La cyclone qui s’est abattu le 24 septembre sur la Nouvelle Ecosse et Terre-Neuve restera dans les annales comme l’un des évènements les plus intenses sur l'Est du Canada, depuis le début des mesures.
L’histoire de Fiona commence le 12 septembre avec la formation d’une onde tropicale au large des îles du Cap vert, laquelle s’intensifie les jours suivants, passant au stade de tempête tropicale le 15 septembre, puis à celui d’ouragan de catégorie 1 sur l'échelle de Saffir-Simpson, le 18 septembre près de Porto Rico.
Poursuivant sa route vers l’Ouest, l’ouragan Fiona se décale le 19 septembre sur la République dominicaine, accompagné de vents à près de 150 km/h. En retrouvant le lendemain les eaux chaudes de l’Atlantique équatorial, il bénéficie de conditions de plus en plus favorables et modifie sa trajectoire vers le Nord.
Température élevée à la surface de l’Atlantique le long de côtes américaines et canadiennes
En remontant vers le Nord, les ouragans perdent généralement de leur intensité mais Fiona bénéficie d’un environnement relativement stable en altitude en longeant les côtes américaines, ce qui contribue au maintien d’une bonne circulation des courants à l’intérieur de ses flancs. Il se déplace également sur des eaux plus chaudes que la normale (voir ci-dessous).
Les relevés effectués le 17 septembre montrent des anomalies positives comprises entre 1°C et 3°C à la surface de l’océan, ce qui amène une énergie supplémentaire au cyclone et permet aux vents de s’intensifier. Fiona passe ainsi en catégorie 2, puis 3 et enfin 4 le 21 septembre, devenant le premier ouragan majeur de la saison.
Le 22 septembre, Fiona se trouve près des Bermudes. Des rafales à près 150 km/h sont mesurés à l’aéroport international L.F. Wade et les vents les plus forts atteignent 215 km/h au large, avec un centre dépressionnaire estimé à 936 hPa.
Un drône marin de la NOAA, spécialement équipé pour ce genre de mission, filme les évènements (voir ci-dessus). L’absence de point de repères ne permet pas vraiment de se rendre compte de la taille des vagues mais ces dernières sont estimées à 50 pieds, soit environ 15 mètres.
Interaction favorable avec les courants d’Ouest
Le 23 septembre à 0h00 UTC, Fiona atteint une pression centrale minimale de 932 hPa à 30.8°N, soit la valeur la plus basse jamais mesurée à cette latitude sur l’Atlantique Nord. Pendant cette même journée, l’intensité de l’ouragan varie passant dans un premier temps en catégorie 3, puis remontant en catégorie 4.
Poursuivant sa trajectoire vers le Nord, Fiona se trouve en soirée à proximité d’un creux dépressionnaire qui se déplace dans le courant d’Ouest. Une transition en système post-tropical s’opère, le centre du cyclone ayant tendance à se refroidir. Mais au fil des heures, ce dernier se positionne sur le flanc gauche du jet stream qui accompagne le creux dépressionnaire (voir ci-dessous).
Dans cette position, les restes de l’ouragan bénéficient d’une nouvelle dynamique, ce qui contribue au maintien de vents forts. Les images satellites du jour montrent même une accélération du tourbillon dépressionnaire au large de la Nouvelle Ecosse et de Terre-Neuve.
Le 24 septembre au matin, Fiona, qui est passé au stade de cyclone post-tropical, touche les terres de la Nouvelle Ecosse, sur la péninsule de Canso près de Guysborough. Il remonte ensuite sur l’Ouest de Terre Neuve, où une rafale à 177 km/h est mesurée à la station de Wreckhouse.
Sur la base d’une observation effectuée à la station météorologique de Hart Island au Nord de la Nouvelle Ecosse, la pression centrale du système dépressionnaire est estimée à 931 hPa, ce qui constitue la valeur la plus basse jamais enregistrée au passage d’un cyclone post-tropical sur le Canada. Une procédure d’homologation de record est en cours.
La montée du niveau des eaux atteint 2,73m à Port aux Basques à l’Ouest de Terre-Neuve, selon environnement Canada, ce qui constitue également un record. De nombreuses habitations sont emportées par les eaux sur zones côtières.
Selon les derniers bilans, l’ouragan Fiona a provoqué la mort de 19 personnes dans les Caraïbes et 2 au Canada. Les dégâts matériels sont importants et de nombreux foyers se trouvent encore aujourd’hui sans électricité.
On peut parler d'évènement exceptionnel en raison des vents et des valeurs de pressions mesurés mais également dans la façon dont le courant d'Ouest a interagi avec le cyclone dans sa phase post-tropicale.
Philippe Jeanneret