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La cocaïne drogue en vogue en Suisse

La consommation de cocaïne s'est démocratisée
La consommation de cocaïne s'est démocratisée
Près de 10'000 personnes consomment régulièrement de la cocaïne en Suisse. Ce nombre en constante progression dans notre pays depuis quelques années, a été confirmé mardi par l'office fédéral de la santé publique.

Considérée à tort comme une drogue festive, ses méfaits et surtout la dépendance qu'elle entraîne sont encore largement sous-estimés.

La cocaïne procure une exaltation qui entraîne une dépendance
très forte chez une partie des consommateurs. Certaines personnes
arrivent peut-être à gérer leurs prises mais le risque de
conséquences dues à la toxicité de la substance est toujours là, a
déclaré Barbara Broers, médecin-adjointe au Département de médecine
communautaire des Hôpitaux universitaires de Genève.



Au début, on se contente de prises sporadiques. Or les
probabilités de glisser vers la dépendance sont élevées. La
doctoresse rappelle aussi que la cocaïne est toujours coupée avec
un nombre de substances inouï et que les consommateurs ignorent ce
qu'ils absorbent: la proportion de cocaïne peut varier entre 0 et
99 %.

Dangereux pour la santé

Les quelques dizaines de cas récents d'intoxication à la
cristalline, un mélange de cocaïne et d'atropine, renforcent ses
craintes. Le «cocktail» analysé à Genève, contenait 60 % de cocaïne
et jusqu'à 10 % d'atropine, un pourcentage déjà très
dangereux.



Les personnes hospitalisées ont notamment souffert
d'hallucinations graves. Elles se sentaient angoissées et certaines
persécutées, prêtes à sauter par la fenêtre pour échapper à leurs
«poursuivants», a expliqué Mme Broers. La cristalline peut aussi
conduire au coma, voire à la mort.



Les cocaïnomanes souffrent fréquemment d'inflammations de la
muqueuse nasale et de perforations de la paroi nasale, de problèmes
psychiatriques comme la dépression, mais aussi de problèmes
respiratoires. Si l'héroïne entraîne surtout des risques d'arrêt
respiratoire, la cocaïne peut causer un arrêt cardiaque fatal.

Des semaines de sevrage

D'un point de vue médical, il est plus difficile de traiter la
dépendance à la cocaïne que celle à l'héroïne, pour laquelle il
existe des traitements de substitution comme la méthadone, souligne
Mme Broers. Pour la «coke», il n'y a peu d'outils médicamenteux
disponibles.



Le seul discours possible pour l'instant est celui de
l'abstinence, relève la spécialiste. Pour y parvenir, le suivi
ambulatoire est envisageable. Mais pour certains, il faudrait un
programme de sevrage hospitalier de quelques semaines au moins. En
pratique, les moyens manquent pour appliquer ce type de
traitement.

Distribution contestée

Fortement touchée par le phénomène, la ville de Zurich envisage
une distribution contrôlée de cocaïne. Mais pour Mme Broers, tout
comme pour l'Office fédéral de la santé publique, les données
scientifiques sont actuellement insuffisantes pour préconiser ce
traitement à large échelle.



La cocaïne est comme l'alcool. Ses effets secondaires sont trop
toxiques pour qu'elle soit utilisée à des fins thérapeutiques. Il
serait néanmoins intéressant de la tester pour certains groupes
gravement dépendants, relève Mme Broers.



Quant au traitement à la ritaline, donnée aux enfants hyperactifs,
des essais sont en cours à Berne et à Bâle. Selon Mme Broers, la
substance a des effets bénéfiques pour certains, mais
catastrophiques pour d'autres. Les résultats de ce traitement de
substitution seront connus au courant de 2006.

Effet de mode

Pour la spécialiste, l'engouement en faveur de la cocaïne est
probablement en partie dû à un effet de mode. La cocaïne correspond
au style de vie actuel, moderne et frénétique. Dans les années 60,
les produits qui avaient la cote étaient le LSD, les hallucinogènes
ou le cannabis. L'héroïne, plutôt mal vue aujourd'hui, avait pris
le relais.



D'autres facteurs comme une disponibilité plus grande et une
baisse des prix ont sûrement aussi joué un rôle dans la hausse de
la consommation de cocaïne. Il n'est toutefois pas aisé d'avoir des
chiffres fiables sur le phénomène. Selon la police fédérale et
l'OFSP, la Suisse compterait entre 7000 et 10'000 consommateurs
réguliers et entre 90'000 et 100'000 occasionnels.



RSR/agences

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