Les tourbières sont des zones humides qui ne couvrent que 3% des surfaces émergées de la Terre mais qui sont très riches en matières organiques. Fonctionnant comme des éponges, elles participent à la régulation des niveaux d’eau ; elles purifient et épurent également cette dernière. Malgré leur taille, les tourbières stockent plus de carbone que ce qui est naturellement présent dans l'atmosphère. Elles jouent de ce fait un rôle régulateur important dans le climat mondial !
De nombreuses zones de tourbières ont été modifiées par les activités humaines ces dernières décennies : principaux responsables, le drainage pour l'agriculture et la gestion des plantations forestières. Les études montrent que l’équivalent d'environ 1,5 milliard de tonnes de dioxyde de carbone (CO ) sont rejetées chaque année dans l'atmosphère à partir des tourbières drainées – soit 3% de toutes les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) causées par l'homme. Une grande partie des gaz à effet de serre des tourbières sont produits en Europe et en Asie du Sud-Est.
Une réduction de moitié du drainage pourrait avoir des conséquences très bénéfiques
De nombreuses populations dépendent de ces zones pour leurs moyens de subsistance ; il n'est de ce fait pas réaliste de s'attendre à ce que toutes les tourbières agricoles soient entièrement réhumidifiées et retournées à leur état naturel.
Mais une équipe de scientifiques du UK Centre for Ecology and Hydrology (UKCEH) a analysé l'impact de la réduction de moitié des profondeurs de drainage actuelles dans les terres cultivées et les prairies sur la tourbe - qui couvrent plus de 250 000 km dans le monde.
Leur étude montre qu’une telle intervention pourrait réduire les émissions d'environ 500 millions de tonnes de CO par an, ce qui équivaut à 1 pour cent de toutes les émissions mondiales de GES causées par les activités humaines.
« La dégradation généralisée des tourbières devra être abordée dans les pays qui veulent atteindre leur objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d'ici 2050 », explique Le professeur Chris Evans de l'UKCEH, qui a dirigé la recherche.
Des défis de taille devront être relevés, comme le contrôle des niveaux d'eau et du stockage, mais l’étude montre qu’il existe de nombreuses possibilités pour humidifier à nouveau les tourbières agricoles sans affecter gravement la production, car de nombreux sites sont sur-drainés - parfois à plus de deux mètres - et souvent en l'absence de culture.
"Nos résultats présentent un défi, mais aussi une excellente opportunité. Une meilleure gestion de l'eau dans les tourbières offre un potentiel gagnant-gagnant avec à la clé, une réduction des émissions de gaz à effet de serre, une amélioration de la santé des sols, un allongement de la durée de vie agricole et une réduction des risques d’inondations. ", ajoute Sue Page de l'Université de Leicester, co-auteur de l'étude.
La Suisse à la traîne malgré une initiative populaire
La population suisse a pris conscience de l'importance des tourbières avec la votation sur l'initiative du Rothenthurm, acceptée par le Peuple en 1987. Leur pérennité est assurée par l’ordonnance de la protection des hauts-marais depuis 1991. Laquelle encourage également la régénération des sites, dans la mesure où elle est judicieuse.
Mais force est de le constater, les objectifs sont loin d'être atteints: "Au-delà des sites qui continuent de se dégrader, les zones protégées émettent encore aujourd'hui plus de CO2 qu'elles n'en absorbent", explique Yvan Matthey, chargé d'affaire auprès de ProNatura."Faute d'une réelle volonté politique, peu de mesures sont prises pour diminuer le drainage. Ce qui est bien dommage car la Confédération a constitué des réserves financières à cet effet".
Les plus vastes tourbières de Suisse se trouvent dans la vallée des Ponts-de-Martels. Historiquement, la végétation de marais couvrait près de 1500 ha. Les biotopes du site marécageux n'occupent aujourd'hui plus que 227 ha. Tout un symbole...
Philippe Jeanneret