L’océan agit sur les mécanismes de transfert de chaleur et d’humidité de part et d’autre du globe mais il absorbe également une part importante du C02 produit par les activités humaines.
L’océan permet en effet de dissoudre par des processus physiques les gaz présents dans l’atmosphère et de les répartir en profondeur. Certaines espèces de phytoplancton, mais aussi beaucoup d’autres espèces qui consomment du phytoplancton, stockent également du carbone dans des squelettes ou kystes, qui se déposent au fond des océans à leur mort. Le CO2 peut ainsi s’accumuler dans les sédiments marins sans plus intervenir dans l’effet de serre.
L'océan continue d'absorber le Co2
Selon une étude menée par une équipe internationale, dirigée par Nicolas Huber de l’ETH Zurich, l'océan a absorbé environ 34 milliards de tonnes de Co2 produit par l'homme dans l'atmosphère, entre 1994 et 2007, ce qui représente environ 30 % de toutes les émissions de CO2 produites par l'homme pendant cette période.
Ce pourcentage de CO2 absorbé par les océans est resté relativement stable par rapport aux 200 années précédentes, mais la quantité absolue a considérablement augmenté. En d’autres termes, plus les quantités de CO2 ont augmenté dans l'atmosphère, plus les océans en ont absorbé. Les études menées à ce jour suggèrent donc que l'océan continue de jouer un rôle important dans le récent bilan mondial du carbone.
Les résultats de cette recherche sont basés sur une étude globale du CO2 et d'autres propriétés chimiques et physiques dans les différents océans, mesurées depuis la surface jusqu'à des profondeurs pouvant atteindre 6 kilomètres. Des scientifiques de sept pays ont participé à un programme coordonné à l'échelle internationale qui a débuté en 2003. Au niveau mondial, plus de 50 campagnes de mesures ont été menées jusqu'en 2013. Elles ont été synthétisées en un produit de données mondiales.
Capacité d’absorption limitée ?
La question n’est pas anodine. Les processus naturels de dissolution du CO2 dépendent des températures à la surface de l’océan. Plus ces dernières sont basses, plus les quantités absorbées sont élevées. Or les océans ont tendance à se réchauffer depuis quelques décennies, ce qui suggère que cette capacité d’absorption puisse diminuer un jour.
"Au cours de la période examinée, l'océan mondial a continué d'absorber le CO2 anthropique à un rythme qui correspond à l'augmentation du CO2 atmosphérique ", explique M. Gruber. C’est un élément de réponse. Mais la question de savoir comment cette capacité va évoluer à l’avenir reste ouverte…
L’étude a par ailleurs révélé des différences régionales dans l'absorption du CO2. Par exemple, l'océan Atlantique Nord a absorbé 20 % moins de CO2 que prévu pendant la période d’analyse. Ce déficit a cependant été compensé par une absorption accrue dans l'Atlantique Sud. Les chercheurs ont observé des fluctuations similaires dans d'autres océans, y compris les océans Austral, Pacifique et Indien. Il semble donc qu'il y ait aussi des systèmes de rétroaction complexes en jeu.
Milieu marin menacé par l’acidification
En modérant le taux de réchauffement de la planète, le puits océanique de CO2 anthropique rend un service important à l'humanité, mais il a son prix : le CO2 dissous dans l'océan acidifie l'eau. "Nos données ont montré que cette acidification s'étend profondément à l'intérieur de l'océan, s'étendant en partie jusqu'à des profondeurs de plus de 3000 m ", explique Nicolas Gruber.
Le phénomène peut avoir de graves conséquences pour de nombreux organismes marins. Le carbonate de calcium se dissout en effet spontanément dans les milieux acidifiés, ce qui présente un danger pour les moules et les coraux dont les coquilles et les squelettes sont faits de carbonate de calcium.
L'évolution de la composition chimique de l'océan peut également avoir une incidence sur les processus physiologiques comme la respiration des poissons. Gruber est convaincu : "Il est crucial de documenter les changements chimiques apportés à l'océan par l'activité humaine, notamment pour comprendre l'impact de ces changements sur la vie marine."
Philippe Jeanneret, avec le concours de Martin Beniston, professeur de Climatologie à UniGE