans, le conseiller national socialiste a admis avoir rempli de sa main 44 bulletins de vote à son nom. Mais il assure avoir voulu aider des électeurs qui l'approchaient pour savoir comment exercer le droit de vote. Il a toujours contesté la fraude électorale.
"J'ai rempli des bulletins que j'ai remis à titre d'exemple à des personnes", a affirmé Ricardo Lumengo devant une salle bondée. Il a ajouté qu'il ne s'était pas occupé de l'envoi des bulletins par correspondance et assure n'avoir jamais voulu influencer l'électeur. "Si je suis là, c'est à cause de mon comportement", a-t-il déclaré. Il affirme que c'était une "erreur d'appréciation" de sa part de n'avoir pas compris que certaines personnes pouvaient ne pas comprendre ses explications et recopier le modèle sur leur bulletin.
"Aberration juridique"
"Ce jugement est une aberration juridique et contraire aux faits établis devant le tribunal", a déclaré l'avocat du prévenu, André Gossin. "Mon client n'avait qu'une seule volonté, celle d'aider", a ajouté l'avocat qui précise que Ricardo Lumengo n'a jamais eu la moindre volonté de participer au vote à la place des électeurs. De plus, 42 des 44 bulletins étaient nuls.
ats/lan
Démission exigée
Le Parti socialiste bernois a exigé la démission immédiate du parti du conseiller national biennois Ricardo Lumengo, dans un communiqué publié aussitôt après la condamnation de l'élu.
La direction du PS bernois invite Ricardo Lumengo à démissionner immédiatement en tant que conseiller national, indépendamment des résultats d'un éventuel recours.
Elle espère que le conseiller national tirera les conséquences qui s'imposent de ce jugement et se retirera de la politique.
Elle regrette que ce comportement individuel erroné ait également nui à la cause de l'intégration et à l'acceptation des migrantes et migrants dans notre pays, précise le parti socialiste bernois.
Une fraude électorale pèse "très lourd" à ses yeux, et ne saurait être excusée.
Ricardo Lumengo
Le socialiste a été le premier Noir élu au Conseil national en 2007.
Né en Angola en 1962, il était venu en Suisse en 1982 en tant que demandeur d'asile.
Il possède le passeport à croix blanche depuis 13 ans et exerce la profession de conseiller juridique à Bienne.