Connue sous l’appellation de « nowcast » la prévision à très court terme revêt une importance particulière dans la gestion d'évènements violents comme les orages, les coups de vents ou les fortes pluies. Elle permet de mieux définir les zones à risques et de gérer de manière efficace les alertes et les moyens d’intervention.
Pour mener à bien cette tâche, les météorologues s’appuient sur les observations, notamment les mesures au sol et les radars. Ils disposent également de modèles numériques à haute résolution.
Or de tels modèles montrent leurs limites dans les évènements violents. Le problème vient principalement du fait que ces derniers ne sont actualisés que toutes les trois heures. Hormis quelques exceptions, ils ne tiennent pas compte des événements les plus récents.
Méthode de "machine learning" basée sur l'analyse d'images radar
Pour combler cette lacune, une équipe répartie entre Londres, Reading et Exeter, au Royaume-Uni, a développé un système de « machine learning », technique d’intelligence artificielle permettant aux ordinateurs d'apprendre sans avoir été programmés de manière explicite. Le domaine de la prévision couvre une zone de 256 km par 256 km, soit un peu plus que la surface de la Suisse. Les résultats de l’expérience ont été récemment publiés dans la revue Nature.
La méthode de « machine learning » consiste dans le cas d’espèce à évaluer quatre observations radar, prises dans des intervalles de 5 minutes, pour générer un échantillonnage de scénarios de précipitations futures, chaque scénario étant constitué de 18 trames, soit une tranche de prévision sur 90 minutes.
Pour sélectionner le scénario le plus probable, le système utilise une méthode d’apprentissage consistant à comparer les observations radar avec les solutions proposées par des algorithmes. Assez complexe, cette dernière utilise notamment des discriminateurs spatiaux et temporels pour éliminer les situations incohérentes et les propositions trop floues.
Pour parfaire son apprentissage, le système a été « entraîné » sur la base des observations radar sur le Royaume-Uni entre 2016 et 2018. Il a été ensuite testé et comparé aux systèmes conventionnels de prévisions sur l’ensemble de 2019. Il a également été évalué par des météorologues du Met Office.
Les résultats obtenus montrent un progrès significatif dans la prévision de précipitations sur des échéances de l’ordre de 30 à 60 minutes. Les météorologues ont notamment décrit le système comme ayant la "meilleure enveloppe", "représentant le mieux le risque", et ayant "un niveau de détail beaucoup plus élevé que ce à quoi ils sont habitués". On peut parler de résultats prometteurs...
Le système a montré cependant ses limites : les météorologues ont souligné une décroissance de l'intensité pour les fortes pluies sur une échéance de 90 min par rapport à la réalité, et que les averses isolées n’étaient pas toujours bien prévues. Ces points devront être améliorés.
Le système INCA-CH de Météosuisse
Disponible sur l’application mobile et sur le site Internet de Météosuisse, le système INCA-CH est également une prévision à court terme. Elle est produite toutes les 10 minutes et couvre la Suisse et les régions voisines avec une maille de 1 km.
La prévision va de 0 à 6 heures et comprend une combinaison continue de données observées et extrapolées, ainsi que des données prévues par le modèle de prévision numérique COSMO-1. Une prévision étendue est même disponible pour certains paramètres.
La méthode n’utilise pas les méthodes de « machine learning ». Elle se borne à calculer le déplacement des zones de précipitations observées, en tenant compte de la vitesse, de l’orientation du vent. Les reliefs sont également pris en compte, ce qui est important dans les situations de barrage.
Les calculs effectués par INCA-CH sont généralement pertinents pour de très courtes échéances. Mais à l’instar des systèmes basés sur le « machine learning », la qualité des résultats diminue pour des échéances de l’ordre de 90 minutes et plus.
Philippe Jeanneret, avec le concours de Matteo Buzzi de Météosuisse.