La Fédération espagnole de cyclisme a décidé de "blanchir" et de ne pas sanctionner Alberto Contador, contrôlé positif au dernier Tour de France, a déclaré mardi son avocat, Andy Ramos. "Nous pouvons simplement confirmer le classement" de l'affaire, Contador "peut courir à partir de maintenant, justice a été faite", a déclaré Me Ramos à la sortie du siège de la Fédération à Madrid.
L'Union cycliste internationale (UCI) "peut présenter un recours contre la décision de le blanchir, nous n'allons pas le faire", a-t-il poursuivi. La Fédération, qui avait proposé le 26 janvier une suspension d'un an, s'est donc finalement rangée à la ligne de défense du champion cycliste, contrôlé positif l'été dernier durant le Tour de France et qui depuis se dit innocent.
L'UCI et l'AMA: un mois pour faire appel
Alberto Contador, 28 ans, avait subi le 21 juillet 2010 à Pau (sud-ouest de la France) un contrôle antidopage positif qui a révélé des traces infimes de clenbutérol. Le triple vainqueur du Tour de France (2007, 2009 et 2010) a toujours clamé son innocence, assurant avoir été victime d'une contamination alimentaire après avoir consommé de la viande.
Cette décision est susceptible d'appel de la part de l'Union cycliste internationale et de l'Agence mondiale antidopage (AMA), qui ont un mois pour déposer un recours devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).
Saxo Bank retrouve des couleurs
L'équipe danoise Saxo Bank, décimée par le départ de ses leaders Andy et Frank Schleck et de leurs principaux lieutenants, retrouve des couleurs en récupérant Alberto Contador, libre pour l'instant de courir après la décision de sa fédération de le blanchir. Sans l'Espagnol, la formation de Bjarne Riis, l'ex-vainqueur du Tour (1996) qui a avoué sur le tard s'être lui-
même dopé, était grandement affaiblie dans les courses par étapes et les grands tours, contrainte de limiter ses ambitions pour l'essentiel à des succès d'étape.
A la fin de la saison dernière, Saxo Bank a vu la quasi-totalité de ses cadres s'en aller, la plupart dans le sillage des Schleck pour rejoindre la nouvelle équipe (Leopard) montée autour des frères luxembourgeois. Ainsi, le champion du monde du contre-la-montre, le Suisse Fabian Cancellara, l'ancien vainqueur de Paris-Roubaix, l'Australien Stuart O'Grady, l'ex-maillot jaune du Tour, l'Allemand Jens Voigt, et le grimpeur danois Jakob Fuglsang ont-ils suivi Andy Schleck tandis que le Danois Matti Breschel, spécialiste des classiques, a intégré Rabobank.
Pour entourer Contador, qui a signé en août dernier un contrat de deux ans (2011 et 2012), Riis a fait appel à plusieurs proches du triple vainqueur du Tour, ses compatriotes Dani Navarro, Benjamin Noval et Jesus Hernandez. Mais tous trois ont pour habitude et expérience d'épauler un leader, non de le suppléer.
Tant qu'elle était privée de Contador, Saxo Bank ne pouvait aligner qu'un seul coureur susceptible d'être leader dans les grandes courses par étapes. A savoir Richie Porte, un Australien de 26 ans, prometteur mais inexpérimenté, qui a ramené l'an passé le maillot de meilleur jeune du Giro.
Importants soutiens
Contador est l'un des sportifs les populaires dans son pays et à l'étranger. Il a reçu ces derniers jours des soutiens inattendus du monde politique et même de la justice espagnole, dans un pays coutumier des victoires sportives mais qui peine à prendre à bras-le-corps la lutte antidopage.
"Il n'y a aucune raison juridique pour sanctionner Contador", avait commenté le 10 février le chef du gouvernement, Jose Luis Rodriguez Zapatero, sur son compte Twitter. Et le président de l'Audience nationale, la plus haute instance pénale du pays, Angel Juanes, avait lui aussi volé dimanche au secours du champion, affirmant qu'il ne "s'est pas dopé" et "devrait être blanchi".
