Il est accusé de participation à des crimes de guerre commis lors des combats contre les forces serbes. Il affirme qu’il se rendra mercredi à La Haye, pour assurer sa défense.
La rumeur de l'inculpation possible de Ramush Haradinaj par le procureur en chef du tribunal de La Haye, la magistrate suisse Carla del Ponte, courait depuis son accession à la tête du gouvernement de la province à prédominance albanophone, en décembre dernier. La possible arrestation de force du leader nationaliste kosovar, par les forces de l'Otan, faisait craindre un déchaînement de violences, mais il a déclaré avoir l'intention de se rendre dès mercredi au TPIY.
"Je suis totalement innocent", a-t-il déclaré en confirmant avoir reçu son inculpation dans la journée. Le Premier ministre, qui a accusé le TPIY de placer sur le même pied "agresseurs et combattants de la liberté", a remis sa démission au président Ibrahim Rugova.
Accusations liées à la guérilla albanophone
Aux Pays-Bas, le TPIY a confirmé son inculpation, mais on ignore encore les faits précis reprochés à Ramush Haradinaj dans le cadre de la guérilla engagée par les rebelles albanais du Kosovo contre les forces serbes, en 1998-1999. On sait seulement que le TPI enquêtait sur sa possible implication dans le meurtre de civils serbes et de "collaborateurs" albanophones durant ce conflit.
Au cas où il refuserait de gagner de son plein gré La Haye, les forces de l'Otan ont été renforcées par de nouveaux soldats britanniques, allemands et italiens, a-t-on appris auprès de la force multinationale du Kosovo (Kfor), qui compte sur place près de 20’000 hommes. Pour sa part, la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (Minuk) a pris les mesures de sécurité maximales en demandant à son personnel de ne pas se montrer dans les rues sauf cas de force majeure.
La situation dans la province reste en effet tendue, six ans après la fin de la guerre. Il y a un an, des groupes albanophones avaient attaqué des enclaves serbes, suscitant des affrontements meurtriers. On avait recensé une vingtaine de tués et des centaines de maisons incendiées.
Réputation de cruauté
Ramush Haradinaj, qui est âgé de 36 ans, a passé une bonne partie des années 1990 en France, en Suisse, en Suède et en Finlande, en tant que réfugié économique exerçant divers "petits boulots". Il a regagné son pays au début de l'année 1998 pour prendre le commandement de la région militaire ouest de l'"Armée de libération du Kosovo" (UCK). Il a contribué à la montée en puissance de l'insurrection albanophone contre la Serbie et s'est acquis à cette occasion une réputation de cruauté. Deux de ses frères ont été tués lors du conflit et un troisième a été jugé coupable en 2002 de crimes de guerre.
Le parti du Premier ministre démissionnaire, l'Alliance pour l'avenir du Kosovo (AAK), est le plus petit des deux mouvements politiques issus de l'UCK au lendemain du conflit. Ramush Haradinaj a appartenu au premier gouvernement intérimaire de coalition formé en février 2002, aux côtés du chef de l'UCK Hashim Thaci et d’Ibrahim Rugova, le vétéran de la politique kosovare, qui dirige le principal parti de la province.
Lors des élections législatives d'octobre 2004, l'AAK avait remporté neuf sièges sur 120 au parlement. Mais il est devenu Premier ministre en décembre 2004 après avoir conclu un accord surprise avec Ibrahim Rugova, reléguant Hashim Thaci dans l'opposition.
RSR/agences
Appel à ses concitoyens
Le Premier ministre démissionnaire a demandé mardi à ses concitoyens "d'accepter" la réalité de son inculpation pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international (TPIY), dans un appel distribué à la presse à Pristina.
"Je vous demande d'accepter un fait qu'il est presque impossible d'accepter (son inculpation) mais faites le pour votre pays et pour la Nation", a écrit Ramush Haradinaj dans son appel.
"Je tiens à vous dire que je suis innocent de tout crime dont on m'accuse", a-t-il poursuivi, affirmant que ses activités pendant le conflit au Kosovo 1998-1999 étaient "en accord avec les règles internationales".