Il n’est pas toujours aisé de reconstituer les conditions météorologiques du passé, les mesures systématiques de température ou de pluviosité n’apparaissent en effet qu’entre le XVIIème et le XVIIIème siècle. Les climatologues disposent néanmoins aujourd’hui d’un certain nombre de moyens :
La dendroclimatologie, basée sur l’étude des cernes des arbres, permet par exemple de définir des tendances de températures. Les textes anciens, comme les registres des vendanges, les témoignages des chroniqueurs ou les descriptions des cérémonies religieuses, sont également riches en informations, en particulier les listes des « Rogations » de l’église.
L’expression vient du mot latin rogatio: « action de demander », « supplication », « prière ». Les Rogations sont instaurées au Vème siècle par saint Mamert, évêque de Vienne, afin de protéger les cultures contre les méfaits du gel. A l’origine, elles consistent à demander la bénédiction divine sur les travaux des champs en vue des récoltes à venir et sont traditionnellement célébrées avant l’Ascension.
La pratique prend une tournure particulière au fil des siècles, notamment avec les « Rogativas » en Espagne, qui désignent toute célébration demandant à Dieu la fin d’une calamité, l’accord d’une faveur. Les motifs d’invocation sont multiples, allant de la demande de modification de la météorologie à la prospérité économique, en passant par la victoire militaire.
Ces célébrations s’organisent face à un événement imprévu, mais leur mise en place et leur organisation ne doivent rien au hasard ni à l’improvisation. Découlant d’une décision administrative, elles sont organisées selon un protocole strict, et leur mise par écrit est systématique.
Fait intéressant dans le cadre des Rogations dites « météorologiques », différents niveaux de pratiques liturgiques sont mis en place, en fonction de la sévérité des aléas climatiques. Le tableau ci-dessus montre les pratiques dans la ville de Salamanque : les aléas de faible ampleur font uniquement l’objet de prières à l’église. A l’opposé, les évènements graves s’accompagnent de processions et de prières dans toute la ville. Les rites religieux sont également plus variés et nombreux.
Toujours dans la ville de Salamanque, les actes relevés entre 1612 à 1700 mettent en évidence 41 événements météorologiques, qui ont conduit à l’organisation de 56 cérémonies. Ils montrent deux cas principaux : pro pluvia (pour que la pluie tombe) et pro serenitate (que la pluie s’arrête). Ils mentionnent également les tempêtes, comme celle de janvier 1626, qui a provoqué de fortes inondations dans la ville (voir ci-dessous).
Les « Rogativas » ont leurs limites, elles ne renseignent que sur les extrêmes climatiques. Elles n'en constituent pas moins une source précieuse d'informations sur les événements du passé.
Philippe Jeanneret
Pour en savoir plus : « Les cérémonies religieuses face à la météorologie. Enjeux paléoclimatiques et rôle social. Le cas de Salamanque au XVII siècle ». Élise Hiram