L'Espagne, éclaboussée ces dernières années par des scandales de dopage dans l'athlétisme et le cyclisme, s'est souvent défendue en rappelant qu'elle avait adopté en 2006 une loi sur la lutte antidopage. "Je crois qu'il n'existe pas de problème de dopage spécifique" en Espagne, relevait à ce propos le docteur Inaki Arratibel, spécialiste de médecine sportive qui évoquait en revanche un déficit "d'éducation".
"Peut-être que par rapport à ce qui a été fait dans d'autres pays européens pour éradiquer le dopage, la mentalité a un peu de retard. Peut-être faudrait-il un niveau d'éducation et une prise de conscience du sportif un peu plus importants", expliquait-il.
Epée de Damoclès au-dessus de sa tête
La décision de la Fédération espagnole de cyclisme de blanchir mardi Alberto Contador des accusations de dopage au clenbutérol a relancé la saison de l'Espagnol qui peut, dans l'attente d'un probable jugement en appel du Tribunal arbitral du sport (TAS), espérer courir le Tour de France.
LA PROCEDURE RELANCEE... Il fait peu de doute que l'Union cycliste internationale (UCI) et/ou l'Agence mondiale antidopage (AMA) vont faire appel auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) de la décision de la Fédération espagnole (RFEC), dans le délai légal de trente jours à partir de la réception du dossier. Comme le prévoit le règlement, la Fédération espagnole avait en charge l'instruction de la procédure disciplinaire contre Contador et la responsabilité de déterminer une éventuelle sanction.
Etant donné les traces "infimes" de clenbutérol et l'incertitude sur le mode de contamination (Contador plaide l'intoxication alimentaire involontaire), l'UCI aurait pu se satisfaire de la suspension d'un an (au lieu des deux ans encourus) proposée au coureur le 26 janvier et unanimement qualifiée de "compromis", comme elle l'a fait récemment dans un cas similaire (affaire Colo). Ce revirement de la RFEC s'apparente à un camouflet, dans un nouvel épisode des relations tendues entre les instances antidopage et les autorités espagnoles.
Le cas le plus connu jusqu'à présent était celui d'Alejandro Valverde: l'UCI et l'AMA ont obtenu en mai dernier devant le TAS la suspension de ce dernier pour deux ans (à partir du 1er janvier 2010) pour dopage dans le cadre de l'affaire Puerto, après que la justice espagnole et la RFEC eurent refusé d'ouvrir une procédure contre le coureur.
...LA SAISON DE CONTADOR AUSSI. La décision de la RFEC rend caduque la suspension provisoire prononcée par l'UCI contre Contador le 24 août. Un éventuel appel de l'UCI et/ou de l'AMA n'est pas suspensif, sauf si les instances le demandent expressément au TAS. Mais elles doivent pour cela fournir les preuves qu'une suspension à titre conservatoire est nécessaire.
Il semble peu probable qu'elles la demandent car elles prendraient alors le risque de devoir verser de lourdes compensations financières au coureur si celui-ci était finalement innocenté. Si l'appel n'est pas suspensif, le TAS doit rendre normalement son jugement dans un délai de quatre mois.
Dans l'attente du jugement sur le fond de l'affaire par le TAS, Contador peut mener sa saison comme il l'entend. Il disputera sa première course de la saison à partir de mercredi au Tour d'Algarve sous ses nouvelles couleurs de l'équipe Saxo Bank. Mais sa saison pourra s'arrêter à tout moment si une suspension est prononcée.
ET LE TOUR DE FRANCE ? Le départ de la Grande Boucle est prévu le 2 juillet. Seule une suspension par le TAS pourrait barrer la route du Tour de France à Contador, vainqueur de l'épreuve à trois reprises (2007, 2009, 2010). En effet, s'il n'est pas interdit de course par le TAS, Amaury Sport Organisation (ASO), la société organisatrice du Tour de France, aurait les pires difficultés à justifier légalement un --hypothétique-- refus d'accepter l'Espagnol dans sa course.
afp/bao
"NO COMMENT" DE L'UCI
Le président de l'Union cycliste internationale, Pat McQuaid a fait savoir qu'il ne ferait pas de commentaire mardi concernant l'affaire Contador. Joint par téléphone alors qu'il était en transit à Abou Dabi, Pat McQuaid a indiqué qu'il ne s'exprimerait pas mardi sur le sujet Contador, renvoyant au communiqué diffusé plus tôt par l'UCI.
Par ailleurs, Amaury Sport Organisation (ASO), société organisatrice du Tour de France a également fait savoir par la voix de son directeur de la communication qu'elle ne s'exprimerait pas mardi soir.
CONTADOR "SOULAGE ET HEUREUX"
Alberto Contador s'est déclaré "soulagé et heureux" après avoir échappé à une suspension. La Fédération espagnole a décidé de le blanchir des accusations de dopage, après un contrôle positif lors du Tour de France 2010.
"Avant tout, je me sens soulagé et bien sûr très heureux de cette décision. Je viens de passer plusieurs mois très stressants, mais tout au long de cette affaire j'ai toujours été disponible pour toutes les enquêtes liées à mon cas", a affirmé Contador, cité sur le site internet de son équipe, Saxo Bank.
"J'ai toujours dit la vérité. J'ai toujours dit à mon équipe et aux autorités que je n'ai jamais menti ou pris délibérément une substance interdite", a ajouté le coureur.
Chronologie de l'affaire Contador
21 juillet 2010: Contador subit un contrôle antidopage inopiné -mais prévisible- à Pau, lors de la seconde journée de repos du Tour de France, à la veille de la dernière étape de montagne.
25 juillet: l'Espagnol, qui court pour l'équipe Astana, remporte le Tour de France avec 39 secondes d'avance sur le Luxembourgeois Andy Schleck.
3 août: il signe un contrat de deux ans en faveur de la formation Saxo Bank.
23 août: le laboratoire de Cologne remet à l'UCI (Union cycliste internationale) un rapport d'analyse faisant état d'un résultat anormal (présence de clenbutérol) dans l'échantillon d'urine prélevé sur le coureur espagnol. L'AMA (Agence mondiale antidopage) est informée simultanément.
24 août: l'UCI suspend provisoirement Contador.
26 août: le coureur demande l'analyse de l'échantillon "B".
8 septembre: la contre-analyse confirme la présence de traces de clenbutérol. "Etant donnée la très faible concentration détectée", expliquera l'UCI, des investigations scientifiques supplémentaires sont poursuivies, en collaboration avec l'AMA.
30 septembre: l'agent du coureur annonce le résultat du contrôle. L'UCI en donne confirmation aussitôt après. Contador plaide une "contamination alimentaire" due à la consommation de viande contaminée. Dans les jours suivants, plusieurs médias évoquent la piste d'une transfusion sanguine, en affirmant que des résidus de plastique ont été trouvés aussi dans ses urines. Contador rejette ces accusations.
8 octobre: Contador, qui dit envisager d'arrêter sa carrière s'il est condamné, annonce son intention de porter plainte contre les médias qui ont publié des informations "diffamatoires". "On ne peut être sûr à 100% que c'était une transfusion, d'autres explications sont possibles", affirme pour sa part le Dr Olivier Rabin, directeur scientifique de l'AMA. 8 novembre: l'UCI demande à la Fédération espagnole d'ouvrir une procédure disciplinaire.
22 novembre: l'association espagnole de producteurs de viande bovine décide de porter plainte afin d'éclaircir "la possible véracité des propos" tenus par Contador.
28 novembre: aux Canaries, le leader de Saxo Bank participe au premier stage d'avant-saison de son équipe.
20 janvier: le président de l'UCI, l'Irlandais Pat McQuaid, fait état de sa "colère": "Coupable ou pas, Contador nous fait beaucoup de mal"
26 janvier: la décision de la Fédération espagnole est notifiée au coureur, qui propose dans un premier temps de la sanctionner d'un an de suspension.
16 février: l'avocat du coureur affirme que la Fédération espagnole a accepté ses explications, et a renoncé à sanctionner Contador. L'UCI et l'AMA ont la possibilité de faire appel de cette décision.