Les courants d’Ouest s’accompagnent d’air plus froid depuis quelques jours, la limite des chutes de neige s’est même abaissée jusque vers 800 mètres aujourd'hui. En y regardant cependant de plus près, l’allure générale des courants reste dictée par les courants d’Ouest, ce qui n'est guère favorable aux vagues d'air froid.
De fait, les dernières sorties de modèles misent sur une succession de fronts chauds et de fronts froids ces deux prochaines semaines, avec une limite des chutes de neige assez fluctuante d'un jour à l'autre. Certes, la limite des chutes de neige pourra par moments descendre jusque vers 600m, voire jusqu’en plaine, mais les épisodes froids devraient être de courte durée.
Vortex polaire stable pour l'instant
Cette dominante de courants d’Ouest s’explique en grande partie par un gradient de pressions assez marqué sur l’Atlantique-Nord. Les relevés au sol de ce lundi illustrent bien ce gradient avec une valeur de 1030 hPa au Nord des Canaries contre 969 hPa au large de Terre (ci-dessous). Situation dite de « phase positive de l’oscillation Nord-Atlantique ».
La présence d’un vortex polaire au-dessus du Pôle Nord joue également un rôle : situé dans la stratosphère entre 15 et 25 km d’altitude, ce dernier s’accompagne de températures assez basses, comprises entre -70°C et - 80° et de vents atteignant jusqu’à 300 km/h, soufflant dans le même sens que les courants d’Ouest. Ce qui assure leur bonne tenue.
Affaiblissement possible à la fin du mois
Les dernières sorties du modèle européen (ECMWF) et du modèle américain de la NOAA (GFS) montrent un affaiblissement possible du vortex polaire à la fin janvier, sous la forme d’une hausse de températures assez marquée dans la stratosphère, sur les zones périphériques du vortex (ci-dessous).
La prévision sur ce point est incertaine mais le vortex pourrait même se réchauffer à la fin du mois, d’après les prévisions hebdomadaires du modèle européen, ce qui pourra avoir des conséquences directes sur la circulation des courants d’Ouest sur l’hémisphère Nord comme on le verra plus bas.
Deux scénarios envisageables
Les études menées ces dernières années montrent que le vortex polaire et les courants d’Ouest interagissent entre eux par des mécanismes complexes. Dans certains cas, le vortex agit sur le courant d’Ouest, dans d’autres c’est le contraire qui se produit :
En s’accentuant, les ondulations des courants d’Ouest peuvent en effet provoquer un affaiblissement du vortex polaire. Un peu comme une vague qui déferle en prenant de l’ampleur. L’interaction s’opère par des transferts d’énergie entre la troposphère et la stratosphère et peut prendre des formes différentes :
L’énergie peut tout d'abord se réfléchir sur la couche inférieure de la stratosphère ce qui provoque un étirement du vortex polaire, voir la formation de deux noyaux distincts. Ce genre de scénario est favorable à l’avènement de vagues d’air froid sur l’Est de l’Amérique du Nord mais pas forcément en Europe. Il s’est par exemple produit en janvier 2021 (ci-dessous).
L’énergie peut également être absorbée par la stratosphère, ce qui conduit à un affaissement puis à un réchauffement du vortex polaire, de l’ordre de la cinquantaine de degrés. Ce deuxième type de scénario se traduit par une déstabilisation progressive de la circulation des courants, d’abord dans la stratosphère, puis dans la troposphère, ce qui favorise à terme les vagues d’air froid sur le Nord de l’Amérique et sur l’Europe.Le processus est assez lent : les vagues d’air froid se produisent en général deux semaines après un réchauffement stratosphérique polaire et peuvent affecter les conditions européennes jusqu’en mars, comme par exemple en 2018.
Toujours en 2018, le réchauffement du vortex s'est accompagné d'une réorientation du jet-stream au Nord-est, entre la Sibérie et l'Europe, ce qui a permis à de l'air particulièrement froid de s'installer sur les Alpes entre la fin février et le début mars.
On précisera que ces scénarios peuvent se produire de manière indépendante mais il arrive régulièrement qu’un étirement soit suivi quelques temps après par un réchauffement. La période la plus propice à ce genre d’évènement est en général la fin du mois de janvier.
Evolution encore incertaine
Si l'analyse de la circulation des courants et les dernières sorties de modèle portent à croire que le vortex polaire s'affaiblira d'ici à la fin du mois, l'évolution vers le premier ou le deuxième scénario sont encore difficile à prévoir. Le modèles devraient fournir des indications plus pertinentes au fil des jours mais il faudra probablement attendre encore une dizaine de jours pour être fixés.
D'ici-là, les courants d'Ouest continueront de nous amener un temps relativement doux...
Philippe Jeanneret