La plupart des orages violents s’expliquent par la présence d’une atmosphère instable, l’arrivée d’un front froid bien marqué (avec une baisse de températures de 10 degrés et plus), une humidité importante ou des phénomènes de cisaillement en altitude. Mais il n’est pas nécessaire que tous ces ingrédients soient présents.
Les analyses montrent que l’humidité n’était pas particulièrement forte dans les basses couches de l’atmosphère pendant la journée de samedi; le passage du front orageux ne s’est par ailleurs pas accompagné d’une forte baisse des températures (à la station de la Dôle, les thermomètres ne sont passée que de 15,6°C à 9,8°C entre 14h00 et 18h00 ).
Situation favorable à la formation de supercellules orageuses
La situation était cependant très différente entre 5000m et 9000m, avec l’arrivée par l’Ouest d’une onde courte, coincée entre deux branches de jet stream. D'après les sorties du Modèle Arome (ci-dessous), la première branche remontait vers les Alpes dans un courant de Sud, la seconde se dirigeait du golfe de Gascogne vers la Côte d’Azur dans un courant d’Ouest/Nord-ouest.
Cette onde courte – ou creux dépressionnaire - se caractérisait par la présence de forts tourbillons en altitude mais surtout par de puissants mouvements verticaux, (voir la sortie du modèle GFS américain ci-dessous). Le cisaillement (changement de force et de direction des courants en altitude) était par ailleurs assez marqué, les vents passant de 20 à 30 km/h vers 1500m à plus de 80 km/h vers 5500 mètres. Ce qui a permis le développement de supercellules orageuses…
Les supercellules orageuses ou orages supercellulaires se produisent régulièrement entre la fin du printemps et le début de l’automne, ils n’en demeurent pas moins spectaculaires et dangereux. Les images radar de la journée de samedi, permettent de situer l'arrivée de la supercellule en région genevoise peu avant 16h30. Signature assez classique dans ce genre d’événements, les échos radar les plus intenses ont pris la forme d’une virgule à l’avant du système.
Un arcus, nuage bas sous forme de rouleau allongé marquant la présence d’un front de rafale, s’est également formé à l’avant de la supercellule, ce qui'illustrent assez bien ces images de webcams devant Nyon à 16h30. On peut également parler de signature…
La zone de forts vents et de précipitations intenses s’est d’abord concentrée sur la région genevoise et le Petit-lac. Elle s’est généralisée à l’arc lémanique vers 17h30 et s’est dirigée ensuite vers l’Est du Plateau et les Préalpes.
Bilan des orages
Météosuisse a fait un bilan détaillé de l’événement sur son site web. Voici quelques chiffres :
En plaine, les vents les plus forts ont été enregistrées à Vevey (VD) et au Bouveret (VS) avec des rafales à respectivement 103 et 110 km/h. En montagne, à 122 km/h à été mesurée au Moléson à 18h10. (voir carte ci-dessous).
Les mesures fournies par les concurrents du Bol d’Or corroborent ces valeurs, avec 106 km/h mesurés au mât du D35 Alinghi ou encore 92 km/h au mât de Ladycat, vainqueur du Bol.
Les précipitations ont été intenses, atteignant les 30 à 50mm autour du Léman sur l’ensemble de l’événement. Les cumuls sur 10 minutes ont également été impressionnants avec par exemple 22mm à Cossonay. On est cependant loin des 44mm enregistrés, toujours en 10 minutes, à Lausanne en juin 2018.
Les chutes de grêle ont également pris une ampleur particulière. D’après les relevés de Météosuisse mais également en fonction des témoignages qui ont afflué de part et d’autre, la taille des grêlons a atteint par endroits en 3 et 5 cm. Les zones les plus touchées ont été la région genevoise et les Préalpes bernoises, comme le montre le graphique ci-dessous, réalisé par Météosuisse.
Au vu de ces chiffres, l’événement peut être considéré comme exceptionnel. Il s’ajoute à la liste d’événements emblématiques comme l’orage de grêle sur le Lavaux en juillet 2005 ou l’orage de Versoix de juillet 1998, où neuf voiliers étaient partis par le fond.
Philippe Jeanneret avec le concours de Lionel Fontannaz de Météosuisse